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a plaira à ceux qui aiment se prendre la tête sur des questions

  • Je l'aime encore

    coe_une_touche_d'amour.jpgUne touche d'amour, Jonathan Coe

    Avis chrono'

    Tout à fait différent du premier. Moins émouvant, plus conventionnel, mais même plaisir à m'interroger sur le sens profond des évènements. A mettre en haut d'une P.A.L.


    Mon challenge Jonathan Coe se poursuit, avec deux jours de retard je publie mon billet sur ce deuxième roman.

    Difficile d'éteindre la lumière, le soir cette semaine, tant j'avais envie de connaître la fin de ce très bon roman. Autant le dire tout de suite, pas une larme versée, c'était vraiment très différent de La femme de hasard  (avis à lire ici).

    J'aime, dès les premières pages cette impression d'une écriture familière. Pourtant je n'ai aucune facilité à repérer des « styles ». Mais j'ai aimé, bien plus saupoudré que dans le premier roman, retrouver cette façon d'interpeller le lecteur et de tourner en dérision l'écriture même. Les intellectuels sont un peu malmenés...

    «  J'imagine que l'université jouait un rôle important dans votre vie intellectuelle et sociale?

    - Oui, en effet. C'est là que nous achetions nos sandwiches. »


    J'avais compris, à la lecture de la 4e de couv' qu'il serait question de Robin, éternel étudiant, un peu raté, accusé un jour de « s'être exhibé devant un petit garçon ». Je ne suis pas d'accord avec cette façon de présenter l'histoire, mais il faut bien écrire quelque chose au dos du livre... Tâche difficile face à un livre sans véritable intrigue centrale.

    Robin est bien là. Sans doute, c'est de lui qu'il est question le plus souvent. Mais j'ai comme l'impression que chez Coe, ça ne suffit pas à faire un héros, ni même un personnage principal.

    Robin est bien un paumé, qui traine sa déprime et sa thèse de cinq ans d'âge, à peine entamée, sur le campus de Coventry. Mais cette histoire d' exhibitionnisme ne me semble qu'un prétexte à étudier une fois encore les mécanismes obscurs des relations humaines.

    J'aime ces textes plein d'humour. J'aime la scène des copains qui se retrouvent pour parler du bon vieux temps, mais chaque fois, leurs points de vue sur le même souvenir sont diamétralement opposés...

    Soirée de bal vue par Ted:

    « la cornemuse saluait l'aube », « nous étions ensemble tous les trois, à regarder la brume caresser l'eau […] main dans la main, bras dessus bras dessous »

    Vue par Robin:

    « Il était allé à ce bal à contrecoeur […] il s'était trouvé isolé triste et penaud » « Ted se penchait pour vomir dans les eaux boueuses de la Cam ».


    Autre point notable, le texte est découpé en quatre parties, quatre journées, pour être précis. A l'intérieur de chacune, un des personnages entre en possession d'une nouvelle écrite par Robin. Ces récits enchâssés ont leur propre autonomie, j'ai beaucoup apprécié le n°2, "le chanceux", par exemple. Les personnages d'une touche d'amour tentent ensuite de tisser des liens entre la personnalité de Robin et le contenu de ses écrits, qui sont assez semblables, par leurs thèmes, à ceux de Jonathan Coe.

    Est-ce une invitation, pour nous, à faire de même? A deviner une intention, une ligne de conduite, à travers le récit (les récits)? C'est assez dingue comme procédé, et là, ça me donne le tournis...

    J'aime remarquer la récurrence de la déprime, du suicide, des difficultés à communiquer et à nouer des relations durables et sincères... Mais je n'arriver pas à en dégager une thèse nette, facile à résumer. Pourtant, au fond, je sens confusément que le message est limpide est très humain, bien moins sombre qu'il n'y paraît.

    Je crois que c'est là justement tout ce qui me séduit Cela ressemble assez à ma façon d'envisager les choses, tortueuse et complexe en apparence, mais soutenue par un tout petit nombre de postulats sans surprise, dont l'originalité, au fond, est d'être souvent oubliés: Il est impossible d'être heureux seul, le bonheur se mesure à la qualité de nos relations aux autres. Les personnages torturés manquent leur chance faute de laisser parler leurs instincts. « Comme beaucoup de gens, je me plais à cultiver un sentiment de ratage ».

    Les exemples sont nombreux dans La femme de hasard et encore plus dans Une touche d'amour. Je pense au récit n°4, dans laquelle un homme qui cherche à tout contrôler se prend un méchant coup, car il n'a pas su voir en sa femme une personne autonome et libre, à la conduite aléatoire.

    Je pense aussi à Robin, bien sûr. Il contrôle ses désirs, s'empêche de ceci ou de cela, ne regarde pas assez autour de lui (comme Lawrence, le chanceux) et au final...

    J'aime entendre d'autres mots que les miens affirmer qu'une dispute amoureuse est reconnaissable entre toutes.

    « Merde! Fit-elle. Nous sommes amoureux... non? Nous sommes amoureux. Ça, c'est une dispute d'amoureux. Et ce qui m'ennuie vraiment, ce que nous n'avons fait aucune des choses délicieuses que les amoureux sont censés faire entre eux avant de commencer à se disputer. »

    J'aime, encore, ce respect pour le hasard. Parce que je suis adepte du laisser faire, comme ça vient.

    J'ai l'impression que ce M. Coe ne se préoccupe que du bonheur. Que sous un extérieur assez sombre, il y croit profondément. Le bonheur est peut-être le seul domaine dans lequel on se doit d'être extrême... D'être d'une rigoureuse exigence. Mais cela n'engage que moi et je déborde du texte.

    «  Vous voulez dire qu'on peut se contenter d'une quantité modérée de vérité, d'honnêteté, de justice ou de bonheur? Vous voulez dire que tant qu'on est modérément protégé du danger de famine, de la menace de torture […] on doit s'estimer heureux? »

    Donc, j'aime. J'adore. Je vous laisse lire. Si jamais vous voulez revenir en discuter après, ce sera avec plaisir. J'aime ces romans aux antipodes de la limpidité, qui donnent matière à discussion.

    Lien permanent Catégories : Urgences 2 commentaires