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Urgences - Page 19

  • En bref

    dog_s_tale_twain.jpgA dog's tale, Mark Twain

    Avis chrono'

    Une nouvelle, par le celèbre auteur de Tom Sawyer (que de bons souvenirs!) dont la narratrice n'est autre qu'une chienne. L'écriture est magnifique, on dévore l'histoire en deux bouchées et si l'on devine peu à peu la chute, elle n'en est pas moins très émouvante. A ne pas manquer. Existe sûrement en français...


    extenso.jpg"My father was a St. Bernard, my mother was a collie, but I am a Presbyterian."

    Ainsi débute cette nouvelle, et l'ensemble du texte sera sur le même ton, subtil et drôle. Première originalité, le récit est fait par un personnage inattendu, une chienne. Les premières pages nous décrivent sa jeunesse, sous l'influence d'une mère sage et curieuse, qui glâne auprès des humains le plus de mots nouveaux et savants possibles, pour les ressortir en société canine (avec plus ou moins de pertinence...) et faire ainsi son petit effet.

    Toute imprégnée des valeurs maternelles, la jeune chienne est alors placée dans une nouvelle famille et le seconde partie du récit commence. La tonalité sera très différente, pour terminer sur un passage très émouvant, qui découle logiquement de tout ce qui précède, de la psychologie des personnages, comme il se doit à mon sens dans une nouvelle bien construite.

    On ne peut pas réellement parler de chute, néanmoins j'ai été assez surprise de l'intensité de cette histoire, véritable plaidoyer en faveur de l'animal et beau morceau de littérature, ce qui ne gâche rien.

    Si ce n'est pas assez clair, je me répète: lisez-la, elle est courte, efficace, tout public.


    J'en ai terminé avec les lectures en anglais, pour le moment.

    Prochain épisode: un machin sorti de nulle part dont peu d'entre vous, je suppose, auront entendu parler... Vous relevez le pari?


    EDIT: Anou, toujours aussi efficace vient de me communiquer un lien vers la nouvelle intégrale, en français, qui s'intitule (que c'est moche) L'histoire d'une chienne.


  • Avis de tempête

    autant en emporte le vent, mitchell, scarlett, rhett, histoire d'amour passionnée, guerre de secession, feminisme, chaos, magnifique roman, petite peste délicieuseAutant en emporte le vent, Margaret Mitchell

    Avis chrono'

    Rhaaaa!! Troooop bien! ça valait le coup de passer deux mois sur ce pavé, pour assister à la chute fracassante du vieux Sud. Quel réalisme, j'ai presque cru me sentir moi-même prise dans la tourmente, sous la pluie de flammes, de débris, en plein chaos. Et quelle histoire d'amour piquante à souhait. Il faudrait réécrire la fin, par contre...


    extenso.jpgDeux mois pour le lire et bientôt autant pour donner mon avis... ^^

    J'ai vu le film, il y a des années. J'en gardais pour seul souvenir des maisons en flammes et une femme en robe qui descendait un grand escalier... Autant dire rien du tout, le plaisir de la découverte n'a pas été compromis.

    Je commence par quoi? J'ai autant été séduite par le personnage de Scarlett que par son étrange histoire avec Rhett. Mais comme toujours, c'est la précision du cadre historique qui suscite mon admiration! La guerre de Sécession, vue par les Sudistes: c'est nous qu'on est trop forts, les méchants nordistes seront pulvérisés avant le petit déjeuner, planquez femmes et enfants ce sont des ogres affamés, pilleurs et violeurs.  Ou comment les guerres s'entretiennent en diabolisant l'ennemi. Ce n'est peut-être pas l'essentiel de l'oeuvre, mais enfin, c'est là.

    Je ne dévoile rien en disant qu'à la moitié du livre (avant?), nos héros sudistes, crève-la-faim, sans chaussures, sont presques tous morts au combat et qu'ils ont pris une sacrée déculottée. A la suite de quoi l'esclavage est aboli.

    C'est un thème passionnant (pur hasard, j'ai enchaîné cette lecture et celle de "La couleur des sentiments", un siècle plus tard, non plus l'esclavage mais la ségrégation) et traité, ma foi... Je ne saurais dire comment, je suis partagée. J'ai senti une certaine tendresse, dans le livre, entre les familles blanches, puissantes, et leurs serviteurs noirs. A certains moments, il est montré comment les nouvelles familles, celles des vainqueurs qui migrent du nord vers le sud pour occuper le terrain et qui sont en principe opposées à l'esclavage sont en réalité encore plus méprisantes envers les noirs que les sudistes.

    C'est historique? C'est romancé? Peu importe, d'une certaine façon. Ce qui provoque chez le lecteur une gêne légère (chez moi en tout cas), c'est la forme que prend au sein de la cellule familiale cette relation entre blancs et noirs.

    Il n'y a pas de sévices corporels, le serviteur est loyal, fidèle même dans la défaite, la Mama est une figure importante de la maison, son rôle de juge moralisateur, auprès de Scarlett est essentiel... Mais derrière tout cela, il y a dans certaines phrases, dans certains passages, des tournures qui donnent l'impression que cet attachement des blancs pour ceux qui vivent avec eux en les servant est de l'ordre de l'amour et des soins qu'on prodigue à un animal de compagnie... Pire encore que du paternalisme.

    Ce roman est un pur chaos, dans tout ce que ça peut avoir de grandiose. Tout s'écroule, rien ne tient, ça flambe sec et quelques caractères bien trempés, qui ne trouvaient pas leur place dans l'ancien monde, sont alors révélés dans la douleur. L'héroïne, Scarlett O'Hara, est de ceux-là.

    Délurée, insolente, préoccupée uniquement de ses toilettes et de ses prétendants qu'elle mène avec insouciance à la baguette, au début du roman sa futilité nous saute à la figure. Elle n'en est pas moins sympathique. Une gentille petite sotte qui nous fait sourire, tandis que sa cousine Mélanie est, elle, une femme véritable et accomplie.

    Puis, la guerre. Je m'abstiens de raconter les détails, sachez juste que jamais sur 1100 pages je n'ai eu le temps de m'ennuyer, les épisodes, aux tonalités très différentes s'enchaînent rapidement et j'ai tout aimé, tout! Quelle image que celle de la guerre, quand on ne nous décrit pas le front et les charges glorieuses, mais les fossés, les mutilés, les hôpitaux à l'arrière, le sang et la boue et les civils qui meurent de faim et sont ruinés ...

    Mais mais mais... en littérature, la chute d'un monde, c'est magnifique... Les vieilles familles, qui radotent à propos de leur glorieux passé, la jeunesse, toute une génération d'hommes, décimée. Ceux qui restent semblent hébétés, quelqu'uns se jettent à corps perdus dans la reconstruction. Non seulement leur fortune n'existe plus, mais de même tout ce qui faisait leur univers. Il n'est plus question de mariages d'égal à égal, toutes les familles sont ruinées et parfois, le premier homme valide qui passe fait l'affaire... c'est ça ou rester vieille fille!

    La richesse du roman, c'est de couvrir un maximum des facettes de ce bouleversement. Le statut de la femme, qui change, quand les dames de la haute sociéte se mettent à cuisiner des pâtés pour vivre.

    La fondation et l'essor du Ku Klux Klan semble, dans le roman,  une réaction "naturelle" à une menace... j'aimerais développer ce sujet, parce que là encore, l'auteure a drôlement présenté les choses... Des volontaires pour en parler?

    Le développement fulgurant de la ville d'Atlanta. etc.   Vraiment très instructif.

     

    J'en viens maintenant à ce qui a fait en grande partie la renommée d'Autant en emporte le vent: Le couple Rhett Butler/ Scarlett.

    Elle, elle est d'une complexité délicieuse. On la méprise pour son incapacité chronique à voir plus loin que le bout de son nez. Elle se méprend sur ceux qui l'entourent. Y compris sur Rhett.

    Lui, est odieux, mais seulement parce qu'il est franc, cynique. Je l'aime, cet homme! Chacune de ses apparitions est un délice! D'un bout à l'autre, sous son vernis de méchant, il laisse transparaître son grand coeur...

    Tandis que Scarlett se plante, se marie et se remarie à tour de bras, il est là, toujours là, dans l'ombre, présent quand il le faut... Impassible, indéchiffrable.

    La fin du roman est frustrante, mais elle répond à l'ensemble de l'oeuvre, elle ne dénature pas tout ce qui a été écrit avant. Je n'aime pas cette fin, mais je ne peux la critiquer.

    J'ai aimé, dans le personnage de Scarlett, qu'elle se dresse contre tous les autres, qu'elle affirme son indépendance envers les hommes, qu'elle cherche à vivre de son travail. Et aussi, bien sûr,  qu'elle se révolte contre l'obligation faite aux femmes de porter des enfants! Sa répulsion pour l'enfantement, son indifférence, souvent, à la maternité... même aujourd'hui, je trouve que c'est piquant et dérangeant!

    Elle n'est pourtant pas froide... elle a juste pris d'un coup, plus que les autres, l'effondrement du monde sur ses épaules. Même quand on a envie de la détester, le roman ne nous laisse pas oublier ce qui a fait d'elle ce qu'elle est. Avare, égoïste, sournoise, calculatrice, insensible, colérique, manipulatrice... mais aurait-elle survécu, sans cela, aux privations?

    Je crois être passée par toute la gamme possible de sentiments, envers elle. Et maintenant que ma lecture est terminée, je m'aperçois que ce qui reste, c'est une forme d'admiration triste, qui serre un peu le coeur. Un être bâtard qui ne trouvera jamais ni sa place, ni le bonheur, ni la paix. Un être de transition... je la vois comme ça.

    Rhett est sublime, il a été bien moins malmené, en fait, que Scarlett. C'est le "méchant" le moins méchant de la terre... On y croit presque pas, à ses mauvais côtés, tant ils sont adoucis et nuancés, dès le début. Scarlett n'a pas cette chance. Certains de ses défauts ne se laissent pas oublier. Abîmée par son expérience et par le contexte. Tellement réaliste, ça, non?

     

    Quelques citations, pour finir! Depuis quand ça n'est pas arrivé que je ne perde pas mes petits papiers avant d'écrire le billet??

    "A quoi me servirait d'être bonne, maintenant? Quelle valeur a la gentillesse? J'aurais mieux fait d'apprendre à labourer ou à cueillir le coton comme une négresse" (Scarlett)

    A propos d'Ashley, jeune aristocrate sudiste "Ses mains n'étaient pas faites pour le travail, son corps n'était pas fait pour porter autre chose que du drap ou du linge fin. Dieu l'avait créé pour la vie luxueuse d'une riche demeure, pour s'entretenir avec des gens agréables, pour jouer du piano [...] "

    "Le bon vieux temps n'existait plus mais ces gens continuaient de vivre comme s'il n'en était rien. Ils étaient charmants, ils prenaient leur temps, bien décidés à ne pas se bousculer come les Yankees, à ne pas courir comme eux après l'argent [...]  La vie qu'elle devait mener était trop brutale, trop hostile pour qu'elle essayât même d'en sourire. Scarlett ne comprenait rien à la douceur, au courage et à l'imdomptable fierté de ses amis."

    "Comme tous les hommes aussi, il était déçu de constater que sa femme était intelligente".

     

  • Rentrée littéraire

    carlos ruiz zafon, ombre du vent, litt espagnole, aventure, amour, suspense, un best seller avec tous les bons ingrédients, diable, maisons maudites, police, guerre civile, cimetière des livres oubliésL'ombre du vent, Carlos Ruiz Zafon

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    Avis chrono'

    Je n'ai pas été déçue par ce roman qu'on me recommandait depuis si longtemps! J'ai même réussi à oublier que ça se passait en Espagne, c'est dire si j'étais plongée dans l'histoire... Les méchants sont bien méchants, les gentils sont nombreux et attachants, chacun à sa manière. Daniel est fait pour nous toucher. De bonnes recettes, de bons ingrédients, un bon moment.

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    Humour...

     "Avec le temps, elle apprit à se concentrer sur la mince part des élèves, pas plus de dix pour cent, qui s'élevaient au dessus de leur condition de petits animaux parfumés"

    Emotion...

     

    "Loin de se vanter de son éthique de travail, il plaisantait sur cette frénésie de production et la décrivait comme une forme mineure de la lâcheté.
    - Pendant qu'on travaille, on ne regarde pas la vie dans les yeux ».

     

    J'ai réussi! Quel sprint sur la ligne finale! Je publie mon billet à une heure indécente, mais le jour exact de la LC, ce qui était inespéré avant-hier, lorsque je me suis aperçue que je n'avais lu que la moitié du livre en un mois et qu'il me restait deux jours pour le finir.

    Je parlais de recette, un peu plus haut ... ma toute première impression de lecture a été "whaou, on dirait un roman comme j'en dévorais étant gamine" et le titre qui m'est venu à l'esprit, c'est Le comte de Monte-Christo. Qu'est ce que j'ai pu aimer ce livre!

    Je serais tentée de parler de roman d'aventure, même s'il n'y a pas dans l'ombre du vent assez d'action pure, de coups d'épée, ou d'air marin.
    Nous sommes plutôt dans la littérature qui s'aime elle-même et se met en scène, puisque l'objet au coeur du roman est un livre perdu, mystérieux, recueilli par le jeune héros Daniel.

    L'auteur de ce livre, Julian Carax, semble avoir disparu dans des circonstances étranges et depuis, un homme qui sent le souffre cherche chaque exemplaire de ses livres pour les brûler... Quel suspense!

    "Les raisons de dire la vérité sont limitées, mais le nombre de celles qui poussent à mentir sont infinies".

    S'en suit une enquête, en compagnie d'un drôle de zigue, Fermin, un peu libidineux, vaguement provocateur, mais si attachant. D'une ou deux filles parfois écervelées. N'oublions pas: des prostituées, des concierges, des prêtres, des femmes torturées par leur passé, des hommes monstrueux excités par l'odeur du sang de la guerre civile, des pères désemparés et j'en passe... Ah! Et les histoires d'amour, sortez les violons... Avec du sexe à même le sol, of course, c'est ça la jeunesse. Et des blessures par balles... Faudrait vraiment bouder son plaisir!

    Bien sûr, au fil du texte, des liens se dessinent entre Carax et Daniel... C'est le petit côté superstitueux qu'on aime trouver dans les romans, ce lien ténu, vaguement mystique, entre deux destinées, cet écho humain, parce que c'était lui et parce que c'était lui (l'autre lui) et blablabla...

    C'est assez foisonnant, dans la forme, ce mélange de personnages, ces rebondissements parfois trop évidents, les séquences émotions où on sort les mouchoirs... Et je n'ai pas particulièrement aimé tous ces passages un peu "faciles" en italiques, où l'on nous sort d'un chapeau un épisode du passé (au compte-gouttes, faut en garder pour la fin), en dévoilant plus que le narrateur supposé de l'épisode n'en pourrait véritablement savoir...

    Je crois qu'une grande partie de cette sensation d'être happée dans le récit m'est venue de cet artifice d'écriture qui consiste à brasser beaucoup, et très vite, et tout le temps...

    Car si j'y réfléchis bien, je n'ai pas été souvent surprise, même pas tellement à la fin, mais j'ai joué le jeu, j'ai fait "comme si"... Ce que je n'aurais pas fait si je n'avais pas eu l'impression  de prendre beaucoup de plaisir à lire.

    La vision de la femme est un peu décevante... Les hommes occupent tout l'espace et sont les seuls personnages consistants du récit, qui sortent du registre émotionnel. Pas bien, ça... tssss...

    "Comme nous l'enseigne Freud, la femme désire l'opposé de ce qu'elle pense ou déclare."

    Mais le seul personnage vraiment raté, à mes yeux, c'est le père de Daniel.
    Qu'en pensent mes compagnons de LC? Je crois que je vais remettre à demain la lecture de vos critiques!


    1590023268.jpgLa minute culturelle - Leçon de vocabulaire par Carlos Ruiz Zafon:
    - Incunable: Livre qui date de l'origine de l'imprimerie.
    - Morticole: Personne incompétente.
    - Vistemboire: Pas dans mon Larousse. Et suis pas du genre à en pincer pour Robert... Désignerait un objet indéfini et mystérieux...?
    - Rhapsode: Chanteur antique (= pré star-académicien).
    - Caque: Barrique pour les harengs. Version géante de la boîte de sardines.

    Liens vers les billets des autres participants:

    L'organisatrice, Lilly!

    Audrey - Jostein - ô pâle étoile - Laura - Gabyelle - Nienor -

    P.A.L à 87  --> 80

  • La femme comme je l'aime

    hedda gabler, ibsen, théâtre, litt norvégienne, sublime hedda, couple, ambiguité, identité, 19e siècle, pouvoir, séduction, absense de capacité à aimer.2j%27aime.jpgHedda Gabler, Henrik ibsen

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    Avis chrono'

    Une pièce très accessible et très complexe à la fois, mettant en scène une sublime figure de femme, une femme qui se heurte à la pauvreté des possibles dans sa vie: être une épouse, être une mère. Et point barre. ça fait pitié, je la comprends... Sûrement pour ça que j'ai adoré ce texte.

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    Encore du théâtre... Ce blog se spécialise contre ma volonté... J'ai bien sûr une excuse en béton pour justifier cette rechute: la lecture commandée.
    La lecture commandée - pour ne pas dire imposée - est la version "vie réelle" de la célèbre L.C.
    Elle commence généralement par un coup de téléphone pour me proposer de discuter d'un livre. (Ok, avec plaisir!!) D'un livre que je n'ai pas lu (bien sûr, ce serait trop facile. Ok, s'il est à la biblio...)
    Grosse différence d'avec la L.C. standard: le délai aberrant. - ça marche, on se voit quand? Euh...Demain?

    J'adore qu'on me sollicite... je ne saurais le dire mieux. Suis ravie de courir partout en urgence. De commencer à lire à peine le pied posé hors de la médiathèque. D'attendre impatiemment le lendemain... Tout ça pour me faire bousculer, parfois hurler dessus et entendre 200 fois dans l'heure "Ah NON, je ne suis pas d'accord. Tu ne PEUX pas dire ça!". Saisir alors le sens de l'expression "une imbécile heureuse". Je n'ai jamais été si heureuse un 26 août. Pas depuis des années!

    Vous l'aurez compris, j'ai adoré cette pièce (même s'il semble que ce ne soit pas pour les bonnes raisons, celles des universitaires émérites, érudits, éclairés, ééé...et caetera.).
    Le personnage féminin central, Hedda, est magnifique... d'une complexité dont on ne peut venir à bout, alors que l'ensemble est d'une telle limpidité... Se lit très vite, n'a pas cette pesanteur habituelle des pièces, qui nous rappelle à chaque page que ce texte n'est pas fait pour être lu mais pour être joué. Peu de personnages, une situation a priori simple. Et 3000 ambiguïtés. 10000 Interprétations. Tout ce que j'aime.

    Les époux Tesman rentrent de voyage de noce. Lui est un intellectuel qui étudie l'histoire de la culture Elle, elle l'a épousé en connaissance de cause, mais ne parvient à se satisfaire de cet être terne et trop insignifiant. Elle rêve de grandes choses, mais sans parvenir à leur donner de contours précis, d'où une grande frustration...

    Hedda Gabler (de son nom de jeune fille) est une femme qui ne demande qu'à vivre, mais souffre de n'avoir, en tant que femme, qu'une emprise médiocre sur le monde. Ne sachant (n'osant?) aimer, elle est en partie "défaite" du rôle type d'épouse, qui la dégoûte. Aucune autre possibilité ne s'offre à elle qu'un insatisfaisant et stérile jeu de séduction, dans lequel elle ne trouve pas son compte.

    Elle va jalouser/envier/désirer une autre femme, Théa, qui, elle, a su influencer la destinée d'un autre homme, Loveborg, en faisant d'un noceur un homme nouveau, "nettoyé", auteur d'un livre à succès. Hedda connaissait Loveborg, elle en était très proche, mais la réputation sulfureuse de celui-ci et la crainte d'Hedda de perdre en respectabilité les ont séparés (enfin, c'est un peu moins clair que ça, je sais que je me trompe en l'écrivant...).

    Hedda comme elle le dit si justement elle-même en prenant place sur le canapé, va vouloir se mettre entre eux deux. Elle peut sembler méchante, froide, manipulatrice... mais ça sonne plutôt comme la rage du désespoir. Ce qui est magnifique, c'est qu'elle ne souhaite au fond que vivre quelque chose de beau.
    Et quand ce  beau n'arrive pas... Quand les médiocres semblent avoir le dessus et triompher sans elle...

    Je m'arrête là car je sens que je ne suis déjà pas dans l'usage ordinaire de mon blog et qu'à vouloir trop en dire en trop peu de place, je ne suis plus fidèle au texte. Mais j'invite chaleureusement tout lecteur d'Ibsen à se joindre à un débat plus précis!

    S'il vous plaît? Et avec un grand sourire? Pour me faire plaisir? Qui aurait l'amabilité de lire cette pièce et d'en discuter? (Si ça marche sur moi... ça marche p'têt sur vous aussi...)

  • S'arranger avec sa conscience

    expiation_mcewan_couverture.jpg2j%27aime.jpgExpiation, Ian McEwan

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    Avis chrono'

    Mon premier est une journée d'enfance, décrite dans un style pesant. Mon second fait un bond en avant dans le temps: seconde guerre mondiale, débâcle et fuite vers Dunkerque. Mon troisième est le regard lucide d'une vieille dame, écrivaine, sur un crime d'enfance et sur qu'elle a tenté pour se pardonner. Mon tout est une très jolie réflexion sur le cheminement de l'écriture et un jeu autour de la notion de vérité.

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    Un autre roman sorti tout droit de ma p.a.l. (je respecte le challenge, Liz! ).  Encore une recommandation de lecture de mon amie fantôme, qui ne doit même pas se souvenir de me l'avoir conseillé... Si? Tu sais que ça fait longtemps que tu n'as pas laissé un commentaire? Tu aimes le nouveau fond jaune?

    Par une astuce que je ne peux dévoiler trop en détail, il se trouve que les lourdeurs d'écriture  et de narration de la première partie (abondance de chants d'oiseaux, beurk, de lumières qui voltigent, d'eau qui clapote etc.) sont tout à fait volontaires et trouvent leur explication à la fin du roman. Voyez, je suis gentille, je préviens celles d'entre vous qui pourraient être légèrement rebutées par un début un peu... aride.

    Réussi, malgré tout, puisque j'ai piétinné d'impatience dans l'attente de la "tragédie" annoncée en 4e de couv. Oui, j'avoue... J'ai lu le résumé, une fois n'est pas coutume. Je l'ai fait parce que je ne voyais pas bien où j'allais, avec un tel début. J'ai craqué. Z'avez qu'à mettre ça sur la pile de mes trucs à expier, tiens, puisque c'est le thème. Elle dépasse (à peine, à peine) en hauteur la pile de linge à repasser.

     

    Briony est une petite fille à l'imagination débordante. Du haut de ses 13 ans, elle se rêve auteure et soumet ses compositions à sa mère, malade chronique qui, du fond de son lit, dans l'obscurité, devine tout ce qui se passe dans la maison.

    " Avec les années, les innombrables heures passées allongée sur son lit avaient affuté cette sensibilité jusqu'à en faire un sicième sens, une conscience tentaculaire qui émergeait de la pénombre pour se déplacer à travers la maison, invisible et omnisciente."

    Elle réclame aussi l'attention de sa soeur Cécilia, qui sort tout juste d'une université où (condition féminine oblige, pour l'époque):

    "On ne décernait même pas de diplômes valables aux jeunes filles. Quand, en juillet, Cécilia rentra à la maison avec ses résultats définitifs, elle n'avait ni situation, ni compétence, outre qu'il lui restait encore à trouver un mari, à affronter la maternité. "

    Arrivent alors deux cousins et une cousine qui vont déclencher de minuscules révolutions. Briony n'est plus le centre du monde, elle découvre la jalousie, remet en question la maturité de son écriture, découvre la supériorité du romanesque sur l'écriture théâtrale et observe, sans comprendre vraiment la scène, sa soeur plonger en slip dans la fontaine du jardin, sous les yeux de Robbie le fils d'une domestique.

    Le roman devient alors un vrai petit bijou. De minuscules détails, de tristes coïncidences, des réactions humaines imprévisibles mais si logiques, au fond, conduisent à un drame. La scène du témoignage de Briony auprès des policiers est terrifiante; Tout est dans la façon dont les questions sont posées, c'est exactement comme si on rabattait un troupeau. La petite fille sent seulement qu'elle avance et nous, nous voyons bien dans quelle direction, nous sentons combien elle est coincée... Elle ne ment pas consciemment, ses réponses sont orientées. Quand elle doute, on lui laisse entendre qu'elle n'est pas fiable, qu'elle fait perdre un temps précieux à la police, que ses parents sont fiers de ce qu'elle apporte à l'enquête. Elle ne peut plus faire marche arrière.

    Quelques années plus tard, nous croyons suivre d'autres personnages et chercher avec eux à en identifier les conséquences. Le cadre dans lequel cette partie se déroule, celui d'un hôpital qui se prépare peu à peu sans que ça soit vraiment dit, à devenir un hôpital de guerre m'a beaucoup plu. Etre née en temps de paix... je n'ai pas souvent aussi clairement senti ce que ça pouvait représenter.

    Enfin, une magistrale pirouette, dans la dernière partie, vient remettre en question nos certitudes de lecteurs qui, par habitude, avons accepté l'illusion romanesques. Je suis toujours un peu mal à l'aise face à ces romans dont le but semble être, à la fin, de nous donner une leçon sur l'écriture elle-même. J'ai l'impression d'avoir affaire à un serpent qui se mord la queue et souvent envie de lui dire avec une petite tape sur la main la patte euh... la tête?  "Arrête et sors moi ça de ta bouche".

    1590023268.jpgMais cette fois, c'est tellement bien fait que je ne peux qu'aimer. Ce n'est pas seulement une enfant qui grandit sur quelques centaines de pages, c'est une écriture. D'où ce style qui cloche un peu dans la première partie, puisqu'il n'est encore qu'en devenir...

    Briony est devenue une vieille femme, qui revient sur son passé et nous fait partager, sans sentimentalisme excessif, le poids d'une erreur qui était celle d'une enfant sur sa vie d'adulte ainsi que ce qu'elle a cru bon de faire pour se racheter.

    Vraiment... chapeau. Avec Testament à l'anglaise, ma seconde lecture préférée de l'été. J'espère que ça donnera envie de le lire à l'un ou l'une d'entre vous!

     

    P.a.l à 87 -->  84 (et depuis, ça a encore baissé!)

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    Quelques citations supplémentaires:

    " Qu'on lui mentît constamment, ce qui n'était guère une preuve d'amour, était au moins le signe d'una attention durable. Il devait tenir à elle pour élaborer de tels mensonges. D'une certaine façon sa duplicité rendait hommage à l'importance qu'il donnait à leur mariage."

    "Un écrivain moderne ne pouvait pas plus se permettre d'inventer des personnages et des intrigues qu'un composituer moderne une symphonie de Mozart."