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  • Un peu à l'ouest, lui...

    Blesses_everett.jpgBlessés, Percival Everett.

    Troisième et dernier des livres que l'on m'a conseillés autour des thèmes du racisme et de la ségrégation. Cette fois, nous quittons l'Afrique de l'Apartheid pour un ouest américain contemporain qui n'a pas été sans me rappeler celui des nouvelles d'Annie Proulx.

    John Hunt, éleveur de chevaux, s'occupe de son ranch aux côtés de Gus, son vieil oncle. Une vie paisible, jusqu'au jour où l'on retrouve non loin de là le cadavre torturé d'un jeune homosexuel.

    Roman bien difficile à résumer car si l'histoire tourne autour d'un meurtre, il ne s'agit pas pour autant d'un thriller. C'est même l'exact contraire, mais je ne connais pas le mot qui définirait un roman aussi prenant, aussi passionnant, dans lequel l'intrigue n'a aucune espèce d'importance.

    Je suis tombée amoureuse de cette écriture (que doit-elle à la traduction?) très sereine, tendre, naturelle, qui enveloppe délicatement les personnages comme pour les protéger du monde extérieur, de ses bassesses, des relents de racisme ou d'homophobie, autant de phénomènes dénoncés au passage, mais sans aucune violence.

    On ne peut que tomber sous le charme: des dialogues simples, qui sonnent justes, des personnages attachants, très humains, pleins d'humour. Je me suis sentie emportée de la première à la dernière page. Je ne peux que recommander chaudement, très chaudement, à tout ceux qui se sentent tendus ou nerveux. Je ne sais pas si ce livre possède assez de vertus pour guérir des insomnies, mais je sais qu'il m'a fait la même impression qu'un moment passé la tête posée sur le ventre d'un amour assoupi, à sentir sa respiration lente et régulière. Un livre relaxant, envoûtant, doux, que j'ai déjà envie d'offrir!

    « S'il fait froid, allume un feu, s'il fait chaud, saute dans le ruisseau. La vie n'est pas plus compliquée. »

  • Presque le coup de grâce...

    Val_de_grace_schneck.jpgVal de Grâce, Colombe Schneck

    Comme prévu (voir ici le choix de mon 1er pack vacances ), je n'ai pas beaucoup aimé. J'ai bien compris la démarche, je n'ai rien d'autre à reprocher à ce livre que de n'être pas mon genre. Je l'ai tout de même lu en entier. Je peux compter sur les doigts d'une seule main les livres entamés jamais terminés: je songe à Jacquou le croquant, dans mon enfance, à la Divine comédie de Dante (problème d'édition, belle, mais très très lourde et encombrante).

    J'ai donc sagement tout lu, en quelques heures, avec la ferme intention de me "débarrasser", mais forte de cette certitude: je ne sais pas ne pas aimer au moins un peu une lecture. Les rares fois où cela m'arrive, il s'agit souvent d'un caprice de ma part. D'une circonstance extérieure qui m'a fait décider avant lecture que je n'aimerais pas ce livre. De la prétention de ne pas aimer un classique, juste pour faire mon intéressante.

    N'importe quel livre finit par se laisser aimer. Il suffit de jouer le jeu, d'accepter de se laisser séduire. De ne pas se braquer. Et cela n'a pas manqué avec Val de Grâce: un petit moment de bonheur, un verre d'eau bien fraîche, le plaisir de la crème solaire dans le dos et du massage qui l'accompagne: je relâche mon attention et hop... J'ai oublié mon hostilité programmée et je me mets à tolérer.

    Il s'agit d'un récit (autobiographique? Je déteste ne pas être sûre). Pas d'aventure trépidante. La narratrice, adulte, reviens sur ses années d'enfance, de jeunesse. Val de Grâce, c'est l'appartement parisien de la famille. Un lieu magique pour une enfance protégée, gâtée. Insouciance, caprices, domestique qui nettoie derrière vos bêtises... On a envie de dire « une gosse de riche » et de s'agacer un peu de ses « découvertes » : «  Je ne mesurais pas mon bonheur. Je croyais que tout le monde vivait ainsi, je ne connaissais pas la valeur de l'argent » etc...

    Avec mon cynisme habituel, à l'épisode de la mère mourant d'une tumeur, j'ai soupiré que c'était à prévoir avec un pack « souvenirs, souvenirs ».

    Mais l'ensemble est finalement assez lucide. Si l'on met de côté l'aspect témoignage autobiographique qui fausse forcément la lecture (comment juger froidement le récit de la mort de la véritable mère de quelqu'un?), on peut apprécier le traitement de la matière « souvenir » et la prise de distance, le constat que fait la narratrice adulte: les petits détails qui auraient dû lui montrer que l'argent venait à manquer. Les fauteuils usés, les rideaux, les moquettes qui n'étaient plus changés. Ces choses qui lorsqu'elles passent à vos yeux de l'invisible au visible sont le signe que vous venez d'abandonner l'enfance pour le monde désenchanté et résigné des adultes.

  • Celui qui avait peur de s'engager

    Une_saison_blanche_et_seche.jpgUne saison blanche et sèche, André Brink

    Second livre de ma trilogie estivale, dont vous trouverez la présentation ici!

    Des trois, sûrement celui qui s'avérera coller le mieux à ma demande. Roman interdit à sa publication en Afrique du Sud en 1979 – l'Apartheid agonise, mais il faudra attendre 85 pour voir abrogé l 'Immorality Act , interdisant mariages et relations sexuelles entre personnes de couleurs différentes. Et encore quelques années pour la libération de Mandela.

    Une saison blanche et sèche relate l'entêtement d'un professeur Blanc à découvrir la vérité sur la mort de Gordon Ngubene, balayeur Noir de son école.

    Le fils de Gordon disparaît durant des émeutes. Deux mois plus tard, la police lui annonce que son fils est mort et enterré depuis des semaines. Cependant, Gordon reçoit de troublants témoignages... Jonathan aurait passé ces derniers mois en détention, torturé. Le père fait alors appel à Ben pour l'aider à découvrir la vérité. Peu après, c'est au tour de Gordon d'être emmené par la police de sureté, accusé de terrorisme.

    Un roman très prenant, très sombre, ce qui a constitué le seul obstacle à ma lecture. J'ai beau savoir qu'il s'agit là du passé, de l'Histoire, que l'Afrique du Sud est aujourd'hui une puissance importante, parfois même plus en avance que la France sur certains sujets de société, cette période me semble trop proche pour lire de façon détachée. Je me suis sentie pensive et triste durant toute ma lecture.

    J'ai particulièrement aimé la manière dont Ben nous est présenté. Son évolution. Sa nonchalance, son paternalisme inconscient du début face à Gordon. Oui, il veut bien l'aider, mais il n'y a pas à s'inquiéter, tout va rentrer dans l'ordre. Sa foi aveugle, sa confiance totale en la justice, car la justice est sienne, au fond, une justice de sa couleur, blanche, donc infaillible. Puis, le temps qu'il lui faut pour comprendre, pour se réveiller et se révolter. Le combat qu'il mène ensuite, que l'on devine voué à l'échec, qui va l'arracher à toutes ses certitudes, à son équilibre.

    « Vous pouvez toujours voir les autres; vous échangez des sons, mais tout n'est que coïncidence et tromperie. Vous êtes de l'autre côté. »

    « J'ai toujours considéré « mes frères » comme une chose allant de soi, et maintenant il faut que je reprenne tout à zéro. »

    Tandis qu'il ouvre les yeux, il regarde autrement son entourage, dont il s'attire le mépris. Trahisons des collègues, des amis, de sa propre famille... Galerie interminable de ceux qui le soutiennent, bien sûr, mais pas trop, pas longtemps. Qui préfèrent ne rien voir. Trouvent des excuses.

    «  Le prêtre secoua sa tête grise.

    - Je vous répète qu'ils ne savent pas. Vous ne me croyez pas? Je sais que c'est une chose terrible à dire, mais c'est vrai. Ils ne savent pas. Même quand ils tuent nos enfants, ils ne savent pas ce qu'ils font. Ils croient que ça n'a pas d'importance. Ils ne croient pas que nos enfants soient des êtres humains. Ils pensent que ça ne compte pas. »

    D'un bout à l'autre, un livre douloureux, dérangeant, qu'il est difficile de parcourir sans se demander à un moment ou à un autre: mes yeux, à moi, ouverts ou fermés?

  • Souvenirs, souvenirs... - Le pack vacances de la médiathèque

    Dix jours d'absence (Comment? Personne ne s'en est aperçu?) mais je ne rentre pas les mains vides! En l'absence de mon PC adoré, j'ai renoué avec le bon vieux stylo qui bave sous mes mains de gauchère et rédigé au soleil tous mes articles. On est geek dans l'âme ou on ne l'est pas!

    Une idée à saluer, reconduite pour la 2e année dans l'une des antennes de quartier de la médiathèque de ma ville: des « packs vacances », sortes de paquets cadeaux thématiques, à la disposition des lecteurs. Vous choisissez le thème qui vous convient grâce à de petites étiquettes collées sur les paquets et vous rentrez chez vous avec trois livres surprises!

    Pour l'avoir testé, c'est aussi excitant qu'un Noël en juillet et je trépignais d'impatience dans la voiture, alors même que j'étais déjà certaine d'avoir très mal choisi. Il y avait « aventure » et « frisson » mais rien à faire, quelque chose en moi avait opté pour « souvenirs, souvenirs... » au premier regard. J'ai lutté un peu, manipulé tous les emballages. J'ai cédé. Pourtant, je fuis comme la peste les mémoires, autobio, récits larmoyants et non fictionnels. J'aime, depuis toujours, les romans, les romans, rien que les romans.

    Je me console : j'ai jusqu'au 31 juillet pour retenter l'expérience, autant commencer par le pire.

    J'ouvre donc fébrilement mon cadeau. Qui est double puisque l'enveloppe de papier kraft contient:

     

    . Une photographie (partenariat de la médiathèque avec un club photo) très fraîche. Sur fond de soleil couchant, un verre humide de condensation, aux trois quarts vides – je ne suis nullement pessimiste, mais qu'est ce que c'est que cet apéro de petit joueur?! Comme on dit chez moi: j'ai soif, nous!

     

    . Les trois livres suivants:

    Val de Grâce, C. Schneck

    Une promesse, J. Challandon

    Espions, M. Frayn (24/07)

    Mais comme 10 jours de vacances c'est long et que je craignais de mourir d'ennui avec mes « souvenirs », j'avais heureusement prévu d'autres provisions et j'ai lu aussi:

    Une saison blanche et sèche, A. Brink

     

    Blessés, Percival Everett

     

    Potens, Ingrid Desjours

     

    Les enquêtes d'Hercule Poirot, Agatha Christie

     

     

    Voilà pour mes lectures de vacances. Quand tous ces articles seront en ligne sur Talememore, les plus courageux d'entre vous, qui auront tout lu (ou fait semblant de) auront droit à un petit bonus, une enquête du Dr Sound et de son équipe jusque sous les serviettes des vacanciers!

  • Sous le charme

    Enchantement_card.jpgEnchantement , Orson Scott Card

    Encore un livre écrit par un mormon, mais pas de vampire dans ce roman de très bonne qualité!

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune.

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune.

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune.

    Je n'aurai plus jamais d' a priori négatif sur une lecture commune...

     

    On m'annonçait une parodie des contes de fées et immédiatement je m'imaginai la Belle au bois Dormant roulant en décapotable sur le périph, les écouteurs sur les oreilles, deux minutes avant de s'endormir au volant (oui, je sais, je projette mes souvenirs de l'année passée. Sauf que je n'avais pas de décapotable. Et le périph était une route couverte de purée de betterave) puis d'être réveillée par un rappeur à casquette (au cas où, moi c'est NPR : ne pas réanimer).

    Surprise: un pavé, ce bouquin, grand format, 500 pages. La couverture pas géniale. Mais l'intérieur... un régal!

    L'histoire:

    Un jeune homme, Ivan, américain contemporain, trouve une jolie fille endormie dans les bois et après un petit tour de piste avec un ours aux fesses, l'embrasse (pas l'ours, la fille. C'est la sorcière qui couche avec l'ours, comme toute sorcière qui se respecte) et se retrouve au IXe siècle.

    Attendez! Partez pas! C'est mieux que ça n'en a l'air, je vous l'ai dit plus haut!

    D'abord, Ivan n'est pas qu'américain. Sa famille, pour quitter l'Ukraine en 1975 s'est convertie au Judaïsme. Son père est un universitaire spécialisé dans l'étude des anciennes langues slaves et de tout ce qui se rattache à la Russie d'autrefois. Sa mère est... énigmatique.

    A mon sens, le point fort de ce roman est d'être très bien documenté. L'intrigue se nourrit explicitement des théories de Propp sur les contes, Ivan prépare un mémoire sur ce sujet et durant son aventure, cherchera à valider ou invalider la thèse d'un conte ancestral à l'origine de tous les autres.

    Un roman plutôt savant, donc, par moment, avec des références à la linguistique, à la phonétique, à l'évolution des langues, aux thèmes et schémas récurrents dans les contes. Mais aussi aux valeurs féodales, aux différentes religions, à la façon dont elles s'implantent en phagocytant les croyances locales...

    Mais que tout ceux qui ne s'embarrassent pas de ce jargon ne s'inquiètent pas, ceci n'est que saupoudré dans le roman qui reste avant tout un beau morceau de Fantasy: Ivan passe pour un gringalet efféminé dans ce monde de chevaliers, avec princesse, dieu-ours grognon (mon chouchou), sorcière diabolique, jeune garçon paria qui devient un allié (mon second chouchou), le tout sur un ton piquant, avec un humour qui m'évoque parfois Terry Pratchett.

    Des histoires de coeur...

    «  Elle ne lui ferait plus confiance, mais elle le reprendrait, parce qu'elle l'aimait vraiment et que l'amour ne disparaît pas ainsi, simplement à cause de l'indignité de l'être aimé » (si seulement... arf).

    Des breuvages magiques...

    « Je devrais peut-être les faire prendre tous les deux à Ivan; Ou, mieux encore, faire tomber Ivan et sa goy amoureux de moi, et alors ce serait mon tour de le laisser tomber pour la même femme! » (trio amoureux manqué, ç'aurait pu être sympa).

    De la sagesse...

    « Et les livres? Quelle importance? Les universitaires s'enorgueillissaient toujours de lire au lieu de regarder la télévision, mais quelle était la différence, en réalité? […] Quand je serai mort, à quoi me servira que j'aie lu tel ou tel bouquin? » (vrai).

    ... c'est très drôle, c'est très bien écrit, c'est un gros livre. Que demander de plus?