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famille - Page 2

  • Le nombre d'or

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    Avis chrono'

    Un roman qui entérine une fois pour toute mon amour pour la littérature étasunienne! Une saga familiale d'une grande qualité littéraire, tendre et réaliste, qui aborde avec l'humour et la distance nécessaire le sujet de la polygamie telle que pratiquée par les fondamentalistes américains. Pour autant, l'intrigue ne se résume pas à cela... Une fois n'est pas coutume, je vous invite à lire l'intégralité de l'article!

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    "Regardez bien et vous verrez. Dans cette maison il y a des problèmes. [...] Si on ne savait pas, on se dirait: une famille heureuse, une famille harmonieuse. Mais approchez-vous, observez, et vous ne manquerez pas de voir les rituels incongrus, les chagrins et les pleurs versés dans la solitude, les tractations, les minis-drames de la peur, de l'angoisse et du désir"

    Existe-t-il des branches distinctes au sein de la littérature U.S.? Dont l'une porterait un écriteau "ici, tout ce que Sound aime" ? Je ne suis pourtant pas une adepte de la société américaine, mais dès qu'on quitte les grandes métropoles pour l'Ouest, je fonds. Je pense par exemple à Blessés de P. Everett, aux Nouvelles histoires du Wyoming, d'A. Proulx et maintenant au Polygame solitaire. Trois coups de coeur.
    Nevada, Montana, Wyoming, Utah... J'ai vérifié sur une carte,  c'est tout dans le même coin! Impossible d'y voir un hasard.

    Brady Udall, c'est l'auteur du Destin miraculeux d'Edgar Mint, que je n'ai toujours pas lu, mais c'est tout comme. Depuis le temps qu'il est dans ma wish-list! On s'aime déjà profondément lui et moi, comme ça, à l'instinct, avant même de se connaître vraiment.

    Le polygame solitaire, c'est Golden, le père d'une famille nombreuse, quatre femmes et vingt-huit enfants. Si j'ai bien compris, c'est une branche particulière des Mormons, qui pratique la polygamie, en dehors des lois américaines, bien sûr.
    Ce que j'ai aimé, c'est que les pistes sont suffisamment brouillées pour qu'il me soit impossible de porter un jugement sur ce mode de vie, ou même de clairement savoir si l'idée était d'en donner une image positive ou négative. (Mais n'est ce pas cela, justement, le réalisme?)

    Ce n'est surtout pas une ode à l'Amour, dégoulinante de religiosité. C'est acide et critique. Ce n'est pas non plus une défense de la toute puissance masculine et encore moins un récit graveleux dans lequel le mâle de la maison enchaîne les relations sexuelles en passant d'une chambre à l'autre.

    A l'inverse, il ne s'agit pas non plus de célébrer l'abandon de soi à la volonté divine et de s'apitoyer "Oh le pauvre mari malheureux de quatre femme, comme il souffre!".

    C'est quelque chose entre les deux et j'aime que l'on évite à la fois le prosélytisme et le voyeurisme.

    [A propos du mariage plural]:
    "Presque tout le monde s'imagine que c'est pour le sexe, mais il y a autre chose. Si on veut coucher avec une femme, je n'ai pas besoin de t'apprendre qu'il existe d'autres manières d'y parvenir que d'en épouser une. Dieu veut qu'on vive selon le Principe surtout parce que c'est difficile et que ça nous rend meilleurs".

    Golden n'est pas heureux, comme le titre le laisse entendre. Il erre un peu au sein de sa famille comme un fantôme. Il ne parvient pas à se partager entre tous et les disputes et les dissensions sont légion. C'est un personnage passif, sans consistance, sans volonté.

    Il n'est pas à l'honneur, dans le roman, et partage d'ailleurs la vedette avec quelques unes de ses femmes ou certains de ses enfants. Plusieurs chapitres sont décentrés et s'attachent à eux, aussi bien dans leur présent que dans leur passé. Et là encore, j'ai adoré cette façon (qui pour une fois ne m'a pas semblée artificielle) de nous promener dans les souvenirs des personnages, pour comprendre comment ils se sont formés, comment ils se sont retrouvés intégrés à cette famille hors-normes.

    Tellement de thèmes sont abordés que je me sens incapable de les citer tous. Pourtant, aucun n'est balancé comme ça, n'importe comment. Tout est parfaitement cohérent, rattaché à l'intrigue principale.

    Par exemple, l'un des thèmes secondaire les plus importants est celui des essais atomiques qui ont lieu dans le désert proche. C'est un motif qui traverse toute l'oeuvre, en semant ici ou là ses germes délétères: maladies, malformations, fausses-couches... Très bien fait, très touchant. Et pas "écolo à deux balles". Si seulement tout pouvait être dénoncé avec une telle diplomatie...

    Il y a aussi le thème du deuil, particulièrement celui qui suit la mort d'un enfant.

    Et puis Rusty, le garçon terrible de la famille, l'un des seuls qui n'est pas pour nous un numéro alors que paradoxalement il est le symbole dans le roman de l'enfant invisible qui ne reçoit pas assez d'amour et tente en multipliant les bêtises de se démarquer de ses trop nombreux frères et soeurs, sans y parvenir.

    Le sexe aussi, s'il n'est que peu pratiqué dans le récit, est au coeur des interrogations. Avec l'amour.

    "La vie de femme plurale, apprit-elle, était faite de constantes comparaisons et de constantes interrogations. [...] Laquelle d'entre nous est la plus heureuse? Laquelle aime-t-il le plus? Laquelle désire-t-il le plus? A laquelle se confie-t-il au milieu de la nuit? "

     

    Ajoutez encore des maisons pleines de gosses incontrôlables, des mexicains déjantés, un bordel, des explosifs, une autruche et des tonnes de sentiments très variés...

    Ce roman est aussi triste que joyeux, rassurez-vous (j'ai déjà dit que c'était parfaitement équilibré, non?). La scène de la visite aux impôts, ou Golden doit justifier à une employée horrifiée que non, il n'y a pas d'erreur dans les dates de naissances de ses enfants, il y a en a bien trois de nés le même mois, mais pas le même jour... c'est amusant comme tout.

    "Elle lui jeta un regard par dessus ses lunettes tandis que la vérité semblait se faire jour en elle: il n'était pas un de ces salauds qui ont eu seize enfants de femmes différentes et qui ont le culot inouï de les déclarer comme personnes à charge. Il était marié à toutes ces femmes. [...] C'était un de ces polygames!"

    On devine, même si l'auteur ne s'y attarde pas, les relations difficiles de cette famille avec le reste de la société "normale", dans les précautions que prennent les enfants à l'école pour ne pas trop en dire sur leurs parents, ou Golden lui-même dans ses relations professionnelles.

    J'ai été touchée par ce roman parce qu'il traite d'un thème qui m'est cher, celui de l'équilibre à trouver. C'est à mon sens un bel hommage aux concessions, aux petites organisations du quotidien, à la fragilité des relations humaines. Qu'est ce que c'est "aimer"? Comment aimer? Combien aimer?

    La plus belle image, c'est Rusty qui la donne:

    "Les anniversaires, comme tout au sein de cette famille, étaient une affaire compliquée. Ici, on était jamais libre. On aurait cru qu'ils étaient tous liés par un fil invisible, pensait Rusty, et quand une personne voulait faire une chose ou aller quelque part, elle tirait tout le monde de son côté, mais une autre essayait de faire autre chose ou d'aller autre part, et ainsi de suite jusqu'à ce que tout le monde s'emmêle, trébuche et se débatte comme une bande de singes dans un filet."

    Golden ne sait pas plus comment gérer cette multitude d'identités distinctes et préfère ne plus essayer.

    "Il avait si longtemps tenu son amour en réserve pour le distribuer avec parcimonie, petit bout par petit bout, et en général en secret afin que personne ne soit jaloux. Quand il prenait un enfant dans ses bras, il était obligé de prendre tous les autres [...] Il devait mesurer ses compliments, ses baisers et ses cadeaux. [...] Au fil du temps il avait appris à développer une attitude de neutralité, une expression impassible afin de ne pas être accusé de favoriser un enfant ou une femme".

     

    Conclusion:

    Grand auteur et grand roman! Comme tout livre d'importance, il a soulevé en moi quantité de questions, auxquelles je n'ai pas encore vraiment répondu. La principale étant de savoir si ce mode de vie est considéré comme sectaire et si le roman en fait l'apologie.

    Dernière qualité, non des moindres, c'est un énorme livre! 735 pages. Qu'est ce que ça fait du bien de lire des gros livres parfois. Ce qu'on perd en confort de lecture, on le regagne dix fois, puisqu'on peut faire durer le plaisir.

    Est-ce que ça tente quelqu'un une pétition: Ne publions plus de livres de moins de 500 pages??

    Un ENORME merci à Livraddict pour ce partenariat que je désirais obtenir plus que n'importe quel autre, c'est un réel bonheur de l'avoir reçu.

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  • Chant de force

    trois_femmes_puissantes_ndiaye.jpgj'aime.jpgTrois femmes puissantes, Marie Ndiaye

    Avis chrono'

    Un énorme coup de coeur pour ma première lecture de l'année! En raison de l'étiquette "roman", je ne m'attendais pas du tout à ces trois récits qui se frôlent, baignés d'étrangeté. Tout pour me séduire. Avec une écriture à tomber amoureuse...


    Grosse pression... On me croyait guérie. Je me croyais dans une douce période de rémission. Voici qu'à nouveau je suis muette et craintive à l'idée de mettre à plat mes impressions. C'est qu'il est sacrément bien écrit ce livre. Ce serait sacrilège de le traiter trop légèrement. Puis, le(s) sujet(s) ne s'y prête pas.

    Un roman qui donne envie de bien écrire, en soi, c'est déjà une réussite, non?

    De découvertes en découvertes:

    La segmentation, tout d'abord,  de ce "roman" en trois récits successifs qui se font écho subtilement. Il existe bien un lien... à vous de le découvrir.

     

    Le premier récit est celui de Norah qui laisse en France sa fille et son compagnon pour rejoindre en Afrique un homme, à sa demande. Cet homme est presque un étranger. Cet homme l'impressionne. Elle en urine de crainte. Cet homme est son père.

    Terrible histoire de famille, d'abandon, de retrouvailles amères.

     

    Le second nous dépeint la femme de loin, à travers les yeux de son mari. Lequel est en souffrance, au bord de la folie. Eux ont fait le chemin inverse, du Sénégal vers la France. Elle était professeur, elle ne peut plus enseigner. Lui végète, employé médiocre d'un cuisiniste qui a l'ennuyeux défaut d'avoir couché avec sa femme.

    Un récit d'errance, de trouble, que j'ai énormément apprécié. Comme le précédent, il attaque in media res. Une plongée vertigineuse dans la conscience boursouflée d'un homme qui doute.

     

    Le dernier est celui de Khady. Elle, n'est pas encore déracinée. Elle en prend le chemin. Khady est une femme-fantôme. Jeune veuve, elle se fait discrète, transparente, muette, dans la famille de son défunt mari. Un jour, elle est mise à la porte sans rien d'autre qu'un coin de papier. Une adresse en France. Trop peu d'argent pour gagner l'Europe.

    Ma légendaire lâcheté me tient en général bien proprement à l'écart des récits ancrés dans la déchirante réalité de notre société. J'ai tenu bon, car celui-ci méritait tellement d'être lu... Terrible destinée d'une femme qui avait presque cessé d'exister. Et qui s'en portait presque mieux.

    Enfin, chaque partie s'achève sur un "contrepoint", c'est à dire un court passage qui nous offre un autre point de vue sur ce qui vient d'être conté.

    Je ne peux décider de ma préférence pour l'un ou l'autre, chaque morceau est d'une intensité à couper le souffle, dans un style impeccable, envoûtant. Plus que par l'une des parties, j'ai été séduite par des passages, par des détails. Surtout ceux un peu étranges, lorsque je me suis demandée s'il fallait prendre la chose au sens propre ou si ce n'était que symbolique. L'homme-oiseau. Les souvenirs-mirages de Norah. Les diables sur le ventre. La sculpture de Rudy, ses anges et son oiseau-vigile...

    Toutes ces choses que je ne suis pas sûre d'avoir bien "expliquées" avec ma manie de vouloir tout analyser, tout creuser, tout comprendre, tout relier...

    Si vous êtes disposés à un  échange approfondi sur cette oeuvre, ce serait avec grand plaisir! Il est riche, ce livre, et je suis loin d'en avoir épuisé la signification.

    Ahlàlà c'est fou, je crois que je pourrais en parler des heures! J'arrête.

    Trois femmes puissantes a reçu le prix Goncourt en 2009.

     

    Ce livre pour...?

    Ce n'est pas un livre tout public, c'est certain. Il lui faut un lecteur minutieux, un amoureux, à ce roman là. Amoureux des immersions périlleuses dans l'intériorité des personnages. Amoureux des belles écritures et des récits qui par leur force vont nous laisser une cicatrice.

    Vous avez bien un lecteur comme ça qui hante vos bibliothèques?

    Un livre pour celui qui me l'a offert: mon père.

     

    Et pitié... dites-moi que pour une fois il reste moins de cinq fautes d'orthographe!

    Lien permanent Catégories : Urgences 3 commentaires
  • Cuisine maison

    "Presque 15 jours de retard sur la troisième échéance du challenge Jonathan Coe,  une liste de lecture comme figée dans la neige tombée la semaine dernière, un blog en hibernation qui ronfle auprès du radiateur, un vote ouvert depuis trop longtemps sur la P.A.Léatoire... et elle vient nous parler de cuisine?" Se plaindront les lecteurs les plus assidus, les fidèles, les rescapés de mes longs silences, ceux qui commencent (et s'arrêtent? Bouh, que vous êtes méchants) à mes titres.

    Je vais de suite vous rassurer, non, je n'ai pas remplacé la lecture par la confection de gâteaux au chocolat et encore non, je n'ai rien à écrire sur les bûches de Noël et même, troisième non, pour obtenir un compte rond et équilibré, symbolique, je ne dirai rien, ou presque, sur ma cuisine en tant que lieu de vie. Non, parce que si je me lance là-dedans, il va falloir que j'explique pourquoi on y trouve ces jours-ci plus de tubes de dentifrice et de serviettes de toilette que de condiments et de torchons.

    Contre vents et marées (comme la Bretagne me manque... j'ai le mal du pays.), je lis toujours, quitte à utiliser une lampe torche, je lis exactement la même chose qu'il y a quinze jours, c'est dire si je suis obstinée et fidèle!

    J'exagère un tout petit peu, j'ai tout de même avancé, puisque je vais pouvoir présenter enfin:

    pepins_pommeLe goût des pépins de pommes, Katharina Hagena

    Avis chrono'

    Une histoire très tendre, qui brasse à feu doux, sans remous, l'histoire d'une famille sur trois générations de femmes. Un récit sans rebondissement ni longueur, qui a la douceur de ce qui est préparé maison, avec amour.


    J'aime beaucoup cette couverture. Je l'aimais déjà de loin, sur les rayons de la bibliothèque. Vous ne trouvez pas qu'elle donne envie de toucher? Les français (oui, je rattrape une semaine de silence forcé, de silence lourd, je suis pleine à ras bord de mots et j'ai du temps, avant de rentrer chez moi. Alors, aujourd'hui, c'est digression en promo. Dix pour le prix d'une. Pour la version courte, voir plus haut.). Nos français, donc, en avalent 20 kilos par an. Je laisse ma part, je dois dire, mais tout de même, c'est un beau fruit, je comprends qu'il vole un peu pour une fois la vedette aux nanas en cuir moulant des livres jeunesse et j'apprécie qu'on en revienne finalement où tout a paraît-il commencé, au péché (d'ailleurs, la pomme, c'est la version imberbe de la pêche, non?) à la tentation et à l'arbre aux pommes sous sa forme épurée, sobre, mais diablement tentatrice et tout aussi efficace en définitive... Comparons.

    mercy.jpg  fascin.jpg 

    Je conçois tout de même que ça reste une question de goût. Sans doute, certains préféreront ceux qui brillent davantage.

    J'ai cédé, tendu la main, cueilli le fruit. De près, c'est encore meilleur. Fantasmer n'est rien, je suis partisane d'une consommation immédiate, tactile, qui se doit de commencer par un examen minutieux du corps du délit. Minutieux, pas patient. Au risque de choquer, je pense que les préliminaires ne valent que dans l'incertitude d'être aimé. Traîner n'est légitime que si l'on redoute l'absence de réciprocité. La laideur s'accommode de temporiser, de faire durer, terrifiée à l'idée de plus voir revenir des instants volés. Là où le bonheur et la beauté courent à l'essentiel et à la franchise. Ce qui est laid et monstrueux se complaît dans l'ombre, le silence et la lourdeur.

    La lourdeur des mots, des phrases, de la syntaxe aussi... vous voyez, je ne suis pas  perdue, dans mes pensées, pas totalement... Mon écriture me ressemble. Elle s'étrangle où je m'étrangle.

    Au lit avec un livre, donc, je touche, mais seulement quand j'aime et quand je sens qu'il va se passer quelque chose d'intense et d'important. C'est rare. Je me souviens de mon premier soir et de l'attention prétée aux détails, de l'examen minutieux de ces croquis qui évoquent les cours de biologie, les coupes à reproduire. J'ai observé les petits numéros qui accompagnent, ici la pomme, là, la fleur, ou le pépin fendu dans sa longueur.

    J'ai lu très lentement. Deux, trois, peut-être quatre semaines. Je n'ai pas lu seule mais je n'ai pas non plus été gênée de partager.

    La narratrice hérite de la maison de famille, à la mort de sa grand mère. La petite tension provoquée en moi par l'association des thèmes "famille", "héritage", "souvenir", "maison" (voir Une promesse, ou Val-de-grâce lus cet été) a été rapidement dissipée.

    Les transitions sont impeccables, on passe avec fluidité d'une anecdote à l'autre, par petits bonds, de l'évocation tendre d'une grand-mère qui perd la tête et évolue dans le potager au beau milieu de la nuit aux plaies vives d'une tante qui a perdu son amour et sa fille.

    Sans parler de véritable suspense, quelques pistes s'ouvrent au début du roman et serpentent jusqu'à la fin. Chaque personnage est attachant. Y compris le grand père un peu rude qui adhéra en son temps au parti nazi.

    Et si j'ai ricané tout d'abord de ce pommier nimbé de sagesse, aux manifestations quelque peu surnaturelles, j'ai fini par accepter l'étrange poésie de sa présence. Il est le fil conducteur de la narration, un instrument littéraire, une image.  Mais elle n'est pas si mal menée, ça tient la route, au fond, cette histoire du goût des pépins de pomme. Le goût du détail, de l'infiniment petit. De ce qui n'était pas destiné à la consommation et qui s'est révélé, au final, meilleur que ce qu'on en attendait. L'ingrédient infime qui fait toute la différence. Et s'il me plaît, à moi, de penser que ce n'est pas un hasard s'il s'agit d'un fruit symbole de désir?

    Voilà. Je continuerais bien, mais pas seule. ça manque un peu de dialogue, tout cela, et d'échange.

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    M****. est gravement malade et lutte pour sa vie. J'ai sûrement été maladroite en lui parlant ces derniers jours. Je le suis toujours quand je suis émue. Que dire? Comment adoucir? Comment aider? Comment consoler?

    M****. me recommande, à raison, de profiter à fond de ma vie, avant qu'on ne me l'écourte à coup de diagnostique et de pinces de crabe. Je lui dédie, comme je le fais parfois, cet article. Pour le bon goût de la compote. Parce que nous avons parlé de nos familles.

    Profiter, j'y songe. Simplement c'est plus simple à dire qu'à faire. On rencontre parfois un peu de résistance.

    Ce que j'aime, c'est écrire. Ce qui me rendrait heureuse, ce serait de savoir tellement bien le faire, que ça donnerait envie de me répondre. ça me fait une boule au ventre, ce désir là. C'est un pouvoir qui m'échappe et dont je suis avide.

    En attendant de m'améliorer, les brouillons, c'est ici. C'est chez moi. Ici je peux encore m'autoriser à dire "j'aime".

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  • C'est idiot de s'en tenir là!

    on_juste_embrasses_pandazopoulos.jpgTéléthon.jpgOn s'est juste embrassés, Isabelle Pandazopoulos

    Avis chrono'

    Un roman jeunesse à destination des adolescents : vie dans une cité où tout se sait trop vite, échec scolaire, racisme, premiers émois, disputes entre amies, amour/haine de la mère, père disparu, fugue, dépression. Je crois que je n'oublie rien. C'est plutôt bien fait, mais c'est surtout super triste! A mettre entre les mains de vos hyperactifs hyperplaintifs. "Tiens, arrête de râler, ça pourrait être pire, tu pourrais t'appeler Aïcha".


    L'héroïne, Aïcha, se définit elle même comme une française qui porte un nom arabe. Elle habite juste à côté de la cité Paganini, où vivent tous ses amis. Un jour, elle embrasse le frère de sa meilleure amie. Le lendemain, la rumeur a fait d'elle la pute du quartier. Plus personne ne lui parle.

    Mais les soucis d'Aïcha ne font que commencer: sa mère, qui l'élève seule depuis le départ de son père, tombe dans une profonde dépression. Aïcha ne se connait pas d'autre famille, même si elle devine de sombres secrets derrière les silences de sa mère. Entre fuite et rage, elle ne sait plus où elle en est...

    Je suis entrée en possession de ce roman jeunesse par un acte délibérement autoritaire que je nommerai pudiquement "prélèvement". Concrètement, cela consiste à observer, intriguée, sur quelques mois la circulation de ce livre à la couverture si triste. Puis, à être témoin de l'un de ces échanges. Et à tendre la main pour intercepter l'ouvrage avant que l'ado suivant dans la liste d'attente ne le fourre dans son sac.

    Ce qui est bien, c'est qu'ils sont dociles, à cet âge et attendent de nous, sans en avoir l'air, que nous gardions un oeil sur leurs trafics divers et variés et pas toujours illégaux. Personne n'a protesté, même pas celle qui tendait déjà la main pour le récupérer, tant mon interception a eu l'air naturelle et oui... légitime! Voilà, pour la lecture, je suis l'autorité incontestée. Pour une fois, ils veulent bien partager. J'en profite.

    Mon avis, donc. (D'un coup, je me sens importante).

    Côté écriture, c'est correct. Je peux même être plus précise dans ma critique: ça remue beaucoup trop pour moi. Cela colle parfaitement à l'intrigue, mais Aïcha passe son temps à aller ici ou là puis retour, puis re-départ... Pas top pour mon mal des transports.

    En revanche, côté émotion, je pense que les adolescents doivent s'y retrouver. C'est brut, souvent, tulmultueux, tout en hésitations puis en nuances, on passe en deux phrases de la colère aux larmes.

    J'ai grandi à côté d'un foyer pour travailleurs immigrés. Mais je crois pas avoir été confrontée avant ma majorité à des problèmes "d'identité nationale". Ni à l'école, ni ailleurs. Du racisme, oui, un peu. Mais tout ce cirque, ce battage, autour des origines des autres, de leur religion... ça me laisse perplexe. Je ne suis même pas certaine, à vrai dire, qu'il y aurait un problème si on arrêtait d'en chercher un à tout prix... M'enfin, suis pas là pour parler politique. Et puis paraît que je suis un bisounours.

    Bref. Tout ça pour dire que je trouve ça triste, ce bouquin, pas vraiment optimiste de grandir dans un tel climat. Et le fait que je sache qu'on est pas loin de la réalité et que mes ados, là, ceux qui se le passent, adorent et s'y retrouvent, je trouve ça encore plus déprimant.

    Le thème de l'amour et de la sexualité est présent, dans le roman, mais c'est celui qui est traité le plus rapidement, en dépit du titre.

    Cela veut dire qu'ils aiment surtout cette narratrice qui ne sait plus où elle vit, ni avec qui, qui ne trouve pas sa place, sa culture, sa famille...

    Quand ils m'ont demandé si Madame il en existe d'autres des livres comme ça, j'ai songé "Mais qu'est ce que je lisais moi à leur âge?" ensuite "Ah oui... ça... qui ne colle pas trop avec leur demande" puis j'ai répondu que oui (parce que tout existe, suffit de chercher). A présent je suis dans la m....  et pour m'aider, je vais faire appel à mes copines expertes en littérature jeunesse et aux bibliothécaires qui bloguent dans le coin!

    Si vous avez des titres à conseiller dans les mêmes tons sombres, je note, je note!

    En attendant, je vais réinjecter ce petit livre dans le circuit, avec ma bénédiction, suis sûre que ça leur fera plaisir. (leur f'ra surtout une belle jambe, pour être réaliste...)

    Téléthon.jpg

    C'est aussi l'occasion pour ceux qui me lisent mais n'écrivent pas souvent de commentaires de laisser un petit mot. A l'occasion du téléthon, j'ajouterai un euro à mon propre don pour chaque commentaire laissé sur une de mes chroniques ce weekend.

    Dans la limité de l'élasticité de mon portefeuille, bien entendu!

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  • La mémoire qui flanche

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    Un pedigree, Patrick Modiano

    Avis chrono'

    Un récit autobiographique qui ne verse pas dans le sentimentalisme et qui, sans être renversant, m'a touchée.


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    L'imbécile que je suis a rendu le livre (audio) avant d'écrire son billet... Pour les citations, c'est fichu.

    Aujourd'hui, parlons de Modiano. Je vous devine surpris - "Pas son genre ça..." - Si seulement vous saviez! Plus rien de ce que je fais en ce moment n'est mon genre. D'abord il n'y a plus rien qui me tente au rayon livre audio de la petite bibli. Et pour la grande, je n'ai plus le temps d'y aller. Alors voilà, mea culpa, cette semaine, je me suis retrouvée à rouler 30 minutes en écoutant... radio Grand Ciel. Vous ne connaissez pas? Je vous mets sur la piste? Le Ciel, avec un grand 'C'? La méthode de trois 'P' pour faire durer votre couple? (Programmer, Protéger et ... tss j'ai pas assez bien écouté... Pardonner? Parler? Parler ça me semble bien mais ce n'était pas cela). Vous ne voyez toujours pas? Et si j'ajoute des exégèses de textes bibliques, vous y êtes?

    Le plus drôle, c'est que ça n'était pas désagréable. Mais quand même j'ai senti qu'il était temps que je trouve quelque chose à me mettre sous l'oreille, avant d'entrer dans les ordres.

    Début de semaine, donc, avec Un pedigree, de Modiano. Oh mon Dieu (voilà ça déteint déjà...) me suis-je dit après les quinze premières minutes. Ce n'était que succession de noms propres, des femmes, des hommes, de la famille, des villes. Impossible de m'y retrouver.

    Il s'agit d'un roman autobiographique dans lequel Modiano revient sur son enfance et notamment sur la vie de ses parents, après la guerre.

    modiano_boutiques_obscures.jpgJ'avais déjà lu, peu de temps après l'ouverture de ce blog Rue des boutiques obscures, sans trop savoir comment le prendre. Le narrateur courrait d'un bout à l'autre de l'histoire derrière son identité (il souffrait d'amnésie), me perdait lui aussi dans une énumération de noms et de lieux. J'ai détesté. Le seul point positif était ce jeu de piste, cet homme renvoyé comme une bille d'une piste à une autre, d'un témoin à l'autre, ici à cause d'un souvenir confus, là grâce à une photo... C'était très froid comme récit.

    Dans Un Pedigree, j'ai retrouvé avec une grande surprise des noms propres sortis tout droit de ma précédente lecture, là je ne comprenais plus. Fiction? Autobio? J'ai fini par m'habituer, au moins, je me sentais en terrain connu. J'ai même aimé, à la fin. Je n'en lirais pas quinze du même genre, mais ce ton documentaire, ces faits alignés sans trop de sentiments, comme de simples constats, m'ont plu. Sans pouvoir citer les mots exacts, je me souviens d'un moment où il justifie  cette distance et ce ton glacé et objectif.

    Il re-construit une enfance qui n'a rien d'enviable, à mon sens, à partir d'objets récupérés. Comme si ça ne venait pas d'un coeur, mais d'une boite en carton qui sent la poussière. (ça, c'est moi qui le pense).

    Curieuse relation que celle qui l'unit (ou le désunit) à son père. Drôle d'enfance racontée sans entrer dans les sentiments du principal concerné, comme vue de de l'extérieur, comme si les lieux qui se succèdent, les amis de la famille aux noms égrenés, tout cela pouvait suffire à retracer une vie.

    Et ce n'est pas idiot, au fond. Peut-être que cela ne compte pas, ce qu'on peut dire de nous-même, de nos joies, de nos désirs, de notre envie d'aider ou de détruire. D'ailleurs qui entend? Peut-être que tout ce qui doit rester de nous après la mort, ce sont quelques photos, des tickets de train ou de ciné, des adresses. Le concret.

    J'ai songé à Val de Grâce lu cet été, qui parlait aussi d'enfance, de mémoire, qui était plus joyeux et que je n'ai pas aimé.

    Là encore, le lieu était le centre de tout, le centre d'un monde et d'une personnalité.

    Ce narrateur-ci est toujours bringueballé d'une ville à l'autre et ce n'est pas un enfant heureux, ou si peu.

    Le secret du bonheur d'une enfance serait-il de ne jamais déménager?

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