Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Tale me more - Page 35

  • A se taper la tête contre les murs

    mauvaise pioche,tête la première dans la fissure,sens dessus dessous, sous béton, karoline georgesSous béton, Karoline Georges

    Le voilà, mon ovni de l'année ! J'espère que ce ne sera pas le premier d'une invasion. En général avec la SF, je décroche avec les paradoxes temporels,  les machins alambiqués, incompréhensibles, où il faut dix pages de notes pour s'y retrouver. Cette fois, j'ai tout compris, dans ce livre, à part... ce qu'il veut nous dire. Mais je n'ai pas aimé. Mais comme je pense que ça n'était pas conçu pour être aimé, sinon on y met des chatons, ou des pandas, ou des scènes de sexe... Tout va peut-être pour le mieux. 

    L'enfant est enfermé avec le père et la mère dans un espace très restreint, sans fenêtre, dans une tour qui compte peut-être des milliers d'étages et de logements identiques. A l'extérieur, on dit que les gens s'entretuent. Que la tour est le seul endroit qui reste pour vivre. Le père est violent, la mère émotionnellement instable. Les tâches répétées à l'infini. Manger les nutriments, s'abrutir de cachets. Appuyer sur des boutons. Dormir. Torpeur, violence, absence de sens à l'existence. Ne pas poser de questions.

    Ce livre est lancinant. Page après page, les mêmes propos ressassés en boucle, quasi dans les mêmes termes. Une logique de l'enfermement qui se ressent dans l'écriture, au point que j'ai eu l'impression d'être en apnée et devoir le finir vite, très vite, en laissant mes yeux courir à fond sur les lignes sans jamais m'attarder.

    C'est violent, hyper sombre, sans mouvement vers une résolution. Ce livre est un marteau-piqueur.

    "Peu importait les démangeaisons, précisait la mère, un doigt appuyé sur mon front, j'allais assurer répétition jusqu'à putréfaction. Et je retenais alors respiration, réflexion, déglutition, la posture atrophiée par l'appréhension."

  • ... si tu veux pas qu'il glisse

    laisse pas trainer ton fils, gentil mais assassin, Le bon père, Noah Hawley

    "En Amérique, le crime n'est pas seulement ce qu'une personne fait, mais ce qu'elle est. Dans ces conditions, la réhabilitation se révèle impossible ; seul le châtiment est envisageable."

    Le candidat démocrate à la présidence des États-Unis, porteur d'espoir, adulé, est assassiné durant un meeting. Le tireur présumé est un gamin qui a quitté la fac depuis un an pour un trip à travers les Etats. Ses parents sont divorcés depuis des années, son père a fondé une nouvelle famille.

    C'est ce père qui raconte et tout le récit tourne autour de son obsession : innocenter son fils, qui refuse de se défendre, muré dans le silence.

    Je n'ai trouvé aucun charme au livre, tout au plus un début d’intérêt, éveillé après 300 pages. Bien sûr, on attend de savoir si le gamin est coupable ou non, mais pour autant je n'ai jamais eu l'impression qu'on tentait d'en faire du suspense. Ce n'est pas un thriller. 

    Les petits épisodes qui racontent l'année de vagabondage du gosse nous approchent de la résolution mais n'apportent pas grand chose au roman. En revanche, les curieux de ce genre de phénomènes (tueries de masse, assassinats politiques) trouveront leur bonheur dans les nombreux passages qui évoquent ces faits réels.

    Je pense que l'idée était de nous identifier au père, que ferions-nous si un jour la police débarquait pour nous annoncer que notre enfant est un monstre ? Et aussi d'inviter le lecteur à s'interroger sur la responsabilité des parents, particulièrement des parents divorcés. Ce qui n'est pas une mauvaise question. A quel point l'enfant est-il le produit de sa propre volonté ?

  • L'oiseau de malheur

    oiseaux,fous, laferriere,academicien,couverture,zulmaLe cri des oiseaux fous, Dany Laferrière

    De l'Académie française.  Heureusement que c'est écrit en dessous de son nom, car le seul Académicien que je pouvais citer est mort. Comme ça je peux le remplacer. C'est toujours utile de connaître un Académicien.

    "Ce ne sont pas les gens qui subissent une dictature qui devraient la combattre (les affamés et torturés qui viennent tout juste de sortir de prison). On devrait charger d'un tel boulot des troupes fraîches de gens qui n'ont jamais connu la torture, la prison, la mystification, la faim ou l'angoisse de disparaître du jour au lendemain, de gens qui se spécialiseraient bénévolement dans des opérations de déracinement de dictateurs."

    Je suis un peu gênée avec ce roman. Il fait plus sérieux que ce que je lis d'ordinaire. Je me sens comme quand je mets une robe... Quelqu'un que je connais à peine me l'a offert, sans raison. Pas d'anniv, pas noël, je ne pars pas à la retraite, je n'ai pas accouché. Conséquence de notre échange autour de Winterson et de La tâche de P. Roth. Une de ces situations sociales illisibles pour moi... Et le pire c'est que ça tombe juste, j'ai beaucoup aimé. Tandis que mes propres deux derniers choix se sont avérés mauvais (pires même...).

    Récit sérieux, politique, écriture littéraire, très agréable. Le narrateur est un jeune homme haïtien. Son ami journaliste est assassiné par les miliciens du pouvoir, les tontons macoutes. Sans doute lui-même menacé, il est supplié par sa mère de partir en exil, comme son père avant lui.

    Commence alors une nuit de déambulation dans la ville. Une sorte de visite guidée, le tour d'adieu à un lieu auquel il est terriblement attaché et qu'il doit bientôt quitter, sans pouvoir le dire à personne. Chaque ami rencontré doit être traité comme s'il devait être revu le lendemain. Chaque étape, du bordel au bar, de la représentation d'Antigone par des étudiants au repaire des assassins est une occasion d'aborder l'histoire du pays, le régime politique ou l'aspiration de la jeunesse à pouvoir vivre sans que la dictature soit au centre de toutes les discussions.

    "Je suis simplement contre l'idée qu'il faut passer sa vie à toujours parler de la même chose : la dictature. Comme s'il n'existait que ce seul sujet de préoccupation. La pire prison est d'accepter cette limite."

    Fil rouge de ses pérégrinations, la femme. Les femmes. "La sainte ou la putain", comme il le dit lui-même. Je ne suis pas fan du discours sur les femmes dans le récit, mais rien de comparable avec P. Roth, alors comme j'ai déjà beaucoup râlé la dernière fois... Je m'en tiens là. En dehors de la distribution très idéalisée des images féminines, y compris celle de la mère, il y a de beaux passages.

    J'ai beaucoup aimé l'ombre de mythologie vaudoues, aussi.

    Conclusion, le rythme n'est pas trépidant mais l'intérêt est soutenu par la variété des lieux et des rencontres et par les réflexions du narrateur qui oscillent entre mémoire personnelle et considérations collectives. C'est presque un coup de coeur... Il ne doit pas manquer grand chose. Peut-être simplement une inclination plus spontanée chez moi pour les récits historiques. Un livre que je sais parfaitement à quel public conseiller, en tout cas.

    P.S. Je n'ai pas vu les oiseaux. C'était une métaphore ?

  • Une amie qui vous veut du bien

    amie-prodigieuse-elena-ferrante.jpgL'amie prodigieuse, Elena Ferrante

    Italie, années 50, photo de couv qui évoque le passé... Aïe aïe aïe. Pourtant le petit mot à l'intérieur de mon exemplaire est tombé juste. Oui, en effet, j'aime les romans qui parlent d'amitié forte et d’ascenseur social. C'était bien vu !

    La narratrice, Lenu, décrit son enfance à Naples dans un quartier populaire et l'amitié particulière qu'elle noue avec Lila. Quand Lenu doit passer ses nuits à étudier pour s'en sortir à l'école, Lila survole le programme sans effort. Elle est plus curieuse, plus vive, plus courageuse, plus séduisante. Rien ne semble l'effrayer. Elle est brillante.

    C'est un personnage très ambigu, elle ne donne jamais les clés pour être comprise, il faut se contenter de la décoder à travers ses actes, qui ne jouent pas vraiment en sa faveur. C'est une amie tyrannique mais intense. Un point pour elle. Elle exerce une emprise terrible sur Lenu. 

    Lenu, qui ne sait que faire de sa fascination, qui s'affadit quand l'autre ne la tire pas vers le haut, me fait un peu mal au coeur. 

    Tandis que Lila, toute de rage et d'impulsivité, qui ne décolère pas d'être enfermée dans son milieu social, condamnée à n'être qu'une femme, jamais considérée à sa vraie valeur, me touche dans l'hostilité qui lui sert de défense.

    Je ne l'ai pas aimée, ou peut-être que si, beaucoup. Parce qu'elle me rappelle mes propres attachements. Je suis faite pour aimer des Lila qui brillent et me consumer dans la jalousie ensuite. Je ne suis pas Lenu, en raison de mon incapacité à fournir, contrairement à la narratrice, les efforts monstrueux pour se maintenir à niveau et rester digne d'être ne serait-ce que mise à l'épreuve.

    C'est la conclusion d'une discussion récente, d'ailleurs. Je suis méchamment envieuse... Sûrement pour ça que je n'ai pas pu piffrer la narratrice. Déjà elle s'en sort mieux que moi, elle y arrive, elle, à conserver l'estime de celle qu'elle admire. Et surtout... pffff... elle ne passe pas par ces sentiments moches, d'envie, de jalousie, de colère, qui nous abiment et qui nous font sentir minables ensuite. J'espère qu'elle va déchoir dans le volume suivant, tiens.

    L'autre atout du roman, c'est le quartier en lui même. La pauvreté, les rivalités, la misogynie qui sert de base à tout, la méfiance des parents devant cette lubie de faire des études, l'ascenseur social dont les portes ne s'ouvrent pas à l'étage attendu, l'évolution des métiers, l'intrusion douloureuse de la modernité.

    C'était un bon moment de lecture. La suite pour les ... les ... vacances !!! Avec le trône de fer, les misérables, un Karine Giebel, le dernier Jonathan Coe, peut-être la Cindy de ma femme, et Larispem T2 bien sûr. J'ai pas assez de slips propres mais pour les bouquins, la valise est déjà bouclée.

     

  • HOP #3 Pense à penser

    Humain.jpgIntelligence artificielle ?
    Définition

    Je commence par remercier ma compagne et mes supers collègues du bureau de gauche qui est à droite pour les échanges, les questions, les objections, les ronchonnades qui nourrissent notre esprit. Et pour me tolérer encore, une fois apparu que je suis la moins humaine de tous.

    Il mûrit depuis un moment cet article qui aurait dû être l'introduction du thème. C'est comme tout, chez moi, ça arrive en spirale, avec une agitation croissante à mesure qu'on approche du centre et les turbulences qui vont avec...

    Rien d'objectif en vue, rien qu'un pêle-mêle de réflexions perso sur l'intelligence et l'envie de susciter un intérêt qui répondrait au mien. Qui sait, vous serez peut-être avec moi, un jour, dans un hoo, un zoo pour humains. C'est ma conclusion. Comme je l'avais en tête, je l'ai mise là pour ne pas l'oublier en route.

    L'intelligence artificielle... drôle de nom... qu'un assemblage de câbles et de bidules métalliques prenne des données en entrée et sorte un résultat, c'est artificiel. Qu'un assemblage de cellules fasse la même chose, c'est, quoi, naturel ? En tout cas différent. Rien à voir. Surtout, surtout, non, rien de comparable.

    C'est sur ce point que je n'ai réussi à tomber d'accord avec personne. Pour moi, si on part des mêmes infos et qu'on arrive au même résultat, alors ce qui est au milieu peut porter une même étiquette. Autrement dit, si je rentre des chiffres et que le Père Noël décroche et dit « allo », alors j'ai un téléphone. Qu'il fasse de la lumière, commande du pop-corn, m'affiche la météo ou se transforme en licorne les soirs de pleine lune, c'est un téléphone. Avec plus ou moins d'options.

    Et donc, si un jour une machine à laquelle je parle me répond comme vous me répondriez, me regarde comme vous me regarderiez, réagit comme vous le feriez, alors elle est « humaine ». Équivalente à un humain, si vous préférez. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent pour des raisons de composition chimique. C'est s'arrêter au physique, encore et toujours.

    Paraît que cette position sur l'intelligence artificielle porte un nom. J'ai oublié lequel mais j'ai surtout du mal à comprendre comment on peut penser autre chose.

    On a essayé de m'expliquer en me coinçant avec un « mais alors tu pourrais tomber amoureuse d'un ordinateur ? » qui se voulait facétieux . Bah... oui. Si elle est toute pareille à tout ce que j'aime chez une femme, je vois pas bien pourquoi non. D'ailleurs si un homme était tout pareil, ça marcherait aussi. Si je peux envisager d'aimer un homme, je suppose que je peux envisager d'aimer un fer à repasser tendre, plein d'humour, féministe, qui aime lire et qui me supporte. Il me tiendrait lui aussi chaud au lit, en plus.

    C'est de la pure logique. Ensuite mon collègue a ajouté que quand même... le corps, la chaleur, l'odeur... à quoi je réponds qu'on peut aussi avoir tout ça sur une machine. C'est juste de la physique et de la chimie. Un mélange de nounours, de couverture chauffante et de réveil olfactif. Techniquement, c'est presque facile.

    Je trouve qu'on a bien du mal à donner de la valeur à ce qui est trop différent. C'était le sujet de cette nouvelle de Sylvie Lainé, Un amour de sable. C'est avoir la mémoire courte que d'oublier combien il est facile de déplacer à notre guise en fonction des époques la frontière « comme moi / pas comme moi ». Je pense qu'il y a encore du chemin à faire.

    Mais je sens bien qu'il y a de la crispation dans notre définition en tant qu'espèce. Comme si, oh ! quand même ! se comparer à un assemblage de tôles et de vis, c'était dégradant ! Il faut qu'on soit quelque chose d'inégalable, d'incomparable, sinon... je ne sais pas. Plus rien n'a de sens ? C'est mystique, je trouve. C'est peut-être pour ça que ça m'échappe. Un corps, même le plus désirable, ça reste pour moi un gros Lego du tableau de classification des éléments. Qu'on y mette du silicium ou du carbone, un peu de courant électrique et le tour est joué.

    Cela ne m'empêche pas d'être fascinée par la vie. Qu'on ne sait pas copier ni créer à partir de rien. Mais l'intelligence, c'est encore autre chose, de difficile à définir. Quand on se compare à l'animal, on trouve que marcher, déplacer un objet, ce n'est rien. Et que résoudre une équation différentielle est tout. C'est pas le hérisson du jardin qui ira planter un drapeau sur Mars, hein ?  Mais qu'on se compare à l'ordinateur, qui calcule bien plus vite que nous et alors, c'est marcher, qui est tout. Se déplacer sans tomber, courir avec un ballon. Voici Ribery à la rescousse de notre intelligence humaine.

    Je n'ai pas de peine à imaginer l'humain bientôt dépassé par les machines. Dans le prochain article, j'essaierai de présenter ce que j'ai compris du deep learning et de tout ce que nous avons déjà sous-traité à l'ordinateur.

    Pour une fois je ne suis pas pessimiste. Je ne vois pas Terminator. Plutôt une lente conversion, logique, du plus faible par le plus fort. Augmenter notre espèce limitée, c'est prendre le risque d'une humanité à deux vitesses... Je n'aime pas trop cette idée, mais c'est déjà en route.

    L'autre voie, c'est la paisible extinction de l'espèce parce que plus personne ne voudra la perpétuer sous sa forme actuelle. Un peu comme un changement de technologie. Vous n'entrez pas dans les maisons pour arracher aux gens leurs K7 et leurs walkmans. Un jour, dès qu'ils peuvent, ils achètent d'eux même un lecteur CD. Et l'ancienne forme cesse d'exister.

    Peut-être que des machines à l'intelligence aboutie n'auront pas plus de vindicte contre nous qu'on en a contre les grenouilles. Nous serons simplement une bestiole parmi les autres, nous aurons droit à notre programme de reproduction pour la préservation de l'espèce et nos vidéos facebook seront visibles dans leur cyber-musée de l'être humain.

     

    A vos arguments.

    Qu'est-ce qui, selon vous, fait le propre de l'humain et ne saurait être égalé par une machine ? *

     

     

    * « nos erreurs » est une piste que je n'ai pas eu le temps de traiter. Etre raciste, tabasser un homosexuel, se moquer d'un bègue, voter pour un président vulgaire et bas du bulbe qui fait son job sur twitter... Avec un peu de chance mon grille-pain du futur n'y songerait pas de lui-même.