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Tale me more - Page 6

  • Rallumer les Lumières

    belial, couverture, trop semblable éclair, ada palmerTrop semblable à l'éclair, Ada Palmer

    J'ai été successivement et dans l'ordre : effarée et découragée, concentrée, admirative, charmée, intriguée puis malheureusement très déçue, à la limite de me sentir trahie. Et pour finir, je ne sais pas trop, Indulgente ? Sans savoir si c'est mérité.

    Je vis la S.F. comme une éternelle intronisation, il faut chaque fois reprendre à zéro, dans un univers différent, se soumettre à une épreuve préalable, en chier pendant cent pages, sous une pluie de termes sortis du chapeau de l'auteur·e et jamais expliqués, ce ne serait pas du jeu.

    J'ai mis un temps fou à trouver la lumière, alors que je savais, avant de commencer, qu'il y aurait quelque chose dans l'écriture pour taquiner un peu la notion de genre. Pas de iel, mais des "on" neutres, pour masquer les il/ils/elle/elles. C'est hyper troublant, rien n'avait de sens, je n'identifiais pas les interlocuteurs.

    Ensuite, accoutumée aux étranges interpellations du narrateur, sensible à cette société futuriste qui a banni toute source de guerre en abolissant deux grands concepts : la nation et la religion, j'ai commencé à m'attacher aux personnages dont on ne sait jamais s'ils sont hommes ou femmes, à l'univers, à ces ingénieux détails, comme le choix, une fois adulte, des groupes auxquels on souhaite appartenir. Bonne joueuse, j'ai même applaudi quand j'ai été sauvagement déstabilisée dans  mes attentes de lectrice.

    C'était avant que ça parte dans un sens que je n'attendais pas, que je ne souhaitais pas et qui m'a presque gâché le roman, comme si on me rallumait brutalement les lumières alors que je venais de m'installer confortablement dans l'illusion. Ah ah ,

    Je suis donc très partagée, parce que c'est intelligent, didactique, les questions de morale, de politique et de philosophie sont  à mon goût et omniprésentes. Je suis presque certaine de vouloir lire la suite, cette première partie n'a aucune autonomie. J'ai tourné la dernière page sans deviner que ça l'était, une abrupte surprise de plus, et pas sur un suspense insoutenable, non, plutôt "oh, la pile de feuilles est finie, attendez, je vais en chercher une autre et j'écris la suite."

     

     

    Lien permanent Catégories : Laboratoire 0 commentaire
  • La serpe Jaenada

    La_Serpe.jpgLa serpe, Philippe Jaenada

    Un titre étrangement sobre au regard de la personnalité de l'auteur, ou du moins de l'image que je m'en suis faite. La serpe est une contre-enquête qui s'intéresse à de vieux meurtres (1941), ceux de Georges Girard, de sa sœur et de leur bonne dans leur domaine familial en Dordogne. Meurtres qui ont immédiatement été imputés au fils de Georges, Henri, pas tout à fait un inconnu : il est l'auteur, sous le pseudonyme de Georges Arnaud, du Salaire de la peur.

    Un avis succinct : habilement construit, enquête intéressante, mais trop long, trop bavard.

    Toute la première partie, qui nous présente le gars depuis les drames de sa tendre enfance pour arriver (quand on désespère d'y arriver) au moment des meurtres, est solidement documentée. Les preuves sont innombrables, Henri est odieux avec son père, odieux avec sa tante, ça fait 20 ans qu'il les dépouille. Les preuves sur la scène de crime sont pires qu'accablantes, au matin de la découverte des corps par lui-même, il se promène dans le château, il propose des clopes aux flics, joue du piano, il était seul enfermé à l'intérieur, le maquillage en cambriolage est risible etc etc. Je n'ai même pas douté de sa culpabilité. Arrive alors le récit du procès, une mascarade, un juge arriviste qui se déclare dès le départ en faveur de l'accusé... 

    Toute l'adresse de l'ouvrage réside dans le basculement qui s'opère, dans une seconde partie, à partir pourtant des mêmes citations des dossiers, des mêmes témoignages, mais placés sous un éclairage différent et d'un coup, nos conclusions ne sont plus les mêmes. C'était très habile, ça donne une idée de ce que peut être un procès, quand on prend le temps d'écouter les deux parties. 

    Par contre bon sang que c'est long... mais long... Et puis l'auteur se promène là-dedans, dans le récit, partout comme chez lui, il fait le pitre, avec ses anecdotes personnelles (sa femme, son petit déjeuner, ses clichés sur la province, la découverte par son fils adolescent du thermomètre rectal). C'est marrant, dans un groupe, un boute-en-train. Sauf que là, il est tout seul dans le groupe et à force, c'est un peu usant. 

    Rhââ, ça m'agace, parce que peut-être bien que ça n'aurait pas été si habilement ficelé avec moitié moins de pages et que ce ton de petit comique apporte effectivement quelque chose. 

    Lien permanent Catégories : Médecine générale 1 commentaire
  • L'histoire sans flingue

    alice zeniter,je suis une fille sans histoire,essai,aux frontières du réelJe suis une fille sans histoire, Alice Zeniter

    Un vrai plaisir que ce petit essai qui s'est glissé pile dans ma pause déjeuner, avec tout ce qu'il faut d'intelligence, de pédagogie, de convictions féministes et d'humour pour éclairer le reste de ma journée!
    Sur la piste principale on est en quête de ce qui fait un bon récit, en s'appuyant sur Aristote, le schéma narratif ou la sémiologie(tout en douceur, vous inquiétez pas) et sur les chemins de traverse on en profite pour s'interroger sur l'éviction des femmes de ces récits, l'importance du discours politique ou le lien qu'entretiennent le réel et la fiction.

    Je résiste (difficilement, vraiment, j'en bave. Vous ne voyez jamais comme j'en bave, quand j'écris et que j'efface sans cesse.) à l'envie de tout paraphraser et de tout ponctuer avec des "mais oui", "bien sûr", "je suis d'accord!".

    C'était juste trop court.

    Je prolonge en discutant mes passages préférés (c'est facile de trouver dans n'importe quel livre mes passages préférés : Les trucs qui me laissent sur ma faim. Les trucs qui me perturbent. Les histoires d'amour avec rien que des filles.)

    "Un homme / qui fait des trucs / de préférences violents."

    Un homme. Comment s'est faite cette bascule ?  Parce que le chasseur barbu et poilu qui brandit sa lance devant le mammouth, ça n'a même pas 200 ans d'âge. C'est parce que le patriarcat était solidement installé quand on a commencé à étudier la préhistoire qu'on a longtemps mégenré de nombreux squelettes (des bijoux ou de la vaisselle, c'est une femme, des armes ou des tas d'offrandes qui montrent l'importance de la personne, c'est un homme. CQFD)  et il semble aujourd'hui établi que le dimorphisme femme petite / homme grand n'est pas attesté à la préhistoire, les femmes chassaient probablement à l'égal des hommes, c'est plus tard que le fossé s'est creusé, quelque part avant Aristote. J'ajoute qu'il a été montré que les peintures rupestres étaient autant l'œuvre des femmes que des hommes. On avait le premier rôle dans l'action, on avait le média pour le récit... Bordel mais où ça a merdé, ensuite??

    Ce syndrome de la Schtroumpfette m'interpelle, une nana pour un tas de mecs, dans les livres, dans les films, c'est vrai que c'est souvent comme ça. Et d'un strict point de vue évolutionniste...

    Mettons qu'un spécimen mâle est particulièrement réussi. C'est avec lui que toutes les femelles veulent se reproduire. Il est occupé avec une autre. Zut. Bon. J'attends 10mn (20mn? Une heure ? Excusez mon peu d'expérience) et mon vœu est exaucé.

    Inversement, avec la femelle très convoitée, qui est occupée avec un collègue. Zut. Bon. J'attends 5mn (là je suis sûre de mon coup) et hop mon vœu est exaucé ? Que nenni, produits de l'ère contraceptive que vous êtes ! Je ne parle pas de câlins sous la couette, mais de transmission de patrimoine génétique. C'est un ou deux ans, qu'il faut attendre : la mise bas + l'allaitement, quand on a raté le coche.

    Alors je pense qu'assez primitivement, les hommes se sentent tout à fait comme des Schtroumpfs, en compétition pour les femmes, qui ne sont pas rares en nombre, mais en disponibilité. Mais ce n'est pas une excuse, on aurait dû faire des albums de Schtroumpfs qui font des trucs, des albums de Schtroumpfettes qui font des trucs et un seul album où ils se mélangent. Et ne leur demandez pas de s'occuper de Gargamel ce jour-là.

    Revenons à nos mammouths. Les femmes avaient l'embarras du choix. Donc elles choisissaient le plus costaud. Donc évolution en taille des hommes au fil des générations, jusqu'à ce qu'ils s'imposent par la force...

    ... Si c'est par la force qu'on s'impose. Je renvoie à Sapiens, lecture intéressante. Et à Ulysse. Et au combo "le cerveau de l'équipe/les gorilles débiles" , qui est lui aussi un topos, non ? Je ne suis pas convaincue que l'appétence soit vraiment pour la violence.

    Moi aussi je veux jouer avec les récits de chasseurs/cueilleurs!

    Je suis une chasseuse. Je vois un lapin, je lance ma lance, je mets le lapin mort dans ma brouette. J'avance, je vois un lapin, je lance, brouette ainsi de suite et adieu le prix Goncourt.

    Je suis un cueilleur. Une airelle. Des animaux traversent au pas de course la clairière. Une autre airelle. Le sol gronde (et le ciel aussi, allez). Et paf un éclair qui manque de me tomber sur le coin de la tronche (vla pour la crainte). Et pouf la terre s'ouvre et ma voisine tombe dans la faille (vla pour la pitié).

    C'est la violence qui fonctionne comme récit, au sens du sang, de la guerre? Ou le danger, la peur pour la vie?

    Il y avait peut-être juste plus de mammouths que de tremblements de terre ?
    David et Goliath c'est vieux aussi. Force et ruse se partagent assez bien la littérature. Vaut mieux être le type qui a la mallette de billets, plutôt que celui qui a mis la baffe pour la récupérer avant de vous la filer. 
    Je suis perturbée par la place du culte de la violence et de la domination par la force. Je botte en touche. Je n'ai jamais lu Ursula Le Guin et plus on me la cite, plus je la devine au-delà de moi, le genre de texte pour lequel il me faudra un marchepied. 

    J'ai gardé pour la fin la principale qualité de l'essai, son engagement, son ton positif, tourné vers l'action et le futur. Je pense aussi que les récits sont des armes. J'ai toujours rêvé d'écrire des discours politiques.

    La fiction précède le réel, non ? Ce qui est dit précède l'action. La théorie, la pratique. La sérénade, le balcon.*4 

    Je définirais bien le réel comme le film qu'on tourne à partir du scénario dominant. 

     

    *1 - Avoir un signifiant qui contient "Zenit"(h) et vouer un culte aux notes de bas de page, je trouve que ça pose l'ambiance.

    *2 - "Notes de bad pages", c'était ma seconde option pour le titre de l'article. C'est tellement rare quand j'en ai deux que ça vaut la peine d'être souligné.

    *3 - Une pensée émue pour Hollande, qui s'est vendu comme un Gouda, alors qu'il aurait dû se présenter Camembert ou Maroilles, je suis d'accord, Mme Zeniter, je suis d'accord! L'emballage fait tout. Le récit fait tout. 

    *4 - (C'est ma dernière, promis). Souvenir d'une conversation de machine à café, que T., qui a raison sur tout en terme d'écologie, conclut en disant qu'il ne peut pas faire d'enfant, même s'il aimerait bien, peut-être, mais ce ne serait pas raisonnable. Je lui ai répondu qu'après avoir entendu ça, je préfèrerais que la terre soit peuplée de ses descendants à lui, je me sentirais moins mal barrée. Les décroissants doivent penser à ne pas décroitre trop vite, sinon ils vont juste disparaître et laisser la place aux autres.

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  • Fait d'hiver

    faille-temps, winterson, shakespeare, hogarth , reecritureLa faille du temps, Jeannette Winterson

    Quand en 2016, à l'occasion du 400e anniversaire de la mort de Shakespeare, la maison d'édition Hogarth frappe aux portes de grand·es auteur·es contemporain·es comme Jo Nesbo, Margaret Atwood, Gillian Flynn ou Tracy Chevalier, pour leur demander une réécriture des plus célèbres pièces du dramaturge, comme je suis heureuse que Winterson ait été sollicitée !

    Elle s'attaque ici au Conte d'hiver, que je n'ai jamais lu (ce sera bientôt réparé) mais c'est sans importance, le roman s'ouvre sur un récap' de l'histoire originale : un roi, sa femme, son meilleur ami, une poussée de jalousie délirante, qui convainc le roi que son bébé n'est pas de lui mais de son meilleur ami, l'exil de l'enfant etc.

    Puis nous voici de nos jours, entre Paris Londres et les Etats-Unis. Le roi est devenu un riche type mégalo, dévoré de jalousie, une jalousie un poil plus alambiquée que dans la version originale puisqu'il a eu, plus jeune, lui-même une liaison non assumée avec son meilleur ami. Une liaison qui empoisonne sans bruit le récit, à petites touches. Il cherche à se débarrasser du bébé, qui disparaîtra de la scène, pour réapparaître plus tard, élevée par un père américain. Le temps a à faire dans ce récit, tantôt en course, tantôt suspendu. Ce personnage était taillé pour Winterson, elle-même enfant abandonnée, avant d'être adoptée.

    Ce roman est bien moins LGBT que les autres de Winterson et ça ne m'a pas manqué, d'ailleurs, car c'est un vrai petit bijou, ce mélange de poésie qui m'a parfois perdue, de réalisme, de conte, de rire, de satire de la société, de péripéties rocambolesques, de personnages burlesques et de mise à nu des coeurs. Belle écriture, comme toujours. J'adore cette autrice.

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  • Le feu aux lacs*

    part-flammes-nohant-couverture.jpgLa part des flammes, Gaëlle Nohant

    Mon unique lecture des vacances et un excellent choix ! Sans rapport avec la série Le bazar de la charité, vue (et appréciée) l'année dernière. Sans autre rapport, je veux dire, que d'être construit autour d'un fait divers historique, l'incendie survenu pendant une vente de charité et la mort de dizaines d'aristocrates. ( Et d'autres petites gens négligeables.)

    Toutes ces vies bouleversées, ça en fait de la matière pour du romanesque ! Des demoiselles en détresse, des actes héroïques, de l'égoïsme, des bondieuseries, des duels d'honneur... C'était parfait.

     

    * Pas ceux avec de l'eau, soyez logiques !

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