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racisme

  • Le retour des 60's

    couleur-sentiments.jpgLa couleur des sentiments, Kathryn Stockett

    Avis chrono'

    Un succès mérité pour ce roman sans prétention, qui traite de la condition des bonnes noires, aux Etats Unis dans les années 60. Entre colère sourde et prudence, les prémisses d'une prise de conscience, avec la figure emblématique de Martin Luther King en toile de fond.


    extenso.jpgVous connaissez Jackson? Meuh non, pas le gars qui changeait de couleur... Je parle de la ville de Jackson, Mississippi, Etats-Unis. Qui change pas vraiment de couleur, elle.

    1962, toute puissance des lois raciales. En cuisine, les bonnes noires s'occupent de faire tourner la maison, elles élèvent les gamins de leurs patrons blancs, en attendant qu'ils grandissent, prennent conscience de la couleur de leur peau et oublient celles qui les ont élevés. En échange, elles ont tout juste le droit d'aller pisser au fond du jardin dans des cabinets "à part". Pour éviter la contagion.
    Ce qui conduira à une scène cocasse, dans le jardin de Hilly.

    Ce livre a connu un certain succès, surtout au moment de la sortie du film. C'est mérité, puisque ça se lit très facilement, que ça véhicule tout plein de pensées très correctes, contre le racisme, pour la tolérance et que tout est bien qui finit bien...

    Mettons de côté les facilités grand-public, quelques points méritent des applaudissements. Chacune des héroïnes détient une sorte de secret. Dès le début, pour bien nous accrocher, on nous laisse entendre que quelque chose s'est passé, que quelque chose n'est pas dit et il faut bien évidemment attendre un bon moment avant d'avoir les clés des différentes énigmes, savamment délivrées au compte-gouttes.

    C'est addictif et pour une fois, ça n'est pas complètement bidon, ça apporte un plus à l'histoire. Le secret de Minnie, à lui tout seul, nous tient en haleine. Celui de Celia, un peu plus prévisible.

    L'autre point fort du roman, celui qui a ma préférence, c'est Aibileen, quarante ans de service dans diverses maisons. Plus encore que sa façon de se révolter, petit à petit, j'ai aimé ce que le personnage arrive à dire de l'enfance, au travers des portraits des petits dont elle s'est occupée. C'est un thème secondaire qui a attiré mon attention parce qu'il était vraiment touchant et nuancé.

    L'enfant que l'on élève, parfois bien plus que les parents eux-mêmes, l'enfant qu'on aime un peu comme le sien mais qu'on finit par devoir laisser, parce qu'il a grandi, et pire encore, parce qu'en grandissant il a intégré, enfin, qu'il appartient, socialement, à un autre monde, un monde supérieur, c'était vraiment bien vu.

    J'ai oublié le nom de la petite dont Aibileen s'occupe, à laquelle elle raconte chaque jour une petite histoire, apologue pour la tolérance, comme on sème une petite graine, avec espoir et sans savoir si elle finira par porter ses fruits...

    Et la lutte presque centimètre par centimètre pour que cette fillette gagne un peu de confiance en elle et ne souffre pas trop du peu d'intérêt que lui porte sa mère...

    J'aime quand un roman a quelque chose d'enrichissant à dire, qui n'est pas son propos principal, mais qui "rampe", comme ça, en fond...

  • Un peu à l'ouest, lui...

    Blesses_everett.jpgBlessés, Percival Everett.

    Troisième et dernier des livres que l'on m'a conseillés autour des thèmes du racisme et de la ségrégation. Cette fois, nous quittons l'Afrique de l'Apartheid pour un ouest américain contemporain qui n'a pas été sans me rappeler celui des nouvelles d'Annie Proulx.

    John Hunt, éleveur de chevaux, s'occupe de son ranch aux côtés de Gus, son vieil oncle. Une vie paisible, jusqu'au jour où l'on retrouve non loin de là le cadavre torturé d'un jeune homosexuel.

    Roman bien difficile à résumer car si l'histoire tourne autour d'un meurtre, il ne s'agit pas pour autant d'un thriller. C'est même l'exact contraire, mais je ne connais pas le mot qui définirait un roman aussi prenant, aussi passionnant, dans lequel l'intrigue n'a aucune espèce d'importance.

    Je suis tombée amoureuse de cette écriture (que doit-elle à la traduction?) très sereine, tendre, naturelle, qui enveloppe délicatement les personnages comme pour les protéger du monde extérieur, de ses bassesses, des relents de racisme ou d'homophobie, autant de phénomènes dénoncés au passage, mais sans aucune violence.

    On ne peut que tomber sous le charme: des dialogues simples, qui sonnent justes, des personnages attachants, très humains, pleins d'humour. Je me suis sentie emportée de la première à la dernière page. Je ne peux que recommander chaudement, très chaudement, à tout ceux qui se sentent tendus ou nerveux. Je ne sais pas si ce livre possède assez de vertus pour guérir des insomnies, mais je sais qu'il m'a fait la même impression qu'un moment passé la tête posée sur le ventre d'un amour assoupi, à sentir sa respiration lente et régulière. Un livre relaxant, envoûtant, doux, que j'ai déjà envie d'offrir!

    « S'il fait froid, allume un feu, s'il fait chaud, saute dans le ruisseau. La vie n'est pas plus compliquée. »

  • Celui qui avait peur de s'engager

    Une_saison_blanche_et_seche.jpgUne saison blanche et sèche, André Brink

    Second livre de ma trilogie estivale, dont vous trouverez la présentation ici!

    Des trois, sûrement celui qui s'avérera coller le mieux à ma demande. Roman interdit à sa publication en Afrique du Sud en 1979 – l'Apartheid agonise, mais il faudra attendre 85 pour voir abrogé l 'Immorality Act , interdisant mariages et relations sexuelles entre personnes de couleurs différentes. Et encore quelques années pour la libération de Mandela.

    Une saison blanche et sèche relate l'entêtement d'un professeur Blanc à découvrir la vérité sur la mort de Gordon Ngubene, balayeur Noir de son école.

    Le fils de Gordon disparaît durant des émeutes. Deux mois plus tard, la police lui annonce que son fils est mort et enterré depuis des semaines. Cependant, Gordon reçoit de troublants témoignages... Jonathan aurait passé ces derniers mois en détention, torturé. Le père fait alors appel à Ben pour l'aider à découvrir la vérité. Peu après, c'est au tour de Gordon d'être emmené par la police de sureté, accusé de terrorisme.

    Un roman très prenant, très sombre, ce qui a constitué le seul obstacle à ma lecture. J'ai beau savoir qu'il s'agit là du passé, de l'Histoire, que l'Afrique du Sud est aujourd'hui une puissance importante, parfois même plus en avance que la France sur certains sujets de société, cette période me semble trop proche pour lire de façon détachée. Je me suis sentie pensive et triste durant toute ma lecture.

    J'ai particulièrement aimé la manière dont Ben nous est présenté. Son évolution. Sa nonchalance, son paternalisme inconscient du début face à Gordon. Oui, il veut bien l'aider, mais il n'y a pas à s'inquiéter, tout va rentrer dans l'ordre. Sa foi aveugle, sa confiance totale en la justice, car la justice est sienne, au fond, une justice de sa couleur, blanche, donc infaillible. Puis, le temps qu'il lui faut pour comprendre, pour se réveiller et se révolter. Le combat qu'il mène ensuite, que l'on devine voué à l'échec, qui va l'arracher à toutes ses certitudes, à son équilibre.

    « Vous pouvez toujours voir les autres; vous échangez des sons, mais tout n'est que coïncidence et tromperie. Vous êtes de l'autre côté. »

    « J'ai toujours considéré « mes frères » comme une chose allant de soi, et maintenant il faut que je reprenne tout à zéro. »

    Tandis qu'il ouvre les yeux, il regarde autrement son entourage, dont il s'attire le mépris. Trahisons des collègues, des amis, de sa propre famille... Galerie interminable de ceux qui le soutiennent, bien sûr, mais pas trop, pas longtemps. Qui préfèrent ne rien voir. Trouvent des excuses.

    «  Le prêtre secoua sa tête grise.

    - Je vous répète qu'ils ne savent pas. Vous ne me croyez pas? Je sais que c'est une chose terrible à dire, mais c'est vrai. Ils ne savent pas. Même quand ils tuent nos enfants, ils ne savent pas ce qu'ils font. Ils croient que ça n'a pas d'importance. Ils ne croient pas que nos enfants soient des êtres humains. Ils pensent que ça ne compte pas. »

    D'un bout à l'autre, un livre douloureux, dérangeant, qu'il est difficile de parcourir sans se demander à un moment ou à un autre: mes yeux, à moi, ouverts ou fermés?

  • Sur la route de Memphis

    Un grand merci aux éditions Points pour ce premier partenariat mémorable!

    Ed_points.jpg

    Nelscott_route_dangers.jpg

    La route de tous les dangers, Kris Nelscott.

    Etats-Unis, avril 1968. La révolte gronde dans la communauté Noire de Memphis. Les employés municipaux sont en grève. Martin Luther King est attendu pour un discours : il sera assassiné d'ici quelques jours.

    Dans ce contexte pour le moins troublé, le détective Smokey Dalton reçoit une étrange visite: une femme, inconnue, dont la mère tout juste décédée vient de léguer à Dalton une somme conséquente sans aucune explication. Une Blanche.

    Smokey va devoir réveiller les événements les plus sombres de son propre passé et de celui de Laura pour résoudre cette énigme.

    Mon avis:

    Un excellent polar! J'ai aimé ce côté témoignage historique, c'est ce qui m'avait attirée vers ce partenariat et je n'ai pas du tout été déçue. Smokey est présenté comme un ami d'enfance de Martin Luther King. C'est à travers lui que nous ressentons le racisme ambiant, plus ou moins avoué, la ségrégation, le ras-le-bol d'une communauté et la tension qui monte progressivement.

    Une période finalement assez mal connue - je ne me souviens pas avoir eu de cours d'histoire sur l'Apartheid, par exemple. Sur l'esclavage, oui, vaguement... mais des 200 ans suivants que reste-t-il en dehors d'un peu d'instruction civique et d'un vague message de tolérance naïf et inefficace à destination des enfants "La discrimination c'est mal", qui gomme la progression, la réflexion, la nuance? La mention des Blacks Panthers dans ce roman a été pour moi une découverte, ou presque.

    Ce côté documentaire est juste bien dosé, il laisse une large place à l'intrigue policière proprement dite. Un héritage improbable, des parents disparus, des fausses identités... Avec en filigrane toutes les questions que j'aime: Que souhaite-t-on réellement savoir de notre passé et que préfère-t-on ignorer? Est-il possible d'agir sur l'Histoire ou n'est-on condamnés qu'à être des témoins lucides mais impuissants?

    A travers le personnage très touchant du jeune Jimmy, un gamin noir de dix ans, livré à lui même, l'auteur interroge aussi le rapport à l' instruction. Là dessus, la petite touche de romance qui s'impose...

    Un bijou ce bouquin. Ne vous privez pas!

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