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Tale me more - Page 16

  • Ô rage sanguine

    got t8,noces pourpres,game of thrones,winter is cooling,banquetLes noces pourpres (Trône de fer T8), G.R.R. Martin

    Nouvelle bizarrerie de mon esprit, avec le retard de mes chroniques, j'avais pu écrire sans problème en septembre sur une lecture bien antérieure. Mais pas sur cette lecture-ci, qui date de la fin août. Celle-ci est bloquée. Je sais pourquoi, je sais aussi que ce blog, ouvert après une rupture, est étroitement lié à mon état émotionnel et affectif. Bien plus qu'à mes lectures à vrai dire... Qu'il s'arrête quand je n'ai pas le temps d'une vie intérieure ou que j'esquive mes émotions. Tant que tout n'est pas dit. Soit. Ce ne sera pas la première fois que je déroge à la protection de mes données personnelles.

    Ce tome 8 n'est plus que cela : le dernier livre que j'ai lu avant la mort de ma mère.

    Ce pauvre livre n'en pouvait rien deviner, bien sûr, non plus que moi. C'était le plaisir bien assumé et savouré de la fin de mes vacances, qui n'ont pas été reposantes cette année et lors desquelles je n'ai quasiment pas pu tourner une page. Une orgie d'aventures et de rebondissements. Nous sommes à présent bien au coeur de la saga, avec nos personnages préférés et bam, c'est ici que tout explose. Ces noces pourpres portent bien leur nom... J'ai été scandalisée par la disparation de quelques héros que j'aurais aimé voir aller plus loin !  Sur le moment, j'ai ronchonné. Je me suis demandé avec qui j'allais poursuivre, si je n'avais plus mes favoris.

    Voilà. Je m'arrête à ça. Je renouvelle mes encouragements à ceux qui hésitent. C'est une bonne série.

    C'était aussi désagréable à écrire que je l'appréhendais. Stupidement futile. Amèrement nécessaire. Passons. Comme tout passe et disparaît.

     

  • Filtre à particules

    jardins de poussiere, ken liu, belialJardins de poussière, Ken Liu

    J'avais beaucoup aimé un autre recueil de nouvelles du même auteur, La ménagerie de papier. Barre sans doute un peu haute, par conséquent, pour jardins de poussière, qui ne m'a pas autant transportée, bien que tout aussi  poétique. Peut-être simplement l'effet "2e tournée". Les textes au potentiel évident ont déjà été rassemblés et publiés, on est dans le second choix. Il faudrait regarder à la loupe les dates d'écriture des nouvelles pour étayer cette hypothèse.  

    Je me demande ce qui distingue les deux recueils. Celui-ci m'a semblé manquer de cohérence, mais quand j'y réfléchis, le premier aussi était très éclectique, on y passait aussi d'un domaine à l'autre de la science-fiction, alors il serait surprenant que ça tienne aux sujets abordés. 

    Quels thèmes récurrents ai-je trouvé ? Le souvenir, la mémoire et, non sans lien, le thème du départ, de l'exil volontaire ou non. 

    Les parents ont une part importante ( c'était au cœur de la nouvelle La ménagerie de papier) et là encore, c'est en lien avec la mémoire, la séparation du deuil. 

    Côté modernité, on se retrouve parfois assez proche de l'excellente série Black Mirror, avec des réflexions autour de l'humain augmenté, des cryptomonnaies, ou de l'implantation de nos consciences dans des machines, la dématérialisation du corps.

    L'intelligence artificielle est très souvent présente, ainsi que divers concepts scientifiques assez poussés et vertigineux pour m'effrayer un peu, comme c'est le cas chaque fois qu'on me parle d'espaces à plus de 3 dimensions. 

    Je me suis sentie moins "empoignée", moins sollicitée humainement. Une nouvelle évoquait la discrimination raciale à l'embauche. Hors de celle-ci, j'ai peu senti l'emprise des questions quotidiennes. Oups, si quand même, l'écologie, bien sûr. En tête des thèmes quand on fait de la science-fiction aujourd'hui. 


    C'était tout de même un beau recueil, ne vous méprenez pas. Même dans la qualité, on peut comparer et ordonner. 

    Soit. Je ne cherche plus. Il y a parfois des mystères, des alchimies qui ne se font pas alors que tous les ingrédients y sont. 

  • Affaires internes

    désarrois, perturbé et perturbant, torless, moyenne pioche, trop de têteLes désarrois de l'élève Törless, Robert Musil

    Impossible de me souvenir pourquoi j'avais l'impression de connaître ce titre depuis très longtemps. Comme on connait de nom des classiques, sans les avoir encore lus. C'est une émission radio ( sur le harcèlement ? le bizutage ? l'école ?) qui a ravivé l'envie de le lire.

    1906 la première publication. C'était tout à fait mon genre d'écriture, celle que je lisais ado, celle de la bibliothèque familiale, ce qui ne sera jamais désagréable. Mais je pense que ça n'avait pas la portée d'un classique, ni d'un livre que j'aimerais relire ou partager. 

    Le texte est froid, perturbant, très cérébral et pour une histoire de persécution entre jeunes garçons dans l'école militaire où ils sont pensionnaires, je n'ai pas souvenir que ça m'ait beaucoup émue. Je n'ai pris parti pour personne, je ne sais trop pourquoi. J'ai laissé à Törless son désarroi moral sans arriver à le partager.

    Pourtant je ne peux pas faire le reproche d'un manque de réalisme. Il se pose de bonnes questions.

    Peut-être que tout était un peu trop sous-entendu, y compris le thème principal et les questions sexuelles (prostitution, viols entre les élèves). Le sous-texte, c'est délicieux si c'est ludique, amusant, ironique, complice. sinon, un peu de clarté ne nuit pas. L'esprit des autres est bien trop souvent un puits insondable pour moi. Si même lire ne m'éclaire plus... 

    Je ne vais pas dire mauvaise pioche... il y avait quelque chose.

  • Biblevesée

    jerusalem, saramago, tavaresJérusalem, Gonçalo M. Tavares

    J'avais raison de me méfier de la mention "prix Saramago"... c'est exactement ce genre de livre-là, le prix était sur-mesure. C'était tarabiscoté, pesant, triste, avec des personnages solitaires, errants, malheureux, ceux qui ne sont pas passés par la case "asile" surpassant en étrangeté les autres. Je pense au mari médecin.

    Je vais faire court (j'ai l'impression que c'est tout ce qu'on attend de moi) : comme ça ne me plaisait pas beaucoup, j'ai fait en sorte de ne rien comprendre.

     

     

  • Tombe à retardement

    La force de vivre #1

    pensez covid les amis,ce sont les memes mécanismes,tchernobyl,à l'école centrale,alexievitch,nom d'auteur à taper très lentementLa supplication, Svetlana Alexievitch

    J'ai vérifié : j'avais mes règles quand j'ai rédigé l'intro. J'ai peut-être été un poil sévère. Je désavoue la moitié de mes commentaires hargneux et on repart sur de bonnes bases ?

    La supplication est l'approche d'un fait - explosion de la centrale de Tchernobyl en 1986 - par une succession de courts témoignages, matière très brute qui donne l'impression d'avoir été peu travaillée. Certains chapitres pourraient même être retranscrits d'un débat public, avec les voix qui se mêlent. C'est l'inverse d'une démarche historique. Ni preuves, ni dates, ni chronologie, rien que des gens, des souvenirs, pour entrer par l'émotion dans un drame dont l'impact a peut-être été érodé par l'analyse des faits.

    C'est d'autant plus drôle dans ce cadre - études supérieures, thème imposé - qui implique que l'on cherche à dire quelque chose de l’œuvre ou à lui faire dire quelque chose, qui servira de démonstration ou d'exemple, de matière à réflexion, amusant, donc, je trouve, de partir de ce qu'il y a de plus subjectif, l'opinion d'individus aléatoires.

    Doit-on considérer qu'il y a vraiment une autrice ?

    Non, si ce n'est dans le choix des titres... Ne perdez pas votre temps à essayer de comprendre pourquoi tel témoignage se trouve dans telle section. Mme Alexievitch n'aurait-elle pas un petit faible pour les titres? hmm?  Elle a profité de l'occasion pour caser "la couronne et la création" et "admiration de la tristesse". C'était là ou jamais.

    Si, quand même, il y a construction. Les climax émotionnels sont placés au début et à la fin, avec les détails atroces et les histoires d'enfants.

    Je reste d'accord avec moi-même-en-mode-hérisson (c'est doux sous le ventre, les hérissons, ma femme confirme.*) les témoignages ne nous éclairent nullement sur une force de vivre individuelle.

    "Je n'avais plus aucun désir de vivre." Notez l'usage du passé et la première personne et déduisez que ça s'est arrangé. Comment ? Mystère... Une page plus loin elle est remariée. Elle ne sait pas comment on survit à ça, personne ne sait, ce livre est une avalanche de "c'est ainsi", "il fallait bien""Ivan... Ivan, comment dois-je vivre ? Et il ne répond rien, ni en bien, ni en mal. "

    Je ne m'étais pas non plus trompée sur la manipulation qui conduit de jeunes hommes à se sacrifier. "Il y a eu tout de même un élan héroïque. Bien sûr il n'était pas totalement spontané."  Il y a le communisme, bien sûr ("J'ai reçu des ordres et j'y suis allé. J'étais membre du parti."), et la bonne vieille pilosité des roustons, j'suis pas un lâche / on est pas des gonzesses. Et le nationalisme "il est comme ça notre peuple", "nous vaincrons. Nous, les chevaliers. " Et la vodka. Jusque là, j'avais bien cerné le thème mais...

    J'ai demandé à ma belle sœur ukrainienne, plus jeune que moi, ce qu'était Tchernobyl pour sa génération. Elle m'a répondu "un lieu cool / populaire, à visiter, une attraction depuis environ 10 ans." Avant cela, quand elle était plus jeune, on en parlait très peu. Un tabou.

    Trois décennies seulement. Un parc d'attraction? J'ai médité ensuite, pas tant sur sa réponse que sur ma réaction à sa réponse (un peu surprise, un peu "c'est pas très sérieux ça", un peu "on est mal barrés"). Il aurait fallu qu'elle, parce que plus proche géographiquement - une absurdité compte tenu de l'étendue des effets de la radioactivité dans l'espace et dans le temps - ait davantage l'air préoccupée, soucieuse, que moi ?

    Je m'en fous de Tchernobyl, non ? J'ai flippé avec Fukushima puis je n'y ai plus pensé. Je trouve ça horrible, j'ai peur que ça arrive à nouveau, j'ai le vertige quand je pense au temps de dégradation des déchets... mais pas vraiment non plus puisque je vis à quelques kilomètres d'une centrale, comme beaucoup de gens. J'ai plusieurs ordis, la télé, le chauffage électrique. Je ne milite contre rien. Ma boite a même un département nucléaire et il y a des tirs radio la nuit dans le bâtiment où je travaille. Je ne m'en inquiète pas. Je fais confiance. J'arrive le matin et je me dis que c'est safe.

    Je sais ce que j'ai raté dans l'intro, j'ai encore oublié l'espèce ! Comme toujours, je considère mes semblables un par un et j'ai envie de les pousser dans un ravin. Presque tous. Sauf ma famille, Bruce Willis, les doux-rêveurs et les jolies filles.

    "L'impensable s'est produit : les gens se sont mis à vivre comme avant. Renoncer aux concombres de son potager était plus grave que Tchernobyl." Je ne trouve plus ça idiot. C'est touchant, quand on y réfléchit. S'il n'y avait que des pleutres comme moi, qui emballe ma fille dans un matelas pour faire trois pas dans l'herbe, on ne ferait plus rien.

    "Nous étions téméraires", dit l'un des témoins. Il en faut. Il en faut absolument. Il nous faut des pompiers. J'ai été marquée par ce type qui a plongé pour ouvrir je ne sais quelle vanne, dans une eau radioactive. Il le fallait, lui, pour en sauver beaucoup d'autres. Même quand j'étais cynique, je ne niais pas que l'héroïsme existe. Je disais que c'était bien pratique. Si on veut une armée, il faut des esprits convaincus qu'on peut mourir pour la patrie. L'espèce est aveugle aux individus, elle ne considère que le solde net, d'une génération à l'autre. J'oubliais à la fois que c'était pratique pour moi et que c'était indispensable à l'humanité.

    Dans le corps humain tout fonctionne par paires, aux muscles agonistes les muscles antagonistes, si l'on sécrète une hormone il faut pouvoir la stopper et si l'on s'endort, se réveiller.

    "Dans la vie, des choses horribles se passent de façon paisible et naturelle." Parce que sinon, quoi ? La paralysie de la peur? C'est normal d'oublier la terreur, de vivre sur une terre ravagée. C'est la force de vivre de l'espèce. Pour un qui aura peur, un autre ira ira boucher le trou de l'enfer. Il ne peut pas y avoir que des immobiles.

    "La première fois, on a la trouille. Puis ça devient une chose normale. [...] il a franchi le seuil de l'instinct de conservation. Dans un état normal, ça n'est pas possible". 

    Certains sont très amers. Après coup, ils prennent conscience de ce qu'ils ont fait. De la mort qu'ils ont récoltée ou semée. D'un point de vue individuel, une folie. D'un point de vue collectif, l'atout majeur de l'espèce pour se préserver. ça prend tout un tas de forme, dont l’inconscience qui conduit à ne pas porter de protection, même quand il y en a à disposition. Là encore, si on considère l'individu, c'est stupide; Mais c'est lui qui ira au feu, parce qu'il ne vit pas avec la même peur. Certains mettent même le doigt sur le moteur de tout ça "j'ai vécu le plus intensément".

    "Mais c'est aussi une sorte de barbarie... Nous disions toujours "nous" et pas "je" "

    Ce fut une lecture appréciée. Il y avait beaucoup à en penser et à en dire, même si ça s'éloigne déjà dans ma mémoire. Tout est question d'équilibre. La force que vous n'avez pas, quelqu'un l'aura, et le courage. Et si à l'inverse vous sacrifiez bêtement votre vie, un autre qui se sera préservé tâchera de faire quelque chose du temps supplémentaire que votre sacrifice lui aura accordé.

    Il y a une certaine beauté au cœur des choses les plus atroces - c'est un tel lieu commun que parfois, j'oublie combien c'est vrai. En témoignent ceux qui évoquent la nature, les animaux, l'amour, au sein du chaos. A travers les récits j'ai moi-même trouvé de la beauté à des choses qui n'en devaient pas avoir. Comme cette image des maisons que l'on enterre toutes entières. Et surtout, de la terre que l'on enterre. Une beauté absurde qui me correspond bien.

    Voilà. Je n'ai pas été insensible - en témoignent mes tonnes de notes malheureusement impossible à relire à froid et mes e-pages cornées dans tous les sens. Je n'avais rien tant décortiqué depuis Sapiens !

    "après l'apocalypse", dit le sous-titre. Après la fin. C'est rassurant. ça veut dire qu'il n'y a pas de fin. J'aime vraiment beaucoup cette idée.

     

     

    * Elle confirme pour les hérissons, pas pour mon ventre, quoi que...