Le problème à trois corps, Liu Cixin
J'ai beau vivre plus ou moins dans une grotte, je n'ai pas pu échapper au battage autour de ce titre. Comme je n'hésite plus à présent à m'aventurer dans la SF, j'ai décidé de le lire avant de regarder la série. C'est fait pour le tome 1, intéressant à plus d'un titre, sans être un coup de coeur. J'ai quand même préféré Dans la toile du temps!
Je me doute que vous attendez de moi que je saute à pieds joints sur l'occasion de parler de plan à trois, c'est tentant, c'est vraiment tentant (de sauter sur l'occasion. L'occasion d'en parler. Pour le reste c'est une autre paire de manches) mais ce bouquin est, du point de vue émotionnel, relationnel, sentimental et sexuel un vrai trou noir. Pas d'amourette entre les protagonistes, pas vraiment d'état d'âme autres que ceux directement liés aux évènements, pas de digressions personnelles. Le héros a bien une famille mais sa présence auprès d'eux est plus qu'anecdotique. Wang Miao est détaché des contingences matérielles.
Une vague de suicides touche la communauté scientifique. L'une des dernières victime a laissé un mot laconique expliquant que plus rien n'a de sens, si toute la physique repose sur du néant. Dans ce contexte, Wang Miao, confronté à des évènements propres à le rendre fou, est invité à intégrer un groupe secret à un haut niveau de l'état, dont lui-même ne comprend pas bien l'objectif. Quelque chose se passe dans le monde, d'inquiétant, de menaçant, en lien avec une base militaire secrète de l'époque de la révolution culturelle, qui écoutait l'univers et avec un étrange jeu vidéo en réalité virtuelle, érudit et très élaboré, dans lequel une population essaie de survivre au chaos climatique lié à l'imprévisibilité de la position de ses trois soleils.
Si ça n'est pas facilement résumable, c'est parce que c'est éminemment cérébral. Tout demande un effort dans ce bouquin. J'ai eu un peu la même impression qu'en randonnée, d'en chier, mais pour mon propre bien. D'arracher sans cesse des bribes de sens, de creuser dans mes vagues souvenirs du bac, toujours à la limite où l'on se demande si on en comprend assez pour continuer. Et toujours raccrochée aux branches. L'effort de vulgarisation est palpable et surtout, ce qui constitue à mon sens le vrai tour de force du récit, c'est fait sans les grosses ficelles habituelles, du genre le dialogue qui sonne faux entre le scientifique de renom et le mec lambda à qui il faut tout expliquer comme à l'école. Là c'est fluide, subtil, très original.
Un soir, un peu tôt encore pour éteindre, je suis arrivée sur une scène où une population de cette fameuse planète aux trois soleils, dont l'évolution dans le jeu la situe à quelque chose comme notre Moyen âge en termes de connaissances et de progrès techniques, va inventer la logique informatique et créer un ordinateur humain. C'était brillant magique. C'était là qu'il fallait m'arrêter, j'ai fermé le livre, éteint et je suis restée comme ça un long moment sans réussir à dormir, éblouie.
La dimension historique est plus difficile pour moi à commenter du fait de la très grande fragilité de mes connaissances de l'histoire chinoise, de la révolution culturelle, mais c'est une composante importante du récit et j'ai compris pourquoi tout le monde a le mot "softpower" à la bouche pour parler de ce roman, qui véhicule une certaine vision de la société et de ses idéaux.
ça y est, j'ai le résumé que je n'avais pas tout à l'heure ! Dans ce roman de SF, l'auteur nous pose une question. Que ferait-on, dans notre monde malade, pollué, conflictuel, s'il nous était donné d'entrer en contact avec d'autres entités, bien plus évoluées et capables de nous écouter ? Que se passerait-il non pas potentiellement mais réellement, en partant de l'équation actuelle, qui ne comporte pas d'inconnue. En partant de qui nous sommes, aujourd'hui, collectivement, nous, l'humanité. Pour bien poser la question, il esquisse une histoire de la pensée scientifique et de ses usages politiques.
Je sens que j'éditerai encore mon article dans les jours à venir, que je n'ai pas fait de tour de ce que ça m'inspire.
Le genre de livres que j'aimerais être deux à avoir lu, pour en parler. Ou trois, puisque c'est dans le thème !