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Tale me more - Page 6

  • En 6 lettres, ravie de porter des cornes

    si le diable est dans les détails je l'y trouverai,suspense or not suspenseLe diable de Radcliffe Hall, Stéphanie des Horts

    Discipline, vous voyez ? Un article tous les deux jours jusqu'à retrouver la paix intérieure. Ou bien avoir épuisé mes articles en retard, les paris sont ouverts.

    Je ne peux pas me faire vraiment les dents sur ce roman parce que je n'arrive pas à savoir s'il y a eu, entre lui et moi, un énorme malentendu. En effet, j'ai tout du long pensé que la narratrice était la même dans les deux parties, sans tenir compte du fait qu'elle ne portait pas le même nom. Aurais-je dû être surprise à la fin ? ça restera un mystère... Il me semblait évident que c'était la même personne, mais un détail final m'a fait douter.

    Années 1940, la narratrice est une riche petite fille américaine, qui aime son papa, l'argent et torturer sa nounou qu'elle appelle affectueusement sa p'tite négresse.
    Douze ans plus tard, Maisie, américaine ingénue, débarque en Angleterre où elle fait la rencontre de la famille Radcliffe. Chez les Radcliffe, frères soeurs et père sont équitablement arrogants, déjantés et cruels. Objectivement, on pourrait dire "la pauvre", puisqu'elle se fait violenter, humilier, qu'on se paie sa tête à chaque instant, qu'on lui jette au visage qu'elle est une cruche, mais une cruche riche dont on veut l'argent. Elle couche dans la douleur avec les uns, les unes et les autres en se disant bien à elle-même - à raison - que ce sont des viols mais elle y retourne sans cesse, fascinée. Qu'est ce qu'elle nous agace... C'est horrible, mais on finit par lui souhaiter ce qui lui arrive, tant elle est antipathique, molle, gourde et passive. Ce roman crée un réel malaise psychologique. Après quoi on se demande comment le petit monstre qu'elle était à douze ans peut être devenu cette victime consentante. Et après quoi, encore, tout bascule, tardivement, presque quand on ne l'attendait plus et le roman devient encore autre chose.

    Très curieux phénomène, inclassable, ni bon ni mauvais. Pervers.

  • Vous reprendrez bien un peu de dissert'

    laure murat,proust,aristocratie française,histoire de familleProust, roman familial, Laure Murat

    Je suis malade comme un chien depuis une semaine, c'est tombé en même temps qu'un boulot monstre, des journées de quinze heures et une redoutable envie d'écrire et qu'on m'écrive - j'ai un compte débiteur de 26mn et envie de tout claquer comme à Vegas - j'ai le cou coincé, un phare grillé et pas trace de mauvaise humeur, ce qui en soi est hyper suspect. Je suis flottante de différentes fièvres, un état dont je me méfie comme de la peste mais dont j'ai appris à sortir par l'action : ce livre va se faire bouffer tout cru.

    Avez-vous déjà couché avec une agrégée en lettres ou en histoire ? Moi non plus, mais au cas où l'occasion devrait se présenter, je pensais que ce serait le sujet de conversation idéal pour un premier date, c'est tout plein de Proust! Ah, ça, Laure Murat ça n'est pas Mireille Calmel, celle qui promet des bateaux dont on ne voit pas la poupe. Là on en a pour notre argent, surtout moi qui l'ai emprunté à la bibli. Mais j'espérais autre chose, j’espérais vraiment que ce serait brillant, que ça me rappellerait des souvenirs, que ce serait agréablement intellectuel. C'était intellectuel, point. Et tellement personnel surtout... Elle avait des choses à dire à sa famille, des comptes à régler, c'est dur à lire, ce qui a été écrit pour d'autres. C'est pourtant cela que j'ai préféré, merci mon âme voyeuriste.

    Laure Murat est issue de ces grandes familles de l'aristocratie que Proust fréquentait et sur lesquelles il a bâti nombre de ses personnages. Elle a lu la Recherche comme un album photo, s'étonnant juste d'invités surprise. A de rares moments, ça fonctionne vraiment, on comprend ce qu'elle a pu ressentir devant une œuvre littéraire, patrimoniale mais dans laquelle, elle, elle trouvait sa famille, tonton, mamie, ses habitudes, ses codes, tout le contraire d'une fiction. 

    "Lorsque, encore adolescent, mon père comprit en lisant A la recherche du temps perdu que sa grand-mère avait connu Proust, il la pressa de questions "Ah oui, répondit-elle évasivement, ce petit journaliste que je mettais en bout de table..."

    Mais ce milieu est tellement éloigné du mien, que ces moments-là ont été de délicieuses, certes, mais infimes étincelles. Je sentais ce qu'elle voulait partager et tout de suite après, je me débattais dans une copie de licence jargonnante comme si elle n'arrivait pas à accepter d'être dans l'émotion et se servait de Proust comme d'un pare-feu.

    "Toute la Recherche peut être lue comme une investigation sur l'inadéquation des mots et des choses qui implique, à terme, une démonétisation inévitable des Noms, de leur pouvoir extravagant et trompeur, et d'une relativisation de la fonction référentielle".

    Qui a envie de lire ça, sans être payé pour ?

  • Liquidation 2023

    Les derniers livres de 2023 qui ne méritent pas leur propre article (ni surtout leur propre titre, ça se mérite, un titre)

    Calmel9.jpgD'écume et de sang, Mireille Calmel

    Il a bien fallu un mal de Bretagne dû à un sevrage de plusieurs années et toute l'éloquence de la personne avec laquelle je devais le lire pour me convaincre de mettre un pied dans cette lecture.

    Pas besoin de l'avoir marin.

    Pour un roman qui annonce Jeanne de Belleville héroïne pirate histoire d'amour épique avec rien moins que DEUX bateaux en couverture, attendre les 4/5e du bouquin pour flotter 10 pages sur l'eau, j'ai trouvé ça gonflé. Une demi-douzaine de Jeanne plus tard, une douzaine de massacres sanglants et une autre demi-douzaine de soupirs lascifs plus tard j'allais décerner à ce livre le titre de pire lecture 2023. Puis je me suis souvenue de l'Horloge du temps.  Ex aequo.

     

    Carmilla.jpgCarmilla, Joseph Sheridan Le Fanu

    Roman écrit en fin de 19e siècle. Le coup de la panne - de calèche - et hop voici la jeune Carmilla confiée à un gentilhomme inconnu sur le bord de la route le temps que sa mère finisse son voyage. Monsieur est ravi, ça fait de la compagnie à sa fille. Une compagnie si empressée et ardente qu'elle vaudra un siècle plus tard au récit le tag "LGBT+" sur mon site de lecture favori.  Mais la séduction exercée n'a rien de sexuelle, Carmilla est une vampyre. C'est gothique, classique, prévisible, gentil, vite fini. Déjà oublié.

     

    la tresse.jpgLa tresse, Laetitia Colombiani

    Sortez les violons pour ces trois récits entremêlés (je sens que je tenais un truc là, pour le titre dommage tresse/emmêler), l'un en Inde (horrible situation des Intouchables), l'autre en Italie (faillite d'une petite entreprise familiale), le dernier au Canada (US? J'ai un doute. Cancer d'une avocate accro au travail).  Avec du cheveu comme fil conducteur.  Oh je n'ai rien à  reprocher à cette lecture si ce n'est une facilité un peu désolante dans le choix des thèmes, des personnages, une écriture sans relief et un net déficit émotionnel. Le succès de ce livre me trouble. S'il suffit de ça pour plaire...

     

  • Femme qui rit à moitié, dans mon lit

    goliarda-sapienza.jpgL'art de la joie, Goliarda Sapienza

    J'ai eu un peu de mal avec une scène de violence sexuelle pédophile qui ouvre le récit et ça aurait pu s'arrêter là. Il faudrait sur les livres des picto d'avertissement, non ? Enfin, ça fait quelques temps que je me prépare psychologiquement pour lire Triste tigre en 2024 alors on dira que c'était pour l'entrainement.

    Bien curieuse héroïne, assez difficile à saisir. D'ailleurs rien ne s'attrape à pleines mains dans ce roman bordélique, qui n'a pas d'intrigue définie, qui se contente de traverser la Sicile dans le temps et l'espace comme au galop à cru. C'est assez râpeux et déstabilisant. La nana est d'une grande force de caractère, quelques meurtres au passage dans son épanouissement personnel ne sont pas grand chose. D'un soir à l'autre, soit je m'ennuyais ferme, soit j'attendais impatiemment les scènes de sexe, soit j'étais, rarement, complètement happée par l'atmosphère. Est-ce que la maternité était un thème central ? Ou secondaire ? Et l'Histoire de la Sicile ? Même question. Le lesbianisme, la sexualité féminine, l'éducation des femmes ? Si je devais piocher 2 cartes allez, disons que c'était un roman historique féministe.

    Deux choses m'ont vraiment marquée : c'est un des rares romans que je connaisse qui s'adresse de façon aussi évidente à des femmes de plus de 40 ans. Il y a un recul, une maturité. Surtout dans les passages mères/enfants. Je me demande quel sens ça aurait de lire ça à 20 ans. Sauf pour les scènes de sexe, ça je suppose que ça plaît à tout âge mais elles sont dispersées dans le pavé, bon courage.

    L'autre chose est personnelle. J'y ai retrouvé un voyage en Sardaigne vieux de plus de 10 ans et surtout la femme d'origine Sarde avec laquelle je l'avais fait. Certaines personnes appartiennent à un passé renié, effacé, honni. On pense que la terre est brûlée, re-brulée, rasée, stérile. Qu'un roman puisse faire ressortir quelque chose d'agréable de ses souvenirs-là ça m'a estomaquée. C'était diffus, mais d'une telle évidence ! Je l'ai reconnue à de multiples reprises, dans le verbe et dans l'esprit, dans le caractère de l'héroïne, même le côté cyclonique du récit, dans plein de petites choses, que je n'identifiais pas souvent mais qui m'imposaient un pont mental entre la page et elle.

    J'ignore complètement ce que Sicile et Sardaigne partagent d'histoire, au demeurant, je suis une buse dans ces questions, mais le lien doit exister, puisque j'y ai reconnu quelque chose; le plus incroyable n'est pas le pouvoir d'évocation du récit, après tout c'est le boulot de l'autrice, et sans doute sa propre culture, je n'ai pas vérifié. C'est qu'avant de le lire, je ne me rendais pas compte à quel point une femme qui n'a pas vécu en Sardaigne pouvait encore porter autant en elle de cette terre et de ses ancêtres.

    Je n'ai qu'une fois tous les 10 ans une relation/discussion assez profonde pour comprendre une autre personne. C'est exactement pour cela que je lis encore tellement, j'ai toujours cherché le monde réel dans mes lectures. Le sens, le mode d'emploi. Quand une page m'éclaire enfin quelqu'un, même un tout petit peu, ça me réjouit.

  • Fin d'année thématique

    Un petit aperçu des romans policiers lus ces derniers mois, assez différents les uns des autres.

    bilan polar, alex lemaitre, Higashino, EkbergAlex, Pierre Lemaitre

    On dirait que je ne fais qu'esquiver Au revoir là-haut, je n'aime pas lire un livre dont j'ai déjà vu l'adaptation. Ce doit être mon 3e polar de Lemaitre, en attendant, pour un genre que je ne côtoie que de loin en loin, c'est beaucoup, trois du même auteur !  Une jeune femme kidnappée, séquestrée, soumise à la torture, ça commençait de façon assez dérangeante... Je n'ai été ni déçue, ni conquise, c'était bien. Je dois même dire que la construction est très habile, ingénieuse, on ne suit pas du tout le chemin tracé par les codes du genre. D'une partie à l'autre, les surprises sont au rendez-vous.  

     

    bilan polar, alex lemaitre, Higashino, EkbergLa femme secrète, Anna Ekberg

    Celui-ci à l'inverse est sans aucune surprise, standard, sans personnage attachant, sans dépaysement - alors que j'adore le Danemark où se passe le gros de l'action! Une lecture inutile. ( Certes, toutes les lectures sont inutiles et parfois, cette idée me donne le même tournis que la pensée de l'infini, de l'ubiquité quantique ou de la tonne de paperasse qui s'entasse à côté de mon bureau).

     

     

    bilan polar, alex lemaitre, Higashino, EkbergLe nouveau, Keigo Higashino

    J'ai gardé mon préféré pour la fin, tout doux, paisible.  Pas de violence directe, comme dans Alex, ni de bain de sang, ni de péripéties improbables comme dans la femme secrète. On se croirait revenu à l'époque de Columbo : une victime, un enquêteur et c'est bien assez. Chaque partie du livre est une mini-enquête annexe, menée par un policier très humain, aimable, à force d'observations dans le quartier du crime, des enquêtes de voisinage, pourrait-on dire, dont le lien avec l'enquête principal n'apparait pas immédiatement. Et toutes les pièces s'assemblent avec grâce au fil de ces tableaux. Un petit coup de coeur.