Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Tale me more - Page 40

  • Téléphone rose

    long courrier,emma donoghue,récidivisteLong courrier, Emma Donoghue

    Naaaan !!? Mais depuis quand les romans roses-avec-des-ballons sont-ils déprimants ?

    23h, je me relève pour piocher dans la bibli une lecture légère et rapide, à intercaler entre le premier volume des Misérables et un partenariat que je dois recevoir prochainement. Je vois ce livre offert par C'era pour mon dernier anniv. Romance entre femmes. Impeccable.

    La première est une hôtesse de l'air irlandaise, d'origine indienne, extravertie, citadine jusqu'au bout des ongles. En couple.

    La seconde une butch canadienne, motarde, le cheveu court, conservatrice d'un minuscule musée dans un patelin de 600 âmes où le printemps dure deux jours.

    Elles se rencontrent dans l'avion, une péripétie quelconque, et elles prennent un café ensemble, échangent leurs coordonnées. L'hôtesse retourne à sa femme, mais elles ne cessent de penser l'une à l'autre jusqu'à ce que la plus courageuse prenne contact des semaines plus tard.

    La romancière (c'est l'auteure de Room) doit être une experte des relations à distance. Quiconque a tenté l'expérience s'y retrouvera : les débuts torrides, les centaines d'e-mails, les interminables conversations au téléphone, les trop rares rencontres en chair et en os, les amis incrédules ou qui tentent de vous décourager.

    J'ai dévoré tout le début pour arriver plus vite à ma scène préférée, celle du premier baiser, placée généralement dans ce genre de récit après tous les empêchements habituels à l'union du couple (glissement de terrain, tornade, émigration sur Mars, peine de prison à perpétuité, décès, enlèvement par un pirate, coma suite à une allergie aux crevettes, série tv addictive, métamorphose en panda, ...). Là, elle arrive à la page 100.

    Alors j'ai pris une bonne inspiration pour affronter l'inévitable suite, en apnée. Je vous l'ai dit, c'est le roman d'une nana qui a dû bien connaître ça et qui avait une brouette de mélancolie à partager.

    Mayday mayday... Plus elles s'aiment et plus l'impossibilité de se rejoindre leur pèse. Disputes, rares heures ensemble gâchées par l’impossibilité de se projeter dans l'avenir. J'ai lu 3 pages dans l'ascenseur, 4 le temps de rejoindre ma voiture. 1 en vitesse sur le parking au boulot. 20 le midi, tout ce que j'ai pu le soir, pour me débarrasser en trois jours de cette ambiance pesante. Je peux vous dire que je m'en foutais royalement pour une fois de la vraisemblance, j'avais envie que ça finisse, deux cent pages tristes, c'est pas de saison, ça, non.

    Je ne vous dis pas si j'ai été satisfaite de la fin.

    J'ai failli vous faire un petit quiz "Quel amant·e à distance êtes-vous?" à partir de citations

    Un newbie - Tu dis n'importe quoi c'est génial de lire 4 mails par jour sur la couleur de la neige, les habitudes des voisins, l'histoire locale, n'importe quoi tant que c'est lui/elle.

    Un vétéran - Retraite bien méritée, on ne m'y reprendra plus jamais, j'ai brûlé toutes les lettres dans un rituel païen et j'ai abandonné meetic pour faire des rencontres sur le bon coin, en mettant un rayon max de 1km.

    Un petit malin - On a emménagé ensemble dès le 3e jour, c'était plus simple.

    J'ai renoncé, faute d'avoir relevé assez de citations. Trop de boulot.

     

     

     

     

  • Palimpseste du 3e type

    ménagerie de papier,ken liu,est-ce qu on va me dénoncer pour le 11 septembre,la sf comme je l'aimeLa ménagerie de papier, Ken Liu

    Si vous avez déjà passé deux heures à vous creuser la tête pour une malheureuse carte postale, ou pris deux jours pour rédiger un sms, alors, vous comprendrez.

    Aux autres, j'aimerais savoir expliquer que parfois, on sait qu'on ne trouvera pas les bons mots, ceux qui seraient à la hauteur du moment, ceux qui porteraient le juste message. Plus on y attache de valeur, plus longtemps on reste devant la page blanche. A défaut d'éloquence, peut-être fait-on à notre Mercure intime, en écrivant pour effacer vingt fois, l'offrande d'une autre chose précieuse : un peu de notre temps? A charge pour lui de sauver ensuite quelque chose de l'âme du message.

    Ce recueil de nouvelles condense tout ce que j'aime dans la science-fiction / fantasy.
    Pour commencer, j'ai (presque) tout compris. On ne m'a pas saoulée de paradoxes temporels alambiqués, pas égarée dans un trou noir et tout combat spatial, sabre laser, canon ionique m'aura été épargné.

    La qualité littéraire des textes est indéniable. Si les lieux et les époques varient (monde semblable au nôtre, colonisation d'une exoplanète, futur si lointain que la matérialité des corps n'est plus qu'un souvenir) l'ensemble, équilibré et mature, donne l'impression d'une grande cohérence.

    Je ne sais pas si l'image vous parlera comme à moi, mais parfois, dans la SF, j'ai l'impression que l'auteur a laissé son imagination courir librement au plus loin, tandis que là, chaque récit semble un fil déroulé à partir de notre société actuelle, d'une question qui agite la science, ou d'une tendance humaine. Autre façon de le dire: une ligne, plutôt qu'un point qui apparaît sorti de nulle part ?

    Bref, j'ai tout trouvé très poétique et - soupir de bonheur -  merveilleusement respectueux de la diversité des êtres humains.

    La nouvelle la plus émouvante est celle qui donne son titre au recueil, je l'avais gardée pour la fin. La plus ardue est celle qui ouvre le livre, il m'a fallu un petit temps, en lecture à haute voix, pour m'habituer à l'usage du pronom "iels" pour désigner une créature. "Ne laisse pas leur ignorance t'irriter, émet-iels en retour".

    Toutes les grandes questions métaphysiques qui hantent la SF sont abordées tour à tour. Comment se confronter à l'altérité sans y plaquer nos propres valeurs et schémas ? De quoi est fait notre Moi ? Qu'est ce qui nous distingue d'une intelligence artificielle ? Jusqu'où devons-nous être assistés par nos objets connectés ?  Avons-nous besoin de ne plus mourir ? Ajoutez dieu, l'amour, le deuil et des interrogations fines sur le langage. Tout y est.

     

     

  • A la guerre comme à la guerre

    dead on arrival... c'est pas un prénom ça !Pukhtu (Primo), DOA 

    Je ne regrette pas d'avoir repris les partenariats Folio, je continue d'aller vers des romans que je n'aurais jamais abordés par un autre canal. J'ai beaucoup à dire sur Pukhtu... ce qui n'était pas gagné quand on sait que je déteste par-dessus tout, au ciné comme dans les bouquins, les histoires d'espion, tout ce qui touche à la drogue et que je suis toujours paumée en histoire et incapable de m'y retrouver dans les conflits contemporains.

    Au cours de ma lecture, d'ailleurs, je n'ai pas toujours bien su qui tirait sur qui et à partir d'où. On m'a pourtant gentiment fourni un lexique militaire de 8 pages et une carte des zones frontalières entre l'Afghanistan et le Pakistan. Alors je laissais les uns et les autres traverser par ici, revenir par un chemin caillouteux, se faire repérer là, se tirer dessus, s'enfuir à cheval ou déguisé à l'arrière d'un véhicule, passer d'un côté ou de l'autre, un peu comme on va se chercher des clopes en Espagne, et j'attendais patiemment que quelqu'un rejoigne une ville de la carte pour m'y retrouver. Je suis patiente, quand j'aime.

    Je ne suis même pas contrariée de n'avoir pas aimé les quelques personnages féminins - en dépit de scènes de sexe plutôt hot entre femmes. Dont une lue en diagonale pendant la pause méridienne au boulot. Ne pas lire au boulot !! On a jamais le temps de savourer les bons passages. Idem dans les transports. Un bon livre c'est avec une couette et un thé* ou un chocolat chaud.

    Je ne me suis pas divertie, je n'ai pas été émue, j'ai été impressionnée. Comprenez marquée en profondeur. Comme l'a noté très justement C'era Una Volta dans son article, c'est davantage un documentaire qu'un roman. Je ne sais pas bien quel a été le parcours de l'auteur, mais qu'il ait été à la fois journaliste et militaire ne me surprendrait pas.

    Cynique n'est pas le bon mot. Désabusé, peut-être ? Personne aujourd'hui ne se fait d'illusions sur la guerre.

    "l'enjeu commercial premier de ces deux guerres n'a jamais été la captation des richesses des pays en question mais la guerre elle-même, source d'immenses profits."

    Tout est cliniquement décrit, les sociétés privées de mercenaires qui se font de l'or sur le dos (ou avec la complicité) des gouvernements, les idéaux qui aident, dans un camp comme dans un autre, à ne pas trop réfléchir quand il faut ôter une vie, les consciences en sourdine et les moments où le bouchon ne tient plus.

    Les personnages d'état, qui surplombent la scène, tirent les ficelles, comme à la fête foraine, avec une mallette de cash au bout. Aucun perdant messieurs dames, c'est un business sans fond, amenez vos pelles.

    Impossible de lire ce livre en y trouvant d'un côté les héros américains, de l'autre les infâmes talibans. Sans doute que le chef pachtoune aurait conservé des relations distantes avec les ennemis de l'occident s'il n'avait dû venger ses enfants. D'autres se sont enrôlés par peur, ou par besoin de nourrir leur famille. Ou sont juste là par hasard, à l'aplomb d'un engin explosif ou en contrebas d'un drone. Ces engins froids et mortels hantent le récit de leur présence fantôme, tuent des enfants ou des terroristes, sont les oreilles toujours ouvertes des murs invisibles qui séparent deux civilisations qui semblent à jamais incapables, pourtant, de s'écouter.

    C'est un roman du gris, de la poussière d'un pays rude, de la poussière des corps vaporisés ou des idéaux qui redeviennent poussière à force de lassitude. Un roman qui dépeint avec lucidité une société salie. Ceux qui s’empiffrent de cocaïne ou d'héroïne dans les milieux parisiens privilégiés font tomber leurs billets directement dans les poches du terrorisme sans rien y voir de problématique. Ils baisent là comme d'autres meurent ailleurs, sans plaisir, dans la violence, pour fuir ou dans une vaine tentative de se trouver une identité.

     " Quand ils montent au feu, cette différence entre eux et les cons d'en face, et la camaraderie née d'avoir pataugé ensemble dans la même merde, rendent plus facile de savoir qui défendre et qui descendre. Une conception peut-être naïve des choses, aveugle, limitée, mais éminemment respectable dans sa générosité tordue, mal rétribuée et létales, minoritaire au sein d'une génération avant tout préoccupée par ce qu'a chié Lady Gaga la veille. "

     

     

     

    * terme non contractuel. Un thé est plus probablement une tisane. Je précise pour les puristes.

  • Tristes topics

    servante écarlate couvertureLa servante écarlate, Margaret Atwood

    L'adaptation récente en série m'a été beaucoup vantée - je ne l'ai toujours pas vue - j'en déduis que les scénaristes ont dû prendre des libertés avec la trame du roman, lent dans son évolution, lent dans sa façon d'apporter les réponses sans pour autant susciter de véritable suspense. 

    Ecrit dans les années 80, le roman présente une évolution alternative de l'histoire, un monde futuriste dans lequel la fertilité des êtres humains est en chute libre. La solution choisie conduit à un régime totalitaire : privation de libertés pour tous, intégrisme religieux pour se justifier, exécutions publiques et petit bonus pour les femmes qui n'ont plus le droit de travailler et sont désormais réparties en trois castes.

    Prenez une femme au foyer modèle de la génération de votre grand-mère et distribuez à trois personnes différentes ses attributions sociales, domestiques et sexuelles. 

    Les épouses ne font rien de palpitant, elles jardinent et se visitent les unes les autres en attendant un enfant qu'elle ne peuvent pas elles-mêmes concevoir. Toutes semblent appartenir à une sorte d'aristocratie, leurs époux ont des postes à responsabilité. Le roman n'évoque pas vraiment le sort des masses, du peuple. Est-il soumis au même découpage ? 

    Une autre caste, celle des marthas, fait le service, la cuisine, le ménage, la lessive, etc. Elles ne sortent quasi jamais de la maison. 

    Les dernières, les servantes écarlates car tout de rouge vêtues, sont des utérus féconds, qu'on se passe de maison en maison le temps d'avoir un enfant, et qui changent d'ailleurs de nom à chaque fois, prenant celui du nouveau maître : Defred (servante de Fred), Deglen etc... 

    La quatrième possibilité, c'est le rebut, pour les vieilles et les rebelles quand elle ne sont pas pendues directement. 

    Quelque part autour de cette nouvelle société, c'est la guerre, ou on le prétend. 

    Roman du flou, qui laisse une large part à l'imagination et éveille difficilement un sentiment de révolte. Mais je pense que cela n'a guère d'importance. Le récit est en quelque sorte protégé par son thème.

    C'est assez révélateur de notre société, qui consomme à outrance des ressources non renouvelables, se fout globalement de la condition des femmes, de la pérennisation de l'état d'urgence, de la liberté de la presse -voire de toutes les libertés - et du sort de toute population qui vit à plus de 200km. Mais va spontanément protéger et mettre en avant, parfois plus que mérité, toute oeuvre culturelle qui alerte sur ces mêmes thèmes. Inconséquence, quand tu nous tiens. 

    J'ai eu l'impression que le récit se concentrait surtout sur la vie affective et sexuelle de la narratrice, qu'en absence de toute liberté, c'était cela qui ressortait avec le plus de cruauté et cela qu'elle espérait en priorité, retrouver le droit d'aimer librement. De même, lorsque le roman présente un lieu de "résistance", ce qu'on y trouve, c'est du sexe. 

    " Pourquoi les lapins sont-ils supposés être sexuellement attirants pour les hommes ? " 

    Après discussion, je suis un peu revenue sur mon opinion. Elle parle aussi un peu du travail qu'elle avait autrefois, de l'interdiction de lire.

  • A l'abri des lecteurs

     

    This is a great book. Nothing else. Really.

    Thanks for coming, goodbye.

    Manuscrit-refuse-finkel.jpgAu paradis des manuscrits refusés, Irving Finkel

    Excitante invention que cette "bibliothèque des refusés" où sont reçus à bras ouverts les livres moqués des éditeurs et jamais publiés. Cette idée géniale se développe, farfelue dans ses moindres détails, avec son peuple pittoresque de bibliothécaires, imprégnés de la grandeur de leur mission, avides de nouveaux legs et bien décidés à ne pas se laisser mettre de bâtons dans les roues par du vulgaire public !

    Un passage à la Cyrano nous présente une série de lettres de refus qui accompagnent bien sûr les dépôts de manuscrits.

    Cher Monsieur,

    En dépit des 47 rudes années que je viens de passer dans l'édition, je ne parviens pas à comprendre comment quelqu'un peut oser écrire un manuscrit tel que celui que vous nous avez envoyé. C'est peu dire que cela relève d'un scandaleux gâchis de papier dactylographié. 

    L'écriture en vers est un art

    Que nul ne maîtrise au hasard;

    Or, vos efforts

    Vous donnent tort :

    Vous ne convaincrez nulle part

    Cher "espérant" de Goldaming,

    N'espérez plus.
    Renoncez.

    Sincèrement,

    Les Huiles, agence littéraire

    Le thème est une trouvaille ! Cependant dès le chapitre trois... Attendez une seconde...
    L'auteur est assyriologue et Conservateur au British Museum. Qui dit conservateur dit longévité... il risque d'être encore vivant. Je vais prendre mes précautions avant de me plaindre et lui mettre un petit mot au cas où, en haut de l'article.

    J'ai déchanté en raison de la structure du roman, qui s'avère plutôt un recueil de sketches consécutifs. On pourrait en faire une de ces mini-séries qui passent le soir avant ou après les infos. Même lieu, mêmes personnages et nouvelle aventure à chaque fois. J'ai pris l'arrivée d'une personne extérieure, une homologue américaine, pour l'élément déclencheur, mais quelques chapitres plus tard son sort était réglé et on passait à autre chose.

    Je me suis habituée ensuite à passer d'un thème à l'autre et quelques passages sur le monde de l'édition, ainsi que la réflexion sur ce qui est digne ou non de passer à la postérité m'ont plu. Globalement, c'est correct comme lecture.

    Mais dernier bémol de poids :

    Partons de cette conclusion : "elle était indéniablement, inoubliablement, mortellement belle". Je suppose que vous devinez ce qui précède dans le paragraphe? Pour être belle il vous faut : "jeune", "mince", "balayage auburn", "étole en fourrure", "veste cintrée", "jupe fourreau" et et et "cuissardes moulantes", "bijoux sophistiqués", "voiture de sport rouge de marque italienne".

    Comptez vos points, mesdames ! Et partagez, qu'on rigole.

    Je vous promets que je n'invente rien, c'est bien le portrait d'une seule femme. Je vous ai épargné le parfum et l'épaisseur des lèvres. Et le soir même elle couche avec un (ou plusieurs ?) membre du personnel.

    Dans ce roman, femme = secrétaire efficace/figure maternelle, vieille fille ou alors adorable potiche, tentatrice infiltrée, séductrice diabolique... La routine du petit masculiniste. Rien de traumatisant ni de franchement misogyne, c'est gentil, ça part d'un bon sentiment, comme d'hab. Mais ça commence à bien bien bien me saouler.

    manuscrits refuses,finkel,garanti avec conservateur,recueil de blagues