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Urgences - Page 23

  • Je l'aime encore

    coe_une_touche_d'amour.jpgUne touche d'amour, Jonathan Coe

    Avis chrono'

    Tout à fait différent du premier. Moins émouvant, plus conventionnel, mais même plaisir à m'interroger sur le sens profond des évènements. A mettre en haut d'une P.A.L.


    Mon challenge Jonathan Coe se poursuit, avec deux jours de retard je publie mon billet sur ce deuxième roman.

    Difficile d'éteindre la lumière, le soir cette semaine, tant j'avais envie de connaître la fin de ce très bon roman. Autant le dire tout de suite, pas une larme versée, c'était vraiment très différent de La femme de hasard  (avis à lire ici).

    J'aime, dès les premières pages cette impression d'une écriture familière. Pourtant je n'ai aucune facilité à repérer des « styles ». Mais j'ai aimé, bien plus saupoudré que dans le premier roman, retrouver cette façon d'interpeller le lecteur et de tourner en dérision l'écriture même. Les intellectuels sont un peu malmenés...

    «  J'imagine que l'université jouait un rôle important dans votre vie intellectuelle et sociale?

    - Oui, en effet. C'est là que nous achetions nos sandwiches. »


    J'avais compris, à la lecture de la 4e de couv' qu'il serait question de Robin, éternel étudiant, un peu raté, accusé un jour de « s'être exhibé devant un petit garçon ». Je ne suis pas d'accord avec cette façon de présenter l'histoire, mais il faut bien écrire quelque chose au dos du livre... Tâche difficile face à un livre sans véritable intrigue centrale.

    Robin est bien là. Sans doute, c'est de lui qu'il est question le plus souvent. Mais j'ai comme l'impression que chez Coe, ça ne suffit pas à faire un héros, ni même un personnage principal.

    Robin est bien un paumé, qui traine sa déprime et sa thèse de cinq ans d'âge, à peine entamée, sur le campus de Coventry. Mais cette histoire d' exhibitionnisme ne me semble qu'un prétexte à étudier une fois encore les mécanismes obscurs des relations humaines.

    J'aime ces textes plein d'humour. J'aime la scène des copains qui se retrouvent pour parler du bon vieux temps, mais chaque fois, leurs points de vue sur le même souvenir sont diamétralement opposés...

    Soirée de bal vue par Ted:

    « la cornemuse saluait l'aube », « nous étions ensemble tous les trois, à regarder la brume caresser l'eau […] main dans la main, bras dessus bras dessous »

    Vue par Robin:

    « Il était allé à ce bal à contrecoeur […] il s'était trouvé isolé triste et penaud » « Ted se penchait pour vomir dans les eaux boueuses de la Cam ».


    Autre point notable, le texte est découpé en quatre parties, quatre journées, pour être précis. A l'intérieur de chacune, un des personnages entre en possession d'une nouvelle écrite par Robin. Ces récits enchâssés ont leur propre autonomie, j'ai beaucoup apprécié le n°2, "le chanceux", par exemple. Les personnages d'une touche d'amour tentent ensuite de tisser des liens entre la personnalité de Robin et le contenu de ses écrits, qui sont assez semblables, par leurs thèmes, à ceux de Jonathan Coe.

    Est-ce une invitation, pour nous, à faire de même? A deviner une intention, une ligne de conduite, à travers le récit (les récits)? C'est assez dingue comme procédé, et là, ça me donne le tournis...

    J'aime remarquer la récurrence de la déprime, du suicide, des difficultés à communiquer et à nouer des relations durables et sincères... Mais je n'arriver pas à en dégager une thèse nette, facile à résumer. Pourtant, au fond, je sens confusément que le message est limpide est très humain, bien moins sombre qu'il n'y paraît.

    Je crois que c'est là justement tout ce qui me séduit Cela ressemble assez à ma façon d'envisager les choses, tortueuse et complexe en apparence, mais soutenue par un tout petit nombre de postulats sans surprise, dont l'originalité, au fond, est d'être souvent oubliés: Il est impossible d'être heureux seul, le bonheur se mesure à la qualité de nos relations aux autres. Les personnages torturés manquent leur chance faute de laisser parler leurs instincts. « Comme beaucoup de gens, je me plais à cultiver un sentiment de ratage ».

    Les exemples sont nombreux dans La femme de hasard et encore plus dans Une touche d'amour. Je pense au récit n°4, dans laquelle un homme qui cherche à tout contrôler se prend un méchant coup, car il n'a pas su voir en sa femme une personne autonome et libre, à la conduite aléatoire.

    Je pense aussi à Robin, bien sûr. Il contrôle ses désirs, s'empêche de ceci ou de cela, ne regarde pas assez autour de lui (comme Lawrence, le chanceux) et au final...

    J'aime entendre d'autres mots que les miens affirmer qu'une dispute amoureuse est reconnaissable entre toutes.

    « Merde! Fit-elle. Nous sommes amoureux... non? Nous sommes amoureux. Ça, c'est une dispute d'amoureux. Et ce qui m'ennuie vraiment, ce que nous n'avons fait aucune des choses délicieuses que les amoureux sont censés faire entre eux avant de commencer à se disputer. »

    J'aime, encore, ce respect pour le hasard. Parce que je suis adepte du laisser faire, comme ça vient.

    J'ai l'impression que ce M. Coe ne se préoccupe que du bonheur. Que sous un extérieur assez sombre, il y croit profondément. Le bonheur est peut-être le seul domaine dans lequel on se doit d'être extrême... D'être d'une rigoureuse exigence. Mais cela n'engage que moi et je déborde du texte.

    «  Vous voulez dire qu'on peut se contenter d'une quantité modérée de vérité, d'honnêteté, de justice ou de bonheur? Vous voulez dire que tant qu'on est modérément protégé du danger de famine, de la menace de torture […] on doit s'estimer heureux? »

    Donc, j'aime. J'adore. Je vous laisse lire. Si jamais vous voulez revenir en discuter après, ce sera avec plaisir. J'aime ces romans aux antipodes de la limpidité, qui donnent matière à discussion.

  • Rien dans la tête

    Merci à Radicale! Que je ne l'entende plus dire que nos goûts sont différents puisque c'est sur son conseil que j'ai acheté, oui, vous lisez bien, acheté et même fait livrer à la maison:

    voix_du_couteau_ness.jpgLa voix du couteau, Patrick Ness,

    1er opus d'une trilogie intitulée Le chaos en marche.

    J'ai adoré!

    Imaginez un monde où les pensées des autres flottent, accessibles à tous, comme autant de petits airs lancinants. Pas une pensée, mais toutes les pensées, mêlées, confuses, agitées. Les petits riens du quotidien. Les craintes, les obsessions, les désirs. Un monde sans aucune intimité.

    Cela se nomme le Bruit. C'est une sorte de maladie. Todd, 13 ans, n'a connu Prentissville, qu'ainsi: Bruyante. Toutes les femmes sont mortes, il est le plus jeune des garçons survivants.

    Mais un jour, dans le marais, il fait une découverte qui va bouleverser toutes ses croyances.

     Il s'agit paraît-il d'un roman jeunesse, mais pas tant que ça je trouve. Un beau volume, plus de 500 pages, une couverture qui aurait pu être plus réussie, c'est vrai. Une histoire très prenante, avec un suspense maintenu de bout en bout. Plus loin que le bout même puisque des éléments restent irrésolus, histoire de nous frustrer un maximum.

    Le thème devait me séduire! Quel fantasme de pouvoir lire l'esprit de mes semblables et tant pis si ce n'est pas ce que le roman veut me faire penser! Je donnerais n'importe quoi pour pouvoir, dans certaines situations, obtenir les réponses à mes questions, directement à la source... (soupir) . C'est terrifiant et injuste de devoir se contenter des mots qui sont si mensongers. Bon. Mais c'est vrai aussi: je ne supporterais pas de dormir dans le Bruit! Il me faudrait un don clignotant, avec interrupteur.

    J'ai apprécié chacun des personnages, même les secondaires. Je pense à Hildy, mais surtout à Wilt, avec son incroyable patois!

    « E z'viteront une cheurrette, dit l'homme, mé à pied, eucune chaince, é vous écrabeuilleront keum des crêpes. »

    Je sais pas pourquoi, quand je lis ça, j'entends l'accent québécois (taaapez pas, les filles, I love Québec! Surtout si on m'offre le billet d'avion.)

    Un bonus avec les « criatures », les grosses vaches de quatre mètres de haut.

    Enfin, je m'oublie pas Manchee, le chien qui parle. Personnage à part entière puisque sa relation à Todd évolue au fil du temps.

    « Fusil! Fusil! Fusil! Aboie Manchee, et il avance, recule par bonds dans la poussière.

    - Moi, je la ferais tenir bien tran-quille, votre bes-tiole, articule le fusil […] Vous voudriez pas qu'il lui arrive quelque chose, quand même?

    - Tranquille, Manchee! Je dis.

    Manchee se tourne vers moi.

    - Fusil, Todd? Bang! Bang!

    - Je sais. Boucle-là. »

    Le gamin et le chien, ça marche toujours... Quand j'étais jeune, c'était Claude, garçon manqué dans le club des cinq et son chien Dagobert qui me faisaient rêver.

    Sur divers blogs, j'ai cru comprendre que le style avait dérouté voire rebuté un certain nombre de lecteurs. En effet, c'est Todd qui raconte et son élocution...connait quelques ratés.

    « Cillian aura une attaque si Manchee tombe dans un de ces feuttus nids à serpents ».

    «  Et la première chose que vous voyez ce sont les vieilles contruxions »

    Cela ne m'a pas gênée, ce sont toujours les mêmes mots, déformés de la même façon, on s'habitue et je trouve que ça donne une petite touche spéciale, enfantine, dans un ensemble de grande qualité.

    Je me demande ce que ça donnait en vo... j'ai pensé souvent au malheureux traducteur.

    J'ai bien senti un léger creux sur la fin, un début de lassitude. Et puis, je suis passablement agacée de devoir attendre pour lire le second volume (je monte une pétition pour l'interdiction des sagas?) mais ravie de cette découverte!

    A recommander (moi faut que j'évite, pas deux fois le même mois, sinon on va croire que je donne des leçons). Vous le recommanderez, donc, aux grands ados et aux petits adultes!

  • Un peu à l'ouest, lui...

    Blesses_everett.jpgBlessés, Percival Everett.

    Troisième et dernier des livres que l'on m'a conseillés autour des thèmes du racisme et de la ségrégation. Cette fois, nous quittons l'Afrique de l'Apartheid pour un ouest américain contemporain qui n'a pas été sans me rappeler celui des nouvelles d'Annie Proulx.

    John Hunt, éleveur de chevaux, s'occupe de son ranch aux côtés de Gus, son vieil oncle. Une vie paisible, jusqu'au jour où l'on retrouve non loin de là le cadavre torturé d'un jeune homosexuel.

    Roman bien difficile à résumer car si l'histoire tourne autour d'un meurtre, il ne s'agit pas pour autant d'un thriller. C'est même l'exact contraire, mais je ne connais pas le mot qui définirait un roman aussi prenant, aussi passionnant, dans lequel l'intrigue n'a aucune espèce d'importance.

    Je suis tombée amoureuse de cette écriture (que doit-elle à la traduction?) très sereine, tendre, naturelle, qui enveloppe délicatement les personnages comme pour les protéger du monde extérieur, de ses bassesses, des relents de racisme ou d'homophobie, autant de phénomènes dénoncés au passage, mais sans aucune violence.

    On ne peut que tomber sous le charme: des dialogues simples, qui sonnent justes, des personnages attachants, très humains, pleins d'humour. Je me suis sentie emportée de la première à la dernière page. Je ne peux que recommander chaudement, très chaudement, à tout ceux qui se sentent tendus ou nerveux. Je ne sais pas si ce livre possède assez de vertus pour guérir des insomnies, mais je sais qu'il m'a fait la même impression qu'un moment passé la tête posée sur le ventre d'un amour assoupi, à sentir sa respiration lente et régulière. Un livre relaxant, envoûtant, doux, que j'ai déjà envie d'offrir!

    « S'il fait froid, allume un feu, s'il fait chaud, saute dans le ruisseau. La vie n'est pas plus compliquée. »

  • Sous le charme

    Enchantement_card.jpgEnchantement , Orson Scott Card

    Encore un livre écrit par un mormon, mais pas de vampire dans ce roman de très bonne qualité!

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune.

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune.

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune.

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune...

     

    On m'annonçait une parodie des contes de fées et immédiatement je m'imaginai la Belle au bois Dormant roulant en décapotable sur le périph, les écouteurs sur les oreilles, deux minutes avant de s'endormir au volant (oui, je sais, je projette mes souvenirs de l'année passée. Sauf que je n'avais pas de décapotable. Et le périph était une route couverte de purée de betterave) puis d'être réveillée par un rappeur à casquette (au cas où, moi c'est NPR : ne pas réanimer).

    Surprise: un pavé, ce bouquin, grand format, 500 pages. La couverture pas géniale. Mais l'intérieur... un régal!

    L'histoire:

    Un jeune homme, Ivan, américain contemporain, trouve une jolie fille endormie dans les bois et après un petit tour de piste avec un ours aux fesses, l'embrasse (pas l'ours, la fille. C'est la sorcière qui couche avec l'ours, comme toute sorcière qui se respecte) et se retrouve au IXe siècle.

    Attendez! Partez pas! C'est mieux que ça n'en a l'air, je vous l'ai dit plus haut!

    D'abord, Ivan n'est pas qu'américain. Sa famille, pour quitter l'Ukraine en 1975 s'est convertie au Judaïsme. Son père est un universitaire spécialisé dans l'étude des anciennes langues slaves et de tout ce qui se rattache à la Russie d'autrefois. Sa mère est... énigmatique.

    A mon sens, le point fort de ce roman est d'être très bien documenté. L'intrigue se nourrit explicitement des théories de Propp sur les contes, Ivan prépare un mémoire sur ce sujet et durant son aventure, cherchera à valider ou invalider la thèse d'un conte ancestral à l'origine de tous les autres.

    Un roman plutôt savant, donc, par moment, avec des références à la linguistique, à la phonétique, à l'évolution des langues, aux thèmes et schémas récurrents dans les contes. Mais aussi aux valeurs féodales, aux différentes religions, à la façon dont elles s'implantent en phagocytant les croyances locales...

    Mais que tout ceux qui ne s'embarrassent pas de ce jargon ne s'inquiètent pas, ceci n'est que saupoudré dans le roman qui reste avant tout un beau morceau de Fantasy: Ivan passe pour un gringalet efféminé dans ce monde de chevaliers, avec princesse, dieu-ours grognon (mon chouchou), sorcière diabolique, jeune garçon paria qui devient un allié (mon second chouchou), le tout sur un ton piquant, avec un humour qui m'évoque parfois Terry Pratchett.

    Des histoires de coeur...

    «  Elle ne lui ferait plus confiance, mais elle le reprendrait, parce qu'elle l'aimait vraiment et que l'amour ne disparaît pas ainsi, simplement à cause de l'indignité de l'être aimé » (si seulement... arf).

    Des breuvages magiques...

    « Je devrais peut-être les faire prendre tous les deux à Ivan; Ou, mieux encore, faire tomber Ivan et sa goy amoureux de moi, et alors ce serait mon tour de le laisser tomber pour la même femme! » (trio amoureux manqué, ç'aurait pu être sympa).

    De la sagesse...

    « Et les livres? Quelle importance? Les universitaires s'enorgueillissaient toujours de lire au lieu de regarder la télévision, mais quelle était la différence, en réalité? […] Quand je serai mort, à quoi me servira que j'aie lu tel ou tel bouquin? » (vrai).

    ... c'est très drôle, c'est très bien écrit, c'est un gros livre. Que demander de plus?

  • Sur la route de Memphis

    Un grand merci aux éditions Points pour ce premier partenariat mémorable!

    Ed_points.jpg

    Nelscott_route_dangers.jpg

    La route de tous les dangers, Kris Nelscott.

    Etats-Unis, avril 1968. La révolte gronde dans la communauté Noire de Memphis. Les employés municipaux sont en grève. Martin Luther King est attendu pour un discours : il sera assassiné d'ici quelques jours.

    Dans ce contexte pour le moins troublé, le détective Smokey Dalton reçoit une étrange visite: une femme, inconnue, dont la mère tout juste décédée vient de léguer à Dalton une somme conséquente sans aucune explication. Une Blanche.

    Smokey va devoir réveiller les événements les plus sombres de son propre passé et de celui de Laura pour résoudre cette énigme.

    Mon avis:

    Un excellent polar! J'ai aimé ce côté témoignage historique, c'est ce qui m'avait attirée vers ce partenariat et je n'ai pas du tout été déçue. Smokey est présenté comme un ami d'enfance de Martin Luther King. C'est à travers lui que nous ressentons le racisme ambiant, plus ou moins avoué, la ségrégation, le ras-le-bol d'une communauté et la tension qui monte progressivement.

    Une période finalement assez mal connue - je ne me souviens pas avoir eu de cours d'histoire sur l'Apartheid, par exemple. Sur l'esclavage, oui, vaguement... mais des 200 ans suivants que reste-t-il en dehors d'un peu d'instruction civique et d'un vague message de tolérance naïf et inefficace à destination des enfants "La discrimination c'est mal", qui gomme la progression, la réflexion, la nuance? La mention des Blacks Panthers dans ce roman a été pour moi une découverte, ou presque.

    Ce côté documentaire est juste bien dosé, il laisse une large place à l'intrigue policière proprement dite. Un héritage improbable, des parents disparus, des fausses identités... Avec en filigrane toutes les questions que j'aime: Que souhaite-t-on réellement savoir de notre passé et que préfère-t-on ignorer? Est-il possible d'agir sur l'Histoire ou n'est-on condamnés qu'à être des témoins lucides mais impuissants?

    A travers le personnage très touchant du jeune Jimmy, un gamin noir de dix ans, livré à lui même, l'auteur interroge aussi le rapport à l' instruction. Là dessus, la petite touche de romance qui s'impose...

    Un bijou ce bouquin. Ne vous privez pas!

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