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Urgences - Page 21

  • Quelle mouche a piqué Shakespeare?

    titus andronicus, shakespeare, théâtre, tragédie, classique, sanglant, barbare, meurtres et viols, pas pour les mauviettes ce bouquinTitus Andronicus, William Shakespeare

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    Avis chrono'

    Mon premier article sur Shakespeare... avec un texte qui ne lui ressemble pas! Quel dommage! Univers et personnages déroutants dans cette pièce sanglante et assez abominable... Quelques passages néanmoins sont de véritables chef-d'oeuvre de cynisme.

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    Je vais tenter un résumé succinct mais je ne promets rien, il y a tellement de personnages!

    Titus est un général romain. Il rentre avec une captive, Tamora, dont il sacrifie un fils pour faire plaisir aux Dieux. Ce qui plaît beaucoup moins à la mère, en revanche... laquelle va passer toute la pièce à se venger à l'aide de ses autres fils qu'on nommera C. et D. pour plus de commodité.

    Titus a lui aussi des enfants (dont une bonne vingtaine sont morts glorieusement à la guerre! Génial non?) il lui en reste quand même quatre ou cinq au début de la pièce... et beaucoup moins à la fin (il les tue lui-même, souvent, pour gagner du temps).

    C'est une tragédie, que voulez-vous...

    Il a, dans le lot, une fille Lavinia qui doit épouser l'empereur, puis finalement, non, celui-ci préfère épouser Tamora, qui elle, a un amant, Aaron, un gars pas gentil du tout... Extrait de sa morale personnelle. Lisez (oui!  tout!), ça vaut le coup d'oeil:

     

    « ... et même en ce moment je maudis le jour où je n'aie fait quelque grand mal, comme de massacrer un homme ou de machiner sa mort, de violer une vierge ou d'imaginer le moyen d'y arriver, d'accuser quelque innocent ou de me parjurer moi-même, de semer une haine mortelle entre deux amis, de faire rompre le cou aux bestiaux des pauvres gens, d'incendier les granges et les meules de foin dans la nuit, et de dire aux propriétaires d'éteindre l'incendie avec leurs larmes: souvent j'ai exhumé les morts de leurs tombeaux, et j'ai placé leurs cadavres à la porte de leurs meilleurs amis lorsque leur douleur était presque oubliée, et sur leur peau, comme sur l'écorce d'un arbre, j'ai gravé avec mon couteau en lettres romaines: Que votre douleur ne meure pas quoique je sois mort. En un mot, j'ai fait mille choses horribles avec l'indifférence qu'un autre met à tuer une mouche; et rien ne me fait vraiment de la peine que la pensée de ne plus pouvoir en commettre dix mille autres. »

     

    Lavinia va être violée, sur le cadavre de son mari, par C. et D. qui vont lui couper les mains et la langue aussi. Je vous laisse découvrir seuls les autres joyeusetés dont la pièce est semée : parricides et infanticides, assassinats nombreux et viols, accusations mensongères... et un peu de cannibalisme sur la fin.

    On en prend plein la gueule, une fois qu'on a réussi à s'y retrouver dans les personnages en -us: mucius, mutius, lucius (x2!), quintus, titus, démétrius, publius et j'en passe bien d'autres...

    Il n'y a que Lavinia que j'aie identifiée tout de suite!

    titus andronicus,shakespeare,théâtre,tragédie,classique,sanglant,barbare,meurtres et viols,pas pour les mauviettes ce bouquinL'ensemble est convaincant. Pas du tout une mauvaise pièce, d'ailleurs, elle se bonifie avec le temps. Ma lecture date de deux semaines (je n'ai QUE trois billets en retard!) et j'ai l'impression que chaque jour j'aime un peu plus ce texte. Faut dire que depuis j'en ai raconté l'histoire trois fois en détail, la familiarité aide à l'apprécier.

    Mais ce qui m'a gênée, c'est vraiment l'écriture. (en espérant que ça ne soit pas dû à la traduction, j'ai lu le texte sur internet et j'ai eu beaucoup de mal à le trouver). Rien là dedans ne me rappelait Shakespeare. Il faut que je me plonge dans les pièces qui me restent à lire, comme Macbeth... Et que j'en relise d'autres... On peut rêver (de trouver le temps...).

    Je signale tout de même deux passages d'anthologie! Des perles...

    La scène qui suit celle du viol est à mes yeux une merveille. Mais je préviens tout de même, une merveille de sadisme! Les deux violeurs "raccompagnent" leur victime et en profitent pour faire des... comment dire ça... des plaisanteries... (disons même des blagues à deux balles) sur ses mutilations...

    C'est ignoble mais divinement écrit! D'une irrévérence hallucinante...

     

    Et le second passage, c'est une citation que j'ai relevée parce qu'elle m'a fait rire (et ça marche encore). Vous allez être déçu, il m'en faut peu!

    Titus apprend de la bouche du diabolique Aaron la mort de son frère...

    « - Mon frère mort? Tu ne parles pas sérieusement; son épouse et lui sont vers le nord de la forêt, au rendez-vous de cette agréable chasse; il n'y a pas encore une heure que je l'y ai laissé. »
    - Nous ne savons pas où vous l'avez laissé vivant, mais, hélas! nous l'avons trouvé mort ici. »

     

    J'en ai encore fait une tartine!! Je crois que ça mérite un changement de catégorie, je le mets dans les urgences!

    Je conclus: c'est diabolique, infâme, barbare et grandiose!

     

    Ce livre pour...?

    Ce livre pour les amateurs de grands méchants bien méchants qui vont jusqu'au bout de leurs principes et de fêlés en tous genres. Je pense que ça peut convenir à quelqu'un qui lit peu de théâtre, à condition qu'il soit meilleur que moi dans la distinction des "-us".

     

  • Passe-moi un peu de sel dans cette vie

    passeur_lowry_couverture.jpgle passeur,lowry,roman jeunesse,utopie,monde parfait,prédestination,protection,jonas,communauté,anticipation,très bon livre,lavage de cerveaux plus blanc que blancLe passeur, Lois Lowry

    Avis Chrono'

    Très bon roman jeunesse! Qui part d'un monde idéal qui pour une fois ne se révèle pas être, par la suite, si coercitif qu'on en a l'habitude dans ces romans d'anticipation. Un livre qui se dévore, à ne pas manquer.


    Je sais, paraît que j'étais la dernière personne au monde a ne pas l'avoir encore lu!

    L'attente exacerbe le plaisir, c'est bien connu! Après un an à me faire du pied sous la p.a.l., Le Passeur a obtenu l'insigne honneur d'être choisi par moi dans une bibliothèque clandestine! Tout cela pour être dévoré en quelques heures. (Grâce à un garage Opel et à un sanglier, que je remercie vivement, s'il n'a pas déjà fini en ragoût). Si vous aviez encore quelques doutes sur le degré d'aventurosité de ma vie ou sur ma santé mentale, j'espère que c'est réglé.

    Dois-je vous faire un petit résumé ou vous laisser, vous construire à partir du titre et de l'illustration de la couverture l'idée d'un gamin qui entre dans la résistance pendant la seconde guerre mondiale? C'est le problème des livres qu'on attend trop longtemps pour lire, ils finissent par mener dans nos esprits une double vie parallèle: ensuite, quand on les ouvre, on se sent floué!

    Ici, dans le bon sens! C'était mieux que l'image que je m'étais fabriquée!

    Pas de plongée dans le passé pour ce Passeur. Tout débute par une utopie. Monde parfait, où chaque soir et chaque matin les individus, dans leur cellule familiale (papa, maman, un garçon, une fille), décortiquent leurs émotions pour les désamorcer. Où une pillule annihile tout désir, où la place de chacun est choisie par l'ensemble de la communauté lors d'une fête annuelle. Pas de jalousie, pas de frustration, pas de crime puisque la loi est intériorisée dès le plus jeune âge, ni de chagrin. Même la mort est dissimulée derrière des euphémismes délicats.

    Jonas est un jeune garçon. Comme dans beaucoup de romans qui traitent d'adolescent, romans d'apprentissage (je pense à la Voix du Couteau), il est sur le fil, à une période clé de sa vie: il va devenir un douze-ans et recevoir l'attribution de son métier mais rien ne se passe comme prévu et la tâche qu'on lui confie est très spéciale.

    Si j'ai aimé ce livre, c'est d'abord pour sa non-originalité: j'adore quand on essaie de me peindre un monde idéal en sous-entendant déjà, par de petits détails, ce qu'il peut avoir de dangereux, de troublant. Je pourrais lire cent récits sur ce thème sans m'en lasser. Souvent ces mondes se ressemblent, comme si nous avions tous, au fond de nous, la même image du bonheur parfait. Avec au dessus, une main autoritaire prête à mettre une petite tape et à dire "Pas toucher", qui fait que l'auteur se sent obligé d'y inclure de la noirceur, des avertissements - ben oui, juste au cas où il prendrait l'envie à quelques imbéciles d'essayer de re-créer ça dans notre monde à nous.

    Justement, la singularité du Passeur - et c'est là que j'ai craqué - c'est que plus on avance dans le livre, plus on est surpris par les non-rebondissements. Je m'attendais à continuer sur la même voie toute tracée: le héros s'aperçoit d'un truc étrange, puis d'un truc inquiétant, puis d'un truc inhumain et enfin il découvre que tout est gouverné par un dictateur omnipotent pour un lavage de cerveaux général à 90°C réglé sur "non-délicat".

    Dans celui-ci, même à la fin, j'ai réussi à conserver l'idée que tout n'est pas inhumain dans cette utopie, qu'elle fonctionne, d'une certaine façon même si Jonas évidemment va avoir envie d'autre chose.
    Je me trompe peut-être. Probablement, même, aurais-je dû comprendre l'inverse. Que ce monde aux apparences parfaites est un dangereux repaire d'empêcheurs de vivre. (Je vois quel détail on pourrait m'objecter. Ne vous en privez pas! Les commentaires sont là pour en débattre).

    Je ne sais pas si j'ai été claire. Je reformule. J'ai aimé que dans ce livre - jeunesse, c'est d'autant plus méritoire! - ce ne soit pas blanc d'un côté, noir de l'autre. J'ai vu pas mal de teintes intermédiaires et usant de mon droit de lectrice, personnellement, j'y suis restée, satisfaite. Sans avoir l'impression de trop tirer à moi la couverture du texte et de tout déformer.

    Par conséquent, je n'ai pas du tout goûté la fin. Il en fallait une, soit, elle est correcte. Pour moi, inutile.

    Je me suis arrêtée de penser un peu avant, quand j'ai conclu pour moi-même que le seul désagrément de cette façon de vivre, est qu'elle s'impose à tous, alors qu'il faudrait pouvoir choisir. Jonas choisit, il a raison.

     

    Ce livre pour...?

    Les ados qui ont du mal - et je les comprends - à se lancer dans la S.F. pure et dure.
    Donc, aussi, pour les adultes dans le même cas!

     

    Ce roman me permet un doublé dans les challenges Livraddict:

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  • Je vous fais une fleur?

    dahlia noir, roman, polar, couverturej'aime.jpgLe dahlia noir, James Ellroy

    Avis Chrono'

    Un vrai polar, un modèle du genre. Des flics brutaux, un crime atroce que l'on ne perd pas de vue mais qui n'occupe pas non plus exagérement l'espace, pas au point de nous gâcher le magnifique paysage (sombre, violent) de l'Amérique d'après-guerre. Toute une époque rendue à grands coups de crayon noir. Chef d'oeuvre!


    Je ne vous dis pas la pression pour cette critique, j'ai vraiment envie de la réussir car je n'avais pas été à ce point happée par un polar depuis longtemps!

    Format livre audio (merci encore une fois à la Médiathèque qui me fournit en abondance cette année). Vous connaissez Elodie Huber? Moi, non, bien sûr, comme d'habitude, mais je connais à présent sa voix... Pure merveille. Une si grande sensualité, pour lire un livre si noir, dont le narrateur est un homme - loin d'être un ange - c'est un choix audacieux et un pari réussi!

    Début du roman. Suis tombée amoureuse tout de suite. Il n'est fait aucune mention du crime avant un bon moment. Les personnages principaux se construisent lentement, ainsi que le cadre: l'amérique, juste après la seconde guerre mondiale. En toile de fond, Hollywood qui se développe, se transforme. Au premier plan, deux flics dont le point commun est d'être boxeurs.

    La boxe est un sport qui me fascine depuis bien longtemps et l'atmosphère est si bien rendue, puissante, brutale, les personnages deviennent si vivants en quelques pages qu'on sent tout de suite que le reste du roman, quel qu'il soit, sera excellent.

    Et il l'est! Elizabeth Short (Le dahlia noir) est retrouvée morte, coupée en deux. Les responsables politiques veulent profiter de cette aubaine pour se faire un peu de pub, manque de chance, la demoiselle n'est pas si pure qu'on pouvait l'espérer. Une starlette mythomane, nymphomane, qui rêve de percer dans le cinéma. Sur cette intrigue principale se greffent nos deux héros, Bucky Bleichert et Lee Blanchard (l'horreur cette paronymie, pendant tout le livre, j'ai eu l'impression de devoir me coller un post-it sur le front pour pas les confondre. Bleichert, c'est celui avec les longues dents).

    Intrigue amoureuse, en sus, avec une femme qui complète le triangle amoureux, avant l'intrusion du Dahlia noir : Lee et Bucky en font, chacun à leur manière, une véritable obsession qui dévore peu à peu leur vie.

    Tout est parfait dans ce livre, nous attendons avec impatience la résolution du crime - et la fin est complexe, vraiment. Un peu étrange, peut-être, il y a comme un changement de ton, sur la fin, même si je ne saurais pas l'expliquer, je l'ai senti. Mais encore une fois, c'est vraiment l'aspect reconstitution historique, sociale, l'épaisseur incroyable des personnages qui m'ont scotchée! Wouahou.

    On s'y croierait. Les méthodes écoeurantes de la police, vérolée, violente, corrompue par les pots de vin, les trafics... Le sexe, l'argent, la politique, le pouvoir dans les mains des puissants, des promotteurs immobiliers.
    La description de l'état d'esprit de Lee et de Bucky, leur évolution...

    Parlant, magique, prenant, réaliste, percutant! Phénoménal! ça vous suffit?

    J'ai cru voir que ce roman constituait le Tome 1 de je ne sais quoi... Mais il fait sens à lui seul. Je ne vais rien oser lire d'autre de cet auteur de peur d'être déçue!

    La seule petite chose qui me dérange - ça m'apprendra à lire autre chose que le texte, rien que le texte, ça m'apprendra à lire des résumés et à m'informer, tiens... - c'est de savoir que ce livre s'inspire d'une célèbre enquête, de la réalité, donc, et de ne pas savoir situer dans le livre ce qui relève de la documentation et ce qui relève de la fiction.

    Bucky et Lee, par exemple. 100% inventés? Le dénouement, oui, je le sais, l'affaire n'a jamais été résolue. Mais tout le reste? Où sont les frontières? Arg... je déteste ne pas savoir! D'avance, merci à qui pourra m'éclairer!

     

    Ce livre pour...?

    Un amateur de polar, qui ne connait encore que le bas de gamme. Là, c'est la Rolls des romans noirs. Pour draguer culturel à la Saint Valentin, c'est l'idéal. Comment ça je suis un peu en retard?

    Emballez-ça dans le top du top du papier cadeau! (gris et or, moi j'aime bien. Ou un rouge sombre, c'est toujours chic.)

  • Je veux atteindre le nirvana

    gens_heureux_vivent_longtemps_quoidbach.jpgPourquoi les gens heureux vivent-ils plus longtemps? , Jordi Quoidbach

    Avis Chrono'

    Un excellent petit traité, aux bases scientifiques solides et qui a le mérite de faire le tour complet de la question du bonheur en termes simples et accessibles. Ce que j'ai découvert de plus incroyable? Que lorsqu'on nous demande ce qui peut nous rendre heureux, nous nous trompons presque toujours!

    Pour la visite guidée, par ici m'ssieurs dames.


    "Nous sommes naturellement programmés pour penser aux choses que nous ne saisissons pas tout à fait ou qui ne sont pas terminées. Une fois que nous avons expliqué un événement, nous pouvons le stocker en mémoire et passer à autre chose"

    (là, tu vois, c'est un docteur qui le dit...)

    Le bonheur, c'est un sac de noeuds -J'ai depuis longtemps des idées très arrêtées sur la question - Peut-être même un des grands tabous de notre société. Une question qu'on élude, sous prétexte que le bonheur, c'est trop complexe à définir, ce n'est pas la même chose pour tout le monde... Se demander "est-ce que je suis heureux?", c'est difficile, dangereux. Surtout quand on sent qu'on ne l'est pas!

    Je trouve le sujet fascinant, mais je trouve rarement quelqu'un avec qui en discuter sérieusement sans entendre "je ne sais pas trop" "ça va" ou autre esquive du même genre.

    Enfin de vraies réponses, rassurantes, pleines de bon sens, dans ce petit livre écrit par un chercheur d'Harvard, un as en matière de vulgarisation scientifique puisque j'ai tout bien compris!, que j'ai dévoré le bouquin en 3 séances. Je ne regrette pas une seconde de m'être éloignée de mes romans chéris. (Je n'ai toujours pas touché à mes cadeaux de noël).

    Cet ouvrage est divisé en petites fiches, chacune répondant à une question. Par exemple "Existe-t-il une définition du bonheur?",  "Les enfants font-ils le bonheur"? , "Combien d'amis faut-il pour être heureux?".

    Et miracle, il y a une réponse à tout cela, une réponse claire, argumentée. Scientifique on vous dit! Pourquoi les littéraires veulent-ils toujours se prétendre ennemis des sciences?

    Une fois n'est pas coutume, je vais vous livrer une très large partie du contenu de ce bouquin. Non pas pour vous exempter de vous le procurer et d'y regarder de près, mais parce que c'est d'utilité publique, que je me suis énormément amusée et qu'en dépit de mes propres connaissances empiriques en la matière (c'est bien connu, moi et le bonheur, on est copains comme cochons), j'ai beaucoup appris!

    Pfff c'est décomplexant, édifiant... Accrochez-vous bien!

     

    1- J'ai découvert que j'avais raison de m'arracher les cheveux sur la notion. Pas simple...

    Sachez d'abord que la définition du bonheur fait débat. D'un côté, il y a ceux qui pensent que c'est lié à une question morale. Qu'on ne peut pas, par exemple, considérer qu'un malade qui s'amuse à arracher les ailes de papillons vivants ou à torturer des chatons est plus heureux qu'un missionnaire dévoré par les cannnibales (l'exemple du bouquin, c'était pas tout à fait ça, mais presque et puis je travaille de mémoire alors bon...). En gros, le 1er est méchant, donc, forcément malheureux, le second est gentil donc forcément heureux.

    Aujourd'hui, ouf, on a bazardé la notion de morale, qui ne collait pas et on pense plutôt qu'être heureux, c'est se faire plaisir à soi-même (et tant pis pour les chatons).

    Ensuite, on distingue, et là, j'ai vu pour la 1ere fois la lumière divine! Alléluia! On distingue, donc, le fait d'être heureux DANS sa vie, au quotidien et heureux DE sa vie, du chemin parcouru.
    Enfin je comprends comment j'arrive à n'avoir rien à reprocher à ma vie, tout en souhaitant souvent l'échanger contre celle de n'importe qui d'autre!

     

    2 - Le flow? Prenez la vague!

    Le flow? Qu'est ce que c'est? C'est moi, quand je blogue et que j'oublie mon dîner sur la plaque. Ce sont ces moments où l'on perd tout contact avec la réalité, toute notion du temps.
    C'est un excellent indice de bien-être, le saviez-vous?
    Ouf, parce que je suis souvent totalement prise par mes activités. La terre a dû faire un paquet de tours sans que je m'en aperçoive...

     

    3 - Quelques généralités sur le bonheur

    Offrir rend plus heureux que recevoir. (mouaip... si tu le dis Jordi...).

    L'être humain souffre d'une incapacité à prédire ce qui le rendrait heureux. Autrement dit: on fait souvent de mauvais choix!! J'ai relevé des tas d'exemples, mais l'article est déjà un peu long, non?

    Le potentiel de bonheur est étroitement lié à la distance qui sépare domicile et travail. Etonnemment, il vaut mieux se taper la pollution et prendre le bus 20mn plutôt que de vivre à la campagne à 50 bornes.)

    50% du potentiel de bonheur est inscrit dans les gènes, probablement. Il y a donc une prédisposition au bonheur.

    Les gens heureux ont une une conversation plus profonde que les gens malheureux et parlent environ trois fois moins de la pluie et du beau temps.

     

    4 - Bonheur et société

    Le bonheur est contagieux. Des études à grande échelle montrent qu'un surcroît de bonheur chez l'ami d'un ami influence notre vie! Si, si, c'est calculé, il y a des chiffres et tout. Crazy!
    En revanche, ce mécanisme cesse complètement d'agir à quelques kilomètres de distance. Votre cousin qui vit à 100 bornes vient de gagner au loto? N'escomptez pas en retirer le moindre bénéfice.

    Le "coût en bonheur" de l'amitié a aussi été calculé scientifiquement. Pour compenser une vie sociale minable (= zéro ami) il faudrait gagner 6000 euros de salaire supplémentaire. Il est écrit "par mois". J'ai pensé "par an!" mais non, c'est par mois...
    Il est vraiment temps que je change de job. Ou que je trouve une amie. Mouais...
    Plus simple de changer de job.

     

    5 - Le couple et les enfants

    Vous pensez qu'on ne peut pas vraiment mêler la science à cela? Trop tard, c'est fait. Et dans ce domaine j'ai fait des découvertes incroyables!
    On peut prédire à 90% la longévité d'un couple en écoutant les tourteraux parler 15mn. (Je vais bien ouvrir mes oreilles la prochaine fois qu'on viendra me rendre visite). Mais je ne vous dis pas comment - faut bien qu'il reste des découvertes à faire dans ce livre, sinon l'éditeur ou l'auteur vont m'assassiner.

    Incroyable: une étude montre que l'écart de bonheur entre époux est dangereux pour le couple... Mais seulement si Monsieur est plus heureux que madame! Sinon, tout va bien.
    Pour les couples de lesbiennes, désolé, je ne sais pas...

    Et les enfants? Ils rendent heureux, c'est sûr, direz-vous.
    Pas le moins du monde! Les courbes de bonheur de six études différentes sont calquées sur l'âge du bambin. ça commence à descendre à la naissance, avec chute libre au moment de l'adolescence. Et ça ne va mieux... que quand ils quittent la maison!
    Moralité: adoptez. Mais adoptez de jeunes adultes. Ou des petits vieux. En plus, il y en a plein et personne n'en veut.

    "Même si les enfants nous procurent des moments de joie exceptionnels, s'occuper d'eux au quotidien nous empêche bien souvent de sortir entre amis, d'avancer sur nos projets [...] Toutes ces choses sont cependant importantes pour le bonheur."


    6- Des pistes pour être heureux.

    Je n'en dirai pas plus ce soir. Sachez juste qu'un accès aux soins, à la santé mentale, arrangerait bien des choses. (mais déjà qu'on ne rembourse plus la "santé physique" - ça c'est moi qui l'ajoute).


    Savoir dire merci, même pour de petites choses, pratiquer la méditation...Ce petit guide s'achève sur quantité de réponses pratiques, concrètes pour améliorer notre état d'esprit. Une perle, je vous dis!

     

    Et beaucoup d'autres thèmes, que je n'ai pas abordés. Argent et bonheur. Beauté et bonheur...

    Etre heureux procure bonne santé, compétence professionnelle... N'en jetez plus. C'est décidé, je m'y met! Cure de bonheur pour tous, c'est ma tournée.

     

    Un livre pour...?

    Niark niark niark... Un livre juste pour moi, comme ça je serai la plus heureuse de la terre, et tout le monde il sera trop malheureux et je pourrai enfin piétiner tous les imbéciles qui me narguent avec leur vie soi-disant parfaite et ....

    Oups. Pardon. Hum. Je disais donc: un livre pour tout ceux qui pensent qu'il vaut mieux ne pas y penser.

     

    Je remercie sincèrement Babelio, pour ce premier partenariat, riche d'enseignements!


  • Chant de force

    trois_femmes_puissantes_ndiaye.jpgj'aime.jpgTrois femmes puissantes, Marie Ndiaye

    Avis chrono'

    Un énorme coup de coeur pour ma première lecture de l'année! En raison de l'étiquette "roman", je ne m'attendais pas du tout à ces trois récits qui se frôlent, baignés d'étrangeté. Tout pour me séduire. Avec une écriture à tomber amoureuse...


    Grosse pression... On me croyait guérie. Je me croyais dans une douce période de rémission. Voici qu'à nouveau je suis muette et craintive à l'idée de mettre à plat mes impressions. C'est qu'il est sacrément bien écrit ce livre. Ce serait sacrilège de le traiter trop légèrement. Puis, le(s) sujet(s) ne s'y prête pas.

    Un roman qui donne envie de bien écrire, en soi, c'est déjà une réussite, non?

    De découvertes en découvertes:

    La segmentation, tout d'abord,  de ce "roman" en trois récits successifs qui se font écho subtilement. Il existe bien un lien... à vous de le découvrir.

     

    Le premier récit est celui de Norah qui laisse en France sa fille et son compagnon pour rejoindre en Afrique un homme, à sa demande. Cet homme est presque un étranger. Cet homme l'impressionne. Elle en urine de crainte. Cet homme est son père.

    Terrible histoire de famille, d'abandon, de retrouvailles amères.

     

    Le second nous dépeint la femme de loin, à travers les yeux de son mari. Lequel est en souffrance, au bord de la folie. Eux ont fait le chemin inverse, du Sénégal vers la France. Elle était professeur, elle ne peut plus enseigner. Lui végète, employé médiocre d'un cuisiniste qui a l'ennuyeux défaut d'avoir couché avec sa femme.

    Un récit d'errance, de trouble, que j'ai énormément apprécié. Comme le précédent, il attaque in media res. Une plongée vertigineuse dans la conscience boursouflée d'un homme qui doute.

     

    Le dernier est celui de Khady. Elle, n'est pas encore déracinée. Elle en prend le chemin. Khady est une femme-fantôme. Jeune veuve, elle se fait discrète, transparente, muette, dans la famille de son défunt mari. Un jour, elle est mise à la porte sans rien d'autre qu'un coin de papier. Une adresse en France. Trop peu d'argent pour gagner l'Europe.

    Ma légendaire lâcheté me tient en général bien proprement à l'écart des récits ancrés dans la déchirante réalité de notre société. J'ai tenu bon, car celui-ci méritait tellement d'être lu... Terrible destinée d'une femme qui avait presque cessé d'exister. Et qui s'en portait presque mieux.

    Enfin, chaque partie s'achève sur un "contrepoint", c'est à dire un court passage qui nous offre un autre point de vue sur ce qui vient d'être conté.

    Je ne peux décider de ma préférence pour l'un ou l'autre, chaque morceau est d'une intensité à couper le souffle, dans un style impeccable, envoûtant. Plus que par l'une des parties, j'ai été séduite par des passages, par des détails. Surtout ceux un peu étranges, lorsque je me suis demandée s'il fallait prendre la chose au sens propre ou si ce n'était que symbolique. L'homme-oiseau. Les souvenirs-mirages de Norah. Les diables sur le ventre. La sculpture de Rudy, ses anges et son oiseau-vigile...

    Toutes ces choses que je ne suis pas sûre d'avoir bien "expliquées" avec ma manie de vouloir tout analyser, tout creuser, tout comprendre, tout relier...

    Si vous êtes disposés à un  échange approfondi sur cette oeuvre, ce serait avec grand plaisir! Il est riche, ce livre, et je suis loin d'en avoir épuisé la signification.

    Ahlàlà c'est fou, je crois que je pourrais en parler des heures! J'arrête.

    Trois femmes puissantes a reçu le prix Goncourt en 2009.

     

    Ce livre pour...?

    Ce n'est pas un livre tout public, c'est certain. Il lui faut un lecteur minutieux, un amoureux, à ce roman là. Amoureux des immersions périlleuses dans l'intériorité des personnages. Amoureux des belles écritures et des récits qui par leur force vont nous laisser une cicatrice.

    Vous avez bien un lecteur comme ça qui hante vos bibliothèques?

    Un livre pour celui qui me l'a offert: mon père.

     

    Et pitié... dites-moi que pour une fois il reste moins de cinq fautes d'orthographe!