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Tale me more - Page 5

  • La recluse de Wildfell Hall

    wildfell hall,la bronté manquante,quand on ne sait pas ce qui manque mais qu'on attend encore le tLa recluse de Wildfell Hall, Anne Brontë

    Emily, Charlotte et maintenant Anne - quand mon côté volage rencontre ma passion des listes - voilà, j'ai fait le tour des soeurs Brontë ! C'était moins torturé que les Hauts de Hurlevent, moins éparpillé que Jane Eyre. Pas joyeux, bien construit. Difficile à définir...

    L'histoire est simple et plutôt sombre. Le jeune narrateur voit sa curiosité piquée par une femme qui s'installe dans un manoir à proximité, avec son fils. Elle semble appartenir à la bonne société mais vit très modestement, sort peu et entoure de mystère son identité. Une amitié se tisse entre eux, qui évolue peu à peu mais le jeune homme se sent brutalement repoussé... Et puis plouf en plein tourments passionnels, ce fil là est mis en pause le temps d'un très long récit enchâssé qui raconte les mésaventures de la dame. Peinture de la vie privée et maritale de l'époque, c'était de ce point de vue une lecture très intéressante, à laquelle il a manqué un petit quelque chose pour emporter mon adhésion complète. Pourtant j'étais "tenue" par la construction et j'ai dévoré les pages.

  • L'amour avec un grand Alpha

    manipulateur narcissique.jpgTant pis pour l'amour, Sophie Lambda

    A présent que je choisis les lectures dont je rends compte, j'avais décidé de passer celle-ci sous silence, à la fin de l'année dernière. Sujet trop brûlant. D'ailleurs quand on me l'a offert, pendant toute la soirée, je l'ai observé sur le coin de la table avec méfiance. Ou peut être avec une véritable trouille. Je pensais l'enfouir dans la bibliothèque en attendant un meilleur moment. J'aurais fait une excellente autruche, la vitesse de course mise à part.

    Il s'agit d'un roman graphique autobiographique, qui raconte la relation toxique de l'autrice avec un manipulateur, qui l'a laissée en miettes. J'en ai lu la moitié le soir même. Puis j'ai mis du temps à le terminer.

    Pour le compte rendu, j'ai changé d'avis plusieurs mois après ma lecture pour deux raisons.

    La première, c'est que c'est un cadeau. D'une part on ne m'offre pas souvent des livres et d'autre part, on n'offre pas ce genre de livres-là comme on offre un best-seller de l'été. Parfois on offre des livres à la place d’échanges qu'on ne peut pas avoir. C'est une sorte de pacte de connivence qu'on accepte, quand on les ouvre. On peut faire ça avec une chanson, un dessin, une fleur...

    J'en connais même qui communiquent avec des gâteaux. C'est tout un art. Si le biscuit est attrapé au vol avec un "cool merci" qui laisse une trainée de miettes négligentes, ça veut dire "je n'ai pas envie de t'entendre". Le "c'est très bon, merci", c'est un accusé réception, message reçu, pas de réponse à faire. Parfois le gâteau disparaît juste de la table et on en entend plus parler, toutes les interprétations restent ouvertes.

    La seconde, c'est que celle qui me l'a offert est partie, déménagement, etc. la routine. Pour une fois,  que ce n'est pas moi qui crée de l'éloignement ! Les personnes que j'apprécie sont systématiquement à l'autre bout du pays, voire du monde. On se dit qu'on va se revoir, on ne se revoit jamais ou alors ça demande une organisation de malade et ça finit par une engueulade sur AirBnb. Je n'ai pas dit mon dernier mot d'ailleurs...

    Donc petit "deux", écrire, dans ces moments-là, c'est une façon de garder un lien.

    Il y a même un petit "trois" bonus. Il y a une dizaine d'années, nous lisions chacune le blog de l'autre. A quelque chose qu'elle a dit, j'ai eu l'impression qu'elle s'en souvenait. Alors puisque nous avons ce livre en commun, soit. Disons-en quelque chose.

    D'abord, que ça n'est pas une fiction, que le sujet est triste et dur, mais que tout est enrobé dans beaucoup d'humour (le co-narrateur est un ours en peluche) et que c'est un style de dessin que j'apprécie. Ensuite, c'est un habile mélange entre son expérience personnelle et une documentation issue des recherches en psychologie. ça donne un certain poids aux propos.

    Petit guide de la manipulation : choisir un/e partenaire qui a des casseroles, une faible confiance en soi et une tendance à culpabiliser et ou qui traverse une période difficile (rupture, deuil, perte d'emploi). L'aider, la soutenir, la regonfler à bloc. Faire en sorte de construire une bulle de bonheur parfait et y enfermer son ou sa partenaire. L'isoler de ses amis sans jamais rien demander explicitement. Simplement lui pourrir la vie quand il est question de les voir.  Par de petites "plaisanteries" répétées , sur le physique, le caractère, démolir peu à peu la confiance en soi de l'autre. Mentir, mentir souvent, pour tout et quand on se fait chopper, piquer une colère et expliquer que si l'autre n'avait pas si mauvais caractère, de si mauvaises réactions, il n'y aurait pas eu besoin de mentir. Tout retourner, semer le trouble et la confusion.

    La première partie raconte toute son histoire personnelle, avec le détail de chaque étape. J'ai préféré la suite, plus en recul, tout ce qui concerne comment on se rend compte, comment on en sort. Qu'il faut forcément un regard extérieur, pour démêler le vrai du faux. Croiser les témoignages. Et dans les cas les plus sérieux, le regard d'un professionnel.

    La double page "30 critères pour identifier un manipulateur" est une véritable invitation à cocher, pour les malade des listes comme moi ^^. 

    Quelques exemples au cas où ça pourrait servir, même si je pense qu'à l'inverse des vampires, ce sont des monstres qu'on ne voit que dans le miroir, une fois qu'on leur a tourné le dos : Culpabilise les autres, joue un rôle de victime, critique juge et met en doute la compétence des gens, ne communique pas clairement sur ses sentiments, ne supporte par la critique, s'échappe des conversations, menace de façon déguisée, ne tient pas compte des désirs des autres etc...

    C'est la partie la plus sombre de cette fin de livre, celle pour laquelle j'ai interrompu ma lecture. En résumé, ça dit que le manipulateur est lui-même si détruit qu'il ne changera pas. Jamais. C'est quasi impossible. Il prendra toujours la douleur de l'autre pour une attaque personnelle. Ne se remettra jamais en questions, même s'il peut le prétendre. Or, je déteste les crises sans solution.

    Je sais qu'on est au moins deux à avoir lu ce livre et que je ne suis pas celle qui a le plus souffert. Je n'ai pas cessé d'y penser. Et à toutes les autres victimes, souvent des femmes.

  • Les folies gangster

    bazin tete murs folie psychiatrieLa tête contre les murs, Hervé Bazin

    Gérane s'introduit de nuit dans une maison bourgeoise pour faire les poches des pardessus et les fonds de tiroir. Il repart avec un peu d'argent, oublie son chapeau mais pas les clés de la voiture du propriétaire. Il n'ira toutefois pas loin avec son butin, puisqu'il s'encastre dans un arbre au bout de l'allée. Sa victime, qui n'est autre que son père, un magistrat à la réputation irréprochable, pour étouffer la honte d'avoir un voyou pour fils s'arrange pour le faire discrètement interner. D'évasions en rechutes, Gérane va peu à peu s'enfoncer et s'enferrer dans un système psychiatrique défaillant, de plus en plus fermé et sévère.

    Le propos de ce roman ne doit pas avoir beaucoup vieilli et c'est assez proche, il me semble, de ce qu'on pourrait dire du système carcéral : davantage un lieu de stockage qu'un lieu de soin/réhabilitation.  Hétérogéneïté des profils, copinage pour se procurer des petits extras, société qui a ses propres codes et où l'on finit par se sentir chez soi au moins autant qu'à l'extérieur.

    J'ai eu beaucoup de mal à dégager la position véritable de Bazin. Le message d'iniquité qui découle du choix de prendre pour héros un jeune homme plus dissipé que dangereux, plus instable dans sa vie que dans sa tête, plus malchanceux que criminel, est brouillé ensuite par l’insistance sur son hérédité psychiatrique - sa mère dépressive, sa sœur qui perd à son tour la raison - et pour de bon elle.

    On ne sait plus s'il a finalement de bonnes raisons d'être là, s'il se sent sain parce qu'on ne peut pas voir notre propre folie ou s'il est la victime d'un système arbitraire et d'un triste engrenage.

    Je n'avais jamais rien lu d'autre de Bazin que Vipère au poing et ne garderai d'aucun des deux un souvenir impérissable...

  • "Corps en cage et cœur en prison" (Zazie)

    vargas.jpgL'homme aux cercles bleus, Fred Vargas

    "Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ?" Cette phrase à la craie accompagne de mystérieux cercles qui apparaissent la nuit sur les trottoirs, sans que jamais personne n'aperçoive leur auteur... Oeuvre d'un fou ? D'un artiste ? Ils entourent des objets anodins, oubliés, perdus, jetés. Un fait divers, pas de quoi fouetter un commissaire, me direz-vous.

    J'ai décidé de reprendre depuis le début, méthodiquement, la série de Fred Vargas avec le commissaire Adamsberg. Je n'ai lu que quelques titres, trois ou quatre, c'est suffisant et il faut être économe des bonnes choses. Avec Winterson, Fred Vargas est un autre de mes coups de foudre littéraires, un refuge sûr. Je me moque des enquêtes, j'ai déjà oublié le dénouement de celle-ci, son déroulement presque aussi. Mais elle construit un univers,  un personnage masculin que j'ai l'impression de connaître, je me glisse dans son écriture comme dans un bain à l'exacte bonne température (Quand j'ai la chance de tomber sur une baignoire quelque part, je me baigne comme un sachet de thé, très au chaud, ).  Il est vaporeux, présent sans être là, s'évade, fascine ses subordonnés, erre dans les rues, gribouille. Évolue en parallèle du monde, sans le rejeter, tendrement.

    ça doit être cela qui me plaît tellement, les angles arrondis, le bouclier passif contre la violence du monde. Et sa relation avec Camille, bien sûr. Je sais d'avance, pour avoir pioché dans la série en désordre, ce que ça vaudra. En attendant, je me laisse bercer, c'est apaisant de rêver en écho.

    " Il sentait qu'un bout de lui s'était calé comme une petite pierre au fond de Camille, et qu'elle devait en être un tant soit peu alourdie. C'était obligé. Il fallait que cela soit ainsi. Aussi vain soit à ses yeux l'amour des hommes, et quelque désobligeante soit à ce jour son humeur, il ne pouvait admettre qu'il ne demeure pas de cet amour-là une parcelle magnétisée dans le corps de Camille."

    Magnétisée... J'aurais pu le chercher toute une vie ce mot-là, sans le trouver.

    "et même ayant oublié jusqu'à son visage et jusqu'à son nom, même avec tout cela si Camille bougeait quelque part sur la terre, alors tout allait bien."

    "Tu voudrais la revoir? lui avait demandé sa soeur. Seule la dernière de ses cinq soeurs osait parler de la petite chérie. Il avait souri pour dire : "De toute mon âme, oui, au moins une heure avant de crever."

    Finalement, c'est une forme de magie, d'arriver avec de longs passages entiers comme ceux-là, d'un romantisme suranné, intense,  à ne pas être ridicule, ce qui arrive presque toujours quand on parle d'amour, car les probabilités sont faibles d'en parler à quelqu'un qui est pile dans l'étincelle, ou qui l'a connue et qui s'en souvient.

    Je vois tout en sépia, quand je lis Vargas, ça pourrait avoir trente ans de plus, le choix du vocabulaire, la lenteur paisible de l'enquête et peu importe où elle se jette dans la mer, je reste sur le bord, à regarder le courant, à rêvasser.

  • En 6 lettres, ravie de porter des cornes

    si le diable est dans les détails je l'y trouverai,suspense or not suspenseLe diable de Radcliffe Hall, Stéphanie des Horts

    Discipline, vous voyez ? Un article tous les deux jours jusqu'à retrouver la paix intérieure. Ou bien avoir épuisé mes articles en retard, les paris sont ouverts.

    Je ne peux pas me faire vraiment les dents sur ce roman parce que je n'arrive pas à savoir s'il y a eu, entre lui et moi, un énorme malentendu. En effet, j'ai tout du long pensé que la narratrice était la même dans les deux parties, sans tenir compte du fait qu'elle ne portait pas le même nom. Aurais-je dû être surprise à la fin ? ça restera un mystère... Il me semblait évident que c'était la même personne, mais un détail final m'a fait douter.

    Années 1940, la narratrice est une riche petite fille américaine, qui aime son papa, l'argent et torturer sa nounou qu'elle appelle affectueusement sa p'tite négresse.
    Douze ans plus tard, Maisie, américaine ingénue, débarque en Angleterre où elle fait la rencontre de la famille Radcliffe. Chez les Radcliffe, frères soeurs et père sont équitablement arrogants, déjantés et cruels. Objectivement, on pourrait dire "la pauvre", puisqu'elle se fait violenter, humilier, qu'on se paie sa tête à chaque instant, qu'on lui jette au visage qu'elle est une cruche, mais une cruche riche dont on veut l'argent. Elle couche dans la douleur avec les uns, les unes et les autres en se disant bien à elle-même - à raison - que ce sont des viols mais elle y retourne sans cesse, fascinée. Qu'est ce qu'elle nous agace... C'est horrible, mais on finit par lui souhaiter ce qui lui arrive, tant elle est antipathique, molle, gourde et passive. Ce roman crée un réel malaise psychologique. Après quoi on se demande comment le petit monstre qu'elle était à douze ans peut être devenu cette victime consentante. Et après quoi, encore, tout bascule, tardivement, presque quand on ne l'attendait plus et le roman devient encore autre chose.

    Très curieux phénomène, inclassable, ni bon ni mauvais. Pervers.