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Les mystères de Paris

mysteres-paris.jpgLes mystères de Paris, Eugène Sue

"Car enfin c’est une infamie, ça… que la loi soit trop chère pour les pauvres gens."

Plus d'un an déjà que cette lecture fleuve m'accompagne. En livre audio, dans la voiture, au travail, à vélo ou sur la liseuse la nuit. Pour quelques phrases éparses ou pour trois chapitres d'un coup. Avec des pauses de plusieurs semaines, pour lire d'autres choses. Il devrait me manquer... Je devrais être en train de ruminer sur cette séparation.

Mais ce sont dix livres en un, dont quatre vraiment en trop. Déjà à cette époque, c'était le point faible des séries, d'étaler le contenu jusqu'à des épaisseurs si fines qu'on finit par voir le vide à travers. Je crois avoir évacué ma principale critique.

Pour le reste, j'en suis à essayer de comprendre comment j'ai pu passer au travers jusqu'ici. Située entre Balzac et Zola, je trouve qu'il y a énormément à dire sur cette œuvre, dans un parcours scolaire. Si elle souffre d'une mauvais réputation, je me demande à quoi c'est dû... Certaines scènes de vie populaire valent bien Zola, qui en fait aussi des caisses parfois, en pathos - Balzac, tout le vaut, je ne l'ai jamais porté dans mon cœur, il m'ennuie, à l'exception du père Goriot qu'on peut sauver.

Je savais Eugène Sue célèbre pour ses rebondissements rocambolesques. Je m'en faisais l'idée d'un récit davantage policier, je pense. Or, c'est très social. Très politique.  Mais bien fichu, comme feuilleton pour tenir en haleine.

Au début du récit, on découvre Rodolphe, le personnage principal. C'est un prince héritier, déguisé pour infiltrer les couches les plus honteuses, les plus mal-famées, les plus malheureuses de la société. Il rencontre un repris de justice au grand cœur, une orpheline qui brille de pureté au cœur de l'infamie ! Ahlàlà, ça dégouline de bons sentiments de partout. Le bien, le mal, la justice, à chaque coin de page et j'adore ça.

Sans doute, ce qui doit jouer sur le regard porté sur l’œuvre : ça fait très catéchisme laïc. On vit dans une époque où tout doit être nuancé, où l'on se garde bien de porter des jugements moraux stricts. Là non seulement chaque partie illustre un argument moral, mais c'est très construit, très explicite et c'est doublé d'une sorte d'aparté, ensuite, où l'auteur argumente directement à notre adresse sur ce qu'il vient de mettre en exemple. Si l'on n'a pas compris la première fois, on a le droit à la rediff sous titrée.

Alors oui, le hasard fait bien les choses dans ce livre, les enfants perdus retrouvent leurs parents, les périls imminents sont déjoués à la dernière seconde, les quiproquos se nouent et se dénouent, on nous laisse en plein suspense d'un côté pour nous emmener quelques chapitres d'un autre et nous impatienter, puis les bons sont récompensés, les méchants punis. L'amour empêché ne l'est soudain plus (merci le destin et les maris suicidaires). C'est romanesque à souhait... mais ça nous dit tout aussi de la misère ouvrière, des engrenages par lesquels on tombe dans la délinquance. Du rôle important de l'état et des lois, de l'enseignement, des politiques économiques et carcérales. D'ailleurs je sauve ceci, des derniers livres en trop, toute la partie sur les prisons, la raison pour laquelle il ne faudrait pas mettre les détenus ensemble mais les séparer dans des cellules individuelles, etc. (Petit bémol sur l'idée des mutilations physiques, rendre aveugle pour faire du fort un faible, mais seulement instinctivement, sans véritable argument, je sens qu'à notre époque ça passerait moyen).

C'est un vrai plaidoyer qui aurait sa place à l'Assemblée. ça ressemble presque à un discours contemporain. Je dis "presque", il y a parfois quelques propos qui sentent un peu le colonialisme. Pas le racisme, mais le XiXe siècle, c'est logique, l'auteur y vivait. Avec une ébauche de féminisme. Comment on rend un homme fier de son travail, comment on dirige quand on est un bon patron... Je suppose que c'est assez mièvre, souvent. Il y aurait matière à débat.

C'est une œuvre socialiste, je suis d'une génération qui peut encore reconnaître ça, pour l'avoir connu.  Le roman parcourt toutes les classes sociales, il montre l'extrême dénuement des ouvriers, l'injustice d'une situation qui met les êtres humains à la merci des usuriers. Il montre aussi que l’aristocratie n'est pas à l'abri de tous les chagrins. C'est paternaliste, d'une certaine manière. Le riche a le devoir moral d'être attentif aux autres, d’œuvrer au bien. Proche de la vision américaine des classes, pour le coup.

Bref. Trop complexe pour être résumé. Agréable à lire, même sans prêter trop d'attention au côté moralisateur. Il y a suffisamment de voyous, de coups de couteau, de meurtres et de situations pathétiques pour s'occuper.

"Il ne te tuera pas, et il vendra ta pauvre Catherine… Il est ton mari, n’est-ce pas ? Il est le chef de la communauté, comme t’a dit l’avocat, tant que vous ne serez pas séparés par la loi ; et comme tu n’as pas cinq cents francs à donner pour ça, il faut te résigner, ton mari a le droit d’emmener sa fille de chez toi, et où il veut."

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