Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

chaos

  • ça m'intrique !

    J'ai suivi autrefois une unité d'enseignement pompeusement baptisée (à tel point que j'ai oublié l'intitulé) mais qui revenait, grosso modo, à utiliser la fonction recherche du catalogue de la bibliothèque universitaire: entrer l'auteur ou le titre ou le thème et appuyer sur entrée. C'était moins d'une décennie après avoir appris, au collège, à rechercher des documents à partir d'un système de fiches cartonnées jaunies qu'il fallait manipuler avec précaution sous peine de les voir tomber en poussière. Et moins d'une décennie avant de me présenter à la médiathèque, à la recherche précise d'un ouvrage traitant de la génération par ordinateur de nombres aléatoires, errant pour cela dans un secteur que je ne fréquente jamais, jusqu'à m'arrêter devant l'étiquette "mathématiques" et sortir deux livres contenant dans leur titre le mot "hasard".

    Méthode qui sur le moment m'a pleinement satisfaite. Or, aucun des deux ouvrages ne répond à mon interrogation primaire. Néanmoins, le premier s'est révélé d'un intérêt dépassant mes espérances, ce que je n'avais aucune chance de découvrir dans d'autres circonstances où la simple mention "quantique" aurait fait disparaître sa couverture de mon champ de vision.  Conclusion, le hasard, quoi qu'il soit, fait bien les choses.

    quantique contact,hasard,chaos,gisin,ruelle,physique,métaphysique,quantique,scientifique,les sciences ont elles le monopole du -ique L'impensable hasard, Nicolas Gisin

    Ce livre de 150 pages fut une source d'émerveillement. J'ai relu la plupart des passages essentiels de nombreuses fois et certaines pourront témoigner que j'en ai discuté de nombreuses heures! L'auteur nous avertit dès le départ: nous ne comprendrons pas tout. Je suis rapidement tombée d'accord. Mais j'ai cru avoir compris des choses nouvelles, dans un domaine - la physique - qui n'a jamais été le mien ( du tout, viscéralement ). Puis j'ai brassé tout cela longuement en esprit. Puis j'ai essayé de transmettre ce savoir tout neuf et me suis aperçue du peu compris. Peut-être même du rien. Et je ne doute pas, vous voilà prévenus, de dire dans la suite de cet article des choses qui seront bien sûr incomplètes mais certainement même fausses.

    Toutefois, comme il serait lourd de placer à chaque instant des "je crois", des "j'ai cru comprendre" et autres "si j'ai bien compris mais je n'ai pas les connaissances suffisantes", j'écrirai l'essentiel à base d'affirmations et je vous laisse vous dépatouiller de ce qui relève de la vérité scientifique ou de ma bêtise personnelle. En résumé, si ce que je dis est faux, sachez que c'est de ma faute et pas celle de l'auteur. 

    Cette lecture vaut surtout pour le champ nouveau qu'elle offre à ma curiosité et que je ne manquerai pas d'explorer à nouveau dès que l'occasion s'en présentera. Entrons à présent dans le vif d'un sujet encore mystérieux, celui de la physique quantique.

    La physique classique décrit par des lois le monde qui nous entoure. Grossièrement, on considère que l'évolution des choses est prévisible, pour peu que l'on puisse appréhender l'état actuel des choses avec précision. Ainsi, si vous connaissez la position d'une voiture et sa vitesse, vous pouvez prédire où elle sera dans 3 minutes et 12 secondes. Ce qui est valable dans ce cas simple peut s'étendre à des cas complexes. Ajoutez un écureuil qui traverse la route : certes, du fait de l'embardée ou du coup de frein, la position finale du véhicule ne sera plus celle estimée auparavant mais si vous possédez d'avance ces nouveaux éléments, l'irruption de l'animal, le temps de réaction du conducteur, la qualité de freinage de la voiture et sa capacité d'accélération, alors il est tout à fait possible, toujours, de calculer sa position finale avec exactitude.

    Parfois, tellement de paramètres à connaître entrent en ligne de compte qu'il devient, en pratique, très difficile (ou impossible dans l'état actuel) de prédire vraiment un comportement. Pensez à la météo, à la quantité de particules à repérer, estimer, mesurer. Et les vents, les courants, les températures ou que sais-je... C'est beaucoup de données, mais si vraiment on les possède, alors tout devient prédictible.

    Si je cherchais un livre traitant de génération des nombres aléatoires, c'est justement parce que je savais déjà intuitivement que le hasard n'existe pas et que j'en cherchais à la fois une confirmation, et une explication sur la façon dont l'informatique contourne en pratique le problème. Il se trouve que c'est encore plus compliqué...

    Symbole du hasard, le lancé d'un dé : s'il n'est pas pipé, vous avez autant de chance d'en sortir 1 que 2 ou 6. Pourtant, si vous m'avez suivi (et votre courage n'a d'égal que mon admiration envers vous), ce n'est pas du hasard. Si je mets dans un giga-calculateur l'emplacement du dé dans ma main, la façon dont il est tourné, son poids, la force et la direction dans laquelle je vais lancer, le frottement de l'air, celui de la table... en théorie je peux prédire le résultat même si en pratique la physique me fout la paix pendant ma partie de Monopoly.

    On considère notre monde comme déterminé par les lois physiques. Alors quand on ne comprend pas encore un phénomène, on cherche la loi qui le régit. Régulièrement on trouve et chaque siècle ajoute sa pierre à l'édifice . Or la pierre quantique du 20e siècle est une curiosité qui bouscule... le déterminisme!

    Autre concept cher à l'auteur, celui de localité : si vous voulez agir sur une chose il faut pouvoir l'atteindre et pour cela, procéder par "contact" de proche en proche. Si je veux faire lever les fesses de ma petite soeur qui vit à des centaines de kilomètres, je peux toucher mon téléphone, composer son numéro. Après quoi des ondes - que je ne "touche" pas, mais qui existent bien, qui partent bien du contact de mon téléphone pour parvenir d'une façon ou d'une autre au contact de celui de ma soeur, sans rompre donc la chaine de continuité - arriveront à Nantes et de là, si j'ai la chance de ne pas être importune, provoqueront l'acte de se lever pour décrocher le téléphone. Ce que je ne peux pas faire, nous disent à la fois la physique classique et le bon sens, c'est lui commander par télépathie d'aller se chercher un coca dans le frigo.

    ( Si vous croyez à la télépathie, aux horoscopes et autres phénomènes paranormaux, je ne peux rien pour vous, sinon me désoler. )

    Cependant - et si vous en profitez pour me reparler des horoscopes et des cadres qui tombent seuls des murs, retournez devant la télé - la physique quantique semble là encore rigoler avec la localité.

    Ce que montre l'auteur, c'est que les propriétés quantiques de certaines particules existent bien. Et la preuve qui a fermé le clapet de bien des contradicteurs, c'est qu'on arrive à les utiliser pour de vrai, dans notre monde réel, dans des applications qui étaient jusque là impossibles.

    Pour nous simplifier la tâche, l'auteur présente l'expérience suivante. En deux endroits du monde, deux personnes A et B qui ne peuvent pas communiquer entre elles se trouvent devant des boitiers dotés d'une manette qu'ils peuvent actionner à gauche ou à droite. A ce moment, la boite affiche soit un 0, soit un 1, au hasard. Si les deux personnes ont choisi la direction de droite, elles marquent un point si les résultats sont différents ( 0 et 1). Dans les autres cas (gauche/gauche , droite/gauche) le point est marqué si les résultats sont identiques.

    Mathématiquement (ne comptez pas sur moi pour tout écrire, mais j'ai tenté quelques possibilités et je suis convaincue) vous pouvez programmer les boites comme vous voulez, il est impossible de gagner plus de 3 fois sur 4 à ce jeu. Tout simplement parce que le choix opéré par les personnes est libre et que vous ne pouvez prédire le moment où il vont en même temps choisir la droite et où il faudra, pour marquer le point, des résultats différents.

    Vous êtes perdus? Croyez moi sur parole (et moi je crois l'auteur lequel possède une preuve mathématique solide), la seule façon de gagner, c'est de tricher en communiquant avec l'autre personne. Ou alors, c'est là le grand mystère, d'utiliser des particules dotées de propriétés quantiques. Ces particules ne gagnent pas à tous les coups mais 3,41 fois sur 4 en moyenne. Une chose absolument impossible ... rendue possible.

    A ce stade, je vous assure que j'ai tout tenté pour comprendre et en revenir à des concepts familiers ! Mais petit à petit, j'ai accepté...

    L'intrication (et la non localité)

    L'intrication est un phénomène qui fait de deux particules, l'une chez A et l'autre chez B, des parties d'un même tout. Non pas comme deux moitiés d'un puzzle mais plutôt comme des entités capables de violer la localité, de "savoir" ce que l'une fait, à distance et instantanément. C'est là que je patouille sec... ça se sent, non? J'ai cru avoir bien compris à l'aide d'une image utilisée par l'auteur : vous placez sur une table en verre transparente une pièce de monnaie. Puis une source lumineuse (une lampe torche) bien à gauche et une bien à droite. Naturellement, si vous regardez au sol sous la table sous avez une ombre de la pièce à gauche (projetée par la lampe droite) et une autre à droite.

    Songez à présent que vous êtes minuscule, au point d'ignorer la présence de la table au dessus de vous et la pièce de monnaie, que vous ne voyez que les deux ombres, l'une à gauche et l'autre à droite: alors, vous pensez voir deux objets différents. Vous ne pouvez pas savoir qu'ils sont une seule et même chose, dans une dimension inaccessible pour vous. Et en effet, si quelqu'un, au dessus, bouge la pièce, vos deux ombres bougeront ensemble. Elles sont liées et cela semblerait à l'être minuscule carrément étrange et incompréhensible. Je trouvais ça très pratique et très clair. Malheureusement l'auteur dit que ça n'est pas aussi simple que ça et qu'il ne suffit pas de nous imaginer au raz du sol et de chercher la table sur laquelle sont posées les particules A et B intriquées qui ne seraient en fait qu'un seul objet... Dommage.

    J'en arrive à ce qui m'a gênée un peu: certains concepts sont si complexes que l'auteur les survole ou les évacue d'un revers de main. Par exemple, puisque d'une façon ou d'une autre, pour atteindre 3,41 il faut que les particules se renseignent l'une l'autre, pourquoi ne pas imaginer que ces particules communiquent bien, exactement comme communiquent mon téléphone et celui de ma soeur, mais par un mécanisme et des ondes que l'on a pas encore découvertes? Chaque fois qu'on arrive à une telle conclusion logique, l'auteur nous sort "ah oui, mais ça, pour que ça soit possible, il faudrait que quelque chose dépasse la vitesse de la lumière, et ça, ce n'est pas possible". Je peux vous dire que la novice que je suis et qui s'est creusée la cervelle jusqu'au menton est passablement frustrée par de telles impasses qui ont l'allure de pirouettes et que j'ai eu souvent l'envie de le secouer : mais pourquoi "pas possible" BORDEL ?!  Dépasser 3 / 4 non plus, ça n'était "pas possible" !!

    L'ubiquité ... ???

    Quant au hasard, il est là, il est bien là. Plus difficile pour moi à appréhender, mais il ressort que d'une façon ou d'une autre, si on "programme" les boites, s'il y a une logique, une loi, même très complexe, alors le seuil de 3/4 est inévitable d'où il découle que le chiffre produit par les mesures quantiques et qui donne le "1" ou le "0" de la boite, est le fruit du pur hasard. Autrement dit, les particules quantiques, non contentes d'être en quelque sorte "télépathes", sont aussi dotées d'une incertitude innée - contrairement au dé, vous ne pourrez jamais prévoir leur comportement - et d'ubiquité (elles sont à la fois ici et ailleurs. En même temps!! Ne ne demandez surtout pas comment!! ça me file des pustules rien que d'y penser, mon esprit logique s'arrête devant cette porte et demande qu'on la condamne avec beaucoup beaucoup de parpaings).

    En pratique, on utilise la physique quantique pour la cryptographie, notion essentielle à notre société de données et d'informatique. L'intrication permet de produire des clés de cryptage simultanément à deux endroits différents (chez celui qui veut envoyer et chez celui qui reçoit) et le hasard total de cette production la rend inviolable. En très gros: on sort un résultat au hasard mais le même hasard à deux endroits...

    Et puis on "téléporte". C'est pas encore comme dans un film de science fiction, hein. Mais ça y ressemble. Si vous m'écrivez un mail admiratif, je vous dirai ce que j'en ai compris (ça tient en 3 lignes).

    J'ai conscience que personne ne peut lire cet article en entier... Même moi je n'ai pas le courage de relire pour les fautes de frappe et d'orthographe... (Edit : mais je viens de le faire)

     

    CONCLUSION : très bon livre pour faire rêver votre esprit à un monde supérieur encore inconnu dont notre présence sur terre ne serait que le théâtre d'ombres.

    Ou ( et si je suis quantique, je suis à la fois le 1 et le 2, c'est très pratique) pour vous convaincre définitivement que cela ne tient pas debout et qu'il y a forcément une explication et une règle physique qui expliquera parfaitement tout cela, le rendra prédictible, déterminé (si on a toutes les cartes en main) ou local (si on trouve comment surmonter le problème de la limite de la vitesse de la lumière).

     

     

    quantique contact,hasard,chaos,gisin,ruelle,physique,métaphysique,quantique,scientifique,les sciences ont elles le monopole du -iqueHasard et chaos, David Ruelle

    Second livre, qui illustre parfaitement l'idée de hasard : en choisissant mes livres à la bibli, ils pouvaient être bons ou mauvais. Le premier était bon.

    L'auteur est doté d'un sens de l'humour certain (mais d'une efficacité douteuse) et d'un égo solide. L'ensemble a été survolé en 2h, je n'ai pas ressenti le besoin de m'attarder ni de réfléchir. Il est surtout question de mécanique des fluides et de la théorie du chaos, le tout nappé d'une sauce hot n spicy mathématique. Aride et difficilement accessible à mon niveau, en ce sens qu'il ne provoque pas l'envie de chercher à comprendre.

    Ce que je retiens de plus stimulant n'est pas tant physique que métaphysique.  Par exemple le concept - déroutant - d'irréversibilité. N'est-il pas étrange, d'ailleurs c'est horriblement difficile à comprendre et à prouver, que certains faits soient irréversibles? Par exemple on peut mélanger de l'eau chaude et de l'eau froide et obtenir de l'eau tiède, mais pas faire marche arrière et "séparer" de l'eau tiède.  Il m'a semblé comprendre quand même que c'est possible de revenir à cet état antérieur, aussi peu intuitif que cela paraisse, mais qu'il faudrait pour cela un temps dont nous ne disposons pas.

    Autre curiosité: pourquoi l'eau ne devient-elle pas progressivement épaisse, visqueuse, en approchant du degré zéro, mais devient-elle de la glace d'un seul coup ?

     

    J'ai pu noter au passage que l'auteur est de la même espèce que le précédent, chatouilleux sur la question de la lumière: "Les clignotants rouges s'allument et les sirènes se mettent à hurler dans l'esprit d'un physicien quand il est question de vitesse supérieure à celle de la lumière".

    Contient tout de même quelques très jolies phrases. Par hasard ?

    Lien permanent Catégories : Urgences 6 commentaires
  • Avis de tempête

    autant en emporte le vent, mitchell, scarlett, rhett, histoire d'amour passionnée, guerre de secession, feminisme, chaos, magnifique roman, petite peste délicieuseAutant en emporte le vent, Margaret Mitchell

    Avis chrono'

    Rhaaaa!! Troooop bien! ça valait le coup de passer deux mois sur ce pavé, pour assister à la chute fracassante du vieux Sud. Quel réalisme, j'ai presque cru me sentir moi-même prise dans la tourmente, sous la pluie de flammes, de débris, en plein chaos. Et quelle histoire d'amour piquante à souhait. Il faudrait réécrire la fin, par contre...


    extenso.jpgDeux mois pour le lire et bientôt autant pour donner mon avis... ^^

    J'ai vu le film, il y a des années. J'en gardais pour seul souvenir des maisons en flammes et une femme en robe qui descendait un grand escalier... Autant dire rien du tout, le plaisir de la découverte n'a pas été compromis.

    Je commence par quoi? J'ai autant été séduite par le personnage de Scarlett que par son étrange histoire avec Rhett. Mais comme toujours, c'est la précision du cadre historique qui suscite mon admiration! La guerre de Sécession, vue par les Sudistes: c'est nous qu'on est trop forts, les méchants nordistes seront pulvérisés avant le petit déjeuner, planquez femmes et enfants ce sont des ogres affamés, pilleurs et violeurs.  Ou comment les guerres s'entretiennent en diabolisant l'ennemi. Ce n'est peut-être pas l'essentiel de l'oeuvre, mais enfin, c'est là.

    Je ne dévoile rien en disant qu'à la moitié du livre (avant?), nos héros sudistes, crève-la-faim, sans chaussures, sont presques tous morts au combat et qu'ils ont pris une sacrée déculottée. A la suite de quoi l'esclavage est aboli.

    C'est un thème passionnant (pur hasard, j'ai enchaîné cette lecture et celle de "La couleur des sentiments", un siècle plus tard, non plus l'esclavage mais la ségrégation) et traité, ma foi... Je ne saurais dire comment, je suis partagée. J'ai senti une certaine tendresse, dans le livre, entre les familles blanches, puissantes, et leurs serviteurs noirs. A certains moments, il est montré comment les nouvelles familles, celles des vainqueurs qui migrent du nord vers le sud pour occuper le terrain et qui sont en principe opposées à l'esclavage sont en réalité encore plus méprisantes envers les noirs que les sudistes.

    C'est historique? C'est romancé? Peu importe, d'une certaine façon. Ce qui provoque chez le lecteur une gêne légère (chez moi en tout cas), c'est la forme que prend au sein de la cellule familiale cette relation entre blancs et noirs.

    Il n'y a pas de sévices corporels, le serviteur est loyal, fidèle même dans la défaite, la Mama est une figure importante de la maison, son rôle de juge moralisateur, auprès de Scarlett est essentiel... Mais derrière tout cela, il y a dans certaines phrases, dans certains passages, des tournures qui donnent l'impression que cet attachement des blancs pour ceux qui vivent avec eux en les servant est de l'ordre de l'amour et des soins qu'on prodigue à un animal de compagnie... Pire encore que du paternalisme.

    Ce roman est un pur chaos, dans tout ce que ça peut avoir de grandiose. Tout s'écroule, rien ne tient, ça flambe sec et quelques caractères bien trempés, qui ne trouvaient pas leur place dans l'ancien monde, sont alors révélés dans la douleur. L'héroïne, Scarlett O'Hara, est de ceux-là.

    Délurée, insolente, préoccupée uniquement de ses toilettes et de ses prétendants qu'elle mène avec insouciance à la baguette, au début du roman sa futilité nous saute à la figure. Elle n'en est pas moins sympathique. Une gentille petite sotte qui nous fait sourire, tandis que sa cousine Mélanie est, elle, une femme véritable et accomplie.

    Puis, la guerre. Je m'abstiens de raconter les détails, sachez juste que jamais sur 1100 pages je n'ai eu le temps de m'ennuyer, les épisodes, aux tonalités très différentes s'enchaînent rapidement et j'ai tout aimé, tout! Quelle image que celle de la guerre, quand on ne nous décrit pas le front et les charges glorieuses, mais les fossés, les mutilés, les hôpitaux à l'arrière, le sang et la boue et les civils qui meurent de faim et sont ruinés ...

    Mais mais mais... en littérature, la chute d'un monde, c'est magnifique... Les vieilles familles, qui radotent à propos de leur glorieux passé, la jeunesse, toute une génération d'hommes, décimée. Ceux qui restent semblent hébétés, quelqu'uns se jettent à corps perdus dans la reconstruction. Non seulement leur fortune n'existe plus, mais de même tout ce qui faisait leur univers. Il n'est plus question de mariages d'égal à égal, toutes les familles sont ruinées et parfois, le premier homme valide qui passe fait l'affaire... c'est ça ou rester vieille fille!

    La richesse du roman, c'est de couvrir un maximum des facettes de ce bouleversement. Le statut de la femme, qui change, quand les dames de la haute sociéte se mettent à cuisiner des pâtés pour vivre.

    La fondation et l'essor du Ku Klux Klan semble, dans le roman,  une réaction "naturelle" à une menace... j'aimerais développer ce sujet, parce que là encore, l'auteure a drôlement présenté les choses... Des volontaires pour en parler?

    Le développement fulgurant de la ville d'Atlanta. etc.   Vraiment très instructif.

     

    J'en viens maintenant à ce qui a fait en grande partie la renommée d'Autant en emporte le vent: Le couple Rhett Butler/ Scarlett.

    Elle, elle est d'une complexité délicieuse. On la méprise pour son incapacité chronique à voir plus loin que le bout de son nez. Elle se méprend sur ceux qui l'entourent. Y compris sur Rhett.

    Lui, est odieux, mais seulement parce qu'il est franc, cynique. Je l'aime, cet homme! Chacune de ses apparitions est un délice! D'un bout à l'autre, sous son vernis de méchant, il laisse transparaître son grand coeur...

    Tandis que Scarlett se plante, se marie et se remarie à tour de bras, il est là, toujours là, dans l'ombre, présent quand il le faut... Impassible, indéchiffrable.

    La fin du roman est frustrante, mais elle répond à l'ensemble de l'oeuvre, elle ne dénature pas tout ce qui a été écrit avant. Je n'aime pas cette fin, mais je ne peux la critiquer.

    J'ai aimé, dans le personnage de Scarlett, qu'elle se dresse contre tous les autres, qu'elle affirme son indépendance envers les hommes, qu'elle cherche à vivre de son travail. Et aussi, bien sûr,  qu'elle se révolte contre l'obligation faite aux femmes de porter des enfants! Sa répulsion pour l'enfantement, son indifférence, souvent, à la maternité... même aujourd'hui, je trouve que c'est piquant et dérangeant!

    Elle n'est pourtant pas froide... elle a juste pris d'un coup, plus que les autres, l'effondrement du monde sur ses épaules. Même quand on a envie de la détester, le roman ne nous laisse pas oublier ce qui a fait d'elle ce qu'elle est. Avare, égoïste, sournoise, calculatrice, insensible, colérique, manipulatrice... mais aurait-elle survécu, sans cela, aux privations?

    Je crois être passée par toute la gamme possible de sentiments, envers elle. Et maintenant que ma lecture est terminée, je m'aperçois que ce qui reste, c'est une forme d'admiration triste, qui serre un peu le coeur. Un être bâtard qui ne trouvera jamais ni sa place, ni le bonheur, ni la paix. Un être de transition... je la vois comme ça.

    Rhett est sublime, il a été bien moins malmené, en fait, que Scarlett. C'est le "méchant" le moins méchant de la terre... On y croit presque pas, à ses mauvais côtés, tant ils sont adoucis et nuancés, dès le début. Scarlett n'a pas cette chance. Certains de ses défauts ne se laissent pas oublier. Abîmée par son expérience et par le contexte. Tellement réaliste, ça, non?

     

    Quelques citations, pour finir! Depuis quand ça n'est pas arrivé que je ne perde pas mes petits papiers avant d'écrire le billet??

    "A quoi me servirait d'être bonne, maintenant? Quelle valeur a la gentillesse? J'aurais mieux fait d'apprendre à labourer ou à cueillir le coton comme une négresse" (Scarlett)

    A propos d'Ashley, jeune aristocrate sudiste "Ses mains n'étaient pas faites pour le travail, son corps n'était pas fait pour porter autre chose que du drap ou du linge fin. Dieu l'avait créé pour la vie luxueuse d'une riche demeure, pour s'entretenir avec des gens agréables, pour jouer du piano [...] "

    "Le bon vieux temps n'existait plus mais ces gens continuaient de vivre comme s'il n'en était rien. Ils étaient charmants, ils prenaient leur temps, bien décidés à ne pas se bousculer come les Yankees, à ne pas courir comme eux après l'argent [...]  La vie qu'elle devait mener était trop brutale, trop hostile pour qu'elle essayât même d'en sourire. Scarlett ne comprenait rien à la douceur, au courage et à l'imdomptable fierté de ses amis."

    "Comme tous les hommes aussi, il était déçu de constater que sa femme était intelligente".

     

    Lien permanent Catégories : Urgences 11 commentaires