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Médecine générale - Page 8

  • Juge et partie

    couverture, harari, yuval, sapiensSapiens : Une brève histoire de l'humanité, Yuval Noah Harari

    "On n'a aucune raison de penser que les cultures qui ont le mieux réussi dans l'histoire soient nécessairement les meilleures pour Homo Sapiens."

    Ouvrage très intéressant qui retrace le parcours de l'humanité en mélangeant des notions d'histoire, de sociologie, d'économie, d'histoire des sciences et techniques, de philosophie (et j'en passe) en nous invitant à examiner d'où nous venons et à nous interroger sur la suite.

    C'est très bien posé dès le départ, nous sommes en tant qu'espèce un cas unique : du genre homo, il ne reste plus que nous, les sapiens. Toutes les autres espèces se sont éteintes. Nous sommes sans concurrence et sans point de comparaison. De quoi prendre la grosse tête. 

    Le livre fourmille de petits détails, de virages, c'est ça qui est magique et vertigineux il s'en est fallu d'un milliard de petits riens pour que nous ne soyons pas nous. Ainsi avec la domestication du feu, la digestion est facilitée, des intestins plus courts font l'affaire. Mais il n'est pas seulement question de l'évolution au sens biologique. Plus largement, ce livre est une histoire de la pensée.

    Pourquoi est-ce l'Europe et non l'Asie qui a essaimé ses colonies partout? L'Asie dominait à l'époque. En technique, en nombre. C'étaient les Etats-Unis d'alors. Puis il y eut 35 000 km de voies ferrées en Europe avant que l'Asie ne s'y mette. Ce n'était pas dans leur mentalité. 

    Et tant d'autres questions... Pourquoi cet engouement mondial pour le capitalisme ? Comment une petite plante de rien du tout comme le blé a-t-elle asservi l'homme au point de se servir de lui comme agent pour proliférer dans le monde entier ? 

    On apprend que ce n'est pas seulement le langage qui permet de constituer de grands groupes sociaux, mais la particularité du langage humain de décrire des choses imaginaires. On ne désigne ainsi plus seulement un troupeau, ou des noisettes. On peut évoluer vers des concepts sans existence matérielle - et qui ne tiennent d'ailleurs que grâce à un aveuglement mutuel et consenti - tels que l'argent, la nation, l'entreprise. 

    On y traite encore de la fondation des préjugés raciaux ou de genre. L'idée que le patriarcat s'est développé parce que physiquement, dès le départ, l'homme avait l'avantage de la force physique est balayée en deux lignes :  les exemples ne manquent pas d'hommes soumis à d'autres alors qu'ils sont plus forts individuellement ou collectivement. L'esclave qui travaillait rudement au champ vingt heures par jour avait plus de force que son maître bien gras. La main d'oeuvre est souvent plus forte que le patron. La chair à canon que son capitaine. Le pouvoir est assis davantage par une domination intellectuelle, morale ou sociale que par la force pure. 

    "Bref, la recherche scientifique ne saurait prospérer qu'en alliance avec une idéologie ou une religion. L'idéologie justifie les coûts de la recherche. En contrepartie, elle influe sur l'ordre du jour des chercheurs et détermine l'usage fait des découvertes."

    La partie presque finale sur l'articulation entre science et technique était tout aussi passionnante. Il n'y a que la fin qui m'a déçue mais c'était prévisible. L'avenir de l'humanité est un gigantesque point d'interrogation. L'auteur n'est ni optimiste ni pessimiste. Il aborde (trop) succinctement la quête de l'immortalité par la médecine, le transhumanisme, les enjeux écologiques etc. 

    En résumé, je conseille. C'est par manque de temps non par manque d'intérêt que j'ai traîné à le finir ! 

  • Teubés or not teubés

     

    girafe sophie, couverture, philo, forum le mondeTous philosophes, Collectif

    Et voilà, à force de lire des bluettes pour ado et des romans lesbiens j'ai perdu tout mon lectorat intellectuel ! Est-il encore temps de redresser la barre? J'ai eu envie de tenter le coup avec ce petit recueil qui retranscrit les interventions de divers·es philosophes lors du forum annuel organisé par le journal Le Monde et la ville du Mans.

    Cette année-là, le thème était donc "Tous philosophes ?".

    Moi qui ai complètement raté l'épreuve de philo au bac et qui cherche encore ce qu'on pouvait bien y attendre de moi... j'ai enfin pu lire tout un tas de dissert' et les comparer !

    Et je me suis sacrément amusée à essayer d'imaginer les différent·es locuteurs et locutrices. C'est très politique ces machins là - non seulement le domaine de la philo, mais le fait de venir se montrer et échanger dans un forum. D'ailleurs ma chouchoute, c'est celle qu'on sent un petit peu aigrie et dont le texte contient surtout des allusions perfides à des collègues et des règlements de compte. J'ai beaucoup ri. Ambiance profs d'université garantie !

    Qui sont nos autres candidats ?

    Les tenants de la tradition qui déroulent tranquillement des propos intéressants mais convenus.

    L'érudit qui cite davantage d’œuvres que les autres et délaisse Socrate pour des noms plus exotiques.

    Des femmes. On y veille soigneusement. D'ailleurs elles se saisissent de leurs jupons pour argumenter sur un "toutes philosophes ?" .

    Un abscons qui ne maîtrise pas son plan et qui m'a égarée en cours de route.

    Un malin qui s'est trouvé une niche avec la figure du philosophe chinois.
    Un autre malin qui s'est quasi glissé dans la niche du précédent.

    Un autre auquel j'aurais bien collé un "hors sujet" en haut de la copie.

    Au total une quinzaine d'intervenants qui, à eux tous, vous triturent le philosophe, l'examinent sous toutes les coutures. Dans l'espace, dans le temps, en jouant sur le mot, en sondant les masses et les élites. Certains sont scolaires dans leur exposé, d'autres moins.

    Je pense que j'aurais encore plus apprécié l'expérience si le sujet avait été autre que la philosophie elle-même. C'est comme quand les écrivains parlent d'écriture, je me lasse rapidement.

    Et pis d'abord j'en connais un en vrai, un philosophe. Il est cool et il cuisine des lentilles.

  • Cueillette sauvage

    roses meurent jamais, staalesen, polarOù les roses ne meurent jamais, Gunnar Staalesen

    Une des dernières lectures de 2019, un petit polar à l'ancienne, bien paisible, bien propre, sans massacre sanglant. On se croirait dans un roman noir d'il y a vingt ans. Même l'enquête a une odeur de vieux placard puisque le détective Vaarg Veum relance à la demande d'une mère les recherches sur la disparition, vingt ans plus tôt, de sa petite fille de 3 ans. Elle était là, dans le bac à sable devant la maison, et puis pouf. 

    La piste n'est pas très fraîche mais le détective non plus, alors je suppose qu'ils se sont bien trouvés. Le gars est alcoolique (est-il encore besoin de le préciser?). Il va mener entre deux bouteilles des enquêtes de voisinage car les voisins valent le coup d'oeil, dans cette communauté d'habitants qui a peut-être des choses à cacher. Il se contente de parler, comme Columbo, à l'un, à l'autre, ce que le 2e a dit, il l'utilise pour retourner faire causer le premier et ainsi de suite, jusqu'au dénouement.

    Ce qui le distingue de Columbo, hormis qu'il n'a pas de femme, c'est que Columbo au cours de ses enquêtes ne prend jamais quelques coups dans la gueule. Veum est un peu moins gentleman.

    Si le côté vieillot est un simple constat qui n'influence pas trop mon impression globale, en revanche j'ai senti comme une aigreur, une posture réactionnaire qui m'a un peu désappointée. Mais je peux me tromper, c'était léger. 

    L'écriture était neutre. Je n'ai pas été déçue par la fin, ce qui est le point crucial des thrillers. On va dire que ça s'est bien passé.

     

  • Comment démêler le gay du faux

    lgbt,gay de fiction,naoto asaharaJe ne suis pas un gay de fiction, Naoto Asahara

    Sentiments mitigés au terme de cette lecture qui met en scène un ado japonais homosexuel qui devient ami avec une fille amatrice de Boy's love (romances entre mecs homos, très à la mode chez les Japonaises et qui ont un petit public aussi en France).

    L'écriture, c'était un peu la soupe à la grimace mais je pense que la traduction n'y est pas pour rien. Le gamin a 17 ans et le texte, par endroits, sonne facilement dix de moins. Tout un tas d'autres détails m'ont gênée mais comme je ne connais rien de la culture japonaise et de l'état des droits des homosexuels il n'a pas été toujours facile de faire la part des choses. On part peut-être de loin... et vu d'ici, c'est alors très très maladroit, pour ne pas dire pire.

    SPOILER (partout en dessous)

    Par exemple, dans le roman, les garçons sortent souvent avec des hommes d'âge mur - ce n'est pas en soi un problème, l'écart d'âge, sauf que les garçons sont souvent très jeunes et certains, de ce que j'ai compris, mineurs.

    Le propos global du récit se veut réaliste et positif à la fois. Je pense que ça parle vraiment au public ciblé.

    Le narrateur cache sa véritable nature par peur des autres, y compris de ses amis. Il s'interroge énormément sur la vie qui l'attend et comme l'option de vivre avec un homme ne semble même pas envisageable, sur la façon d'être en couple avec une femme en étant homo. Il sort avec une fille mais n'a pas envie d'elle sexuellement - les propos autour de ce qui dresse le pénis / ce qui ne le dresse pas et de la bisexualité sont assez différents de ce qu'on entend dans le milieu LGBT ici - et souffre de cet échec. Il pensait qu'il pourrait au moins donner l'illusion et se construire ainsi un foyer "façade" et avoir des enfants.

    Ce qui est le cas de son amant d'âge mûr.

    Sauf que... en voulant sans doute exposer la tristesse de cette impasse, le malheur d'un mariage fondé sur un si profond mensonge et l'impossibilité de se forcer à une autre sexualité même en déployant pour cela de réels efforts - ce qui sonne dans le récit comme la seule excuse acceptable et l'argument imparable pour faire accepter à la société l'homosexualité de certains de ses membres, alors que vu d'ici, j'aurais sans doute un argument encore plus imparable à savoir : "occupe de toi de ta culotte, ducon.ne, je fais bien ce que je veux" - et, toujours hypothétiquement, en voulant montrer qu'on fait plus de mal que de bien en forçant des gens à aller contre leur orientation sexuelle, était-il judicieux que le mec marié ait eu du désir incestueux pour son propre fils et qu'à ce moment-là il se soit dit qu'il ferait mieux de faire une entorse à son mariage et de se trouver un jeune garçon (de l'âge de son fils) pour assouvir ses désirs ??

    C'était vraiment le pire passage du roman. Et en soit, ça suffit pour que je m'abstienne de le conseiller à un jeune en plein questionnement, même si le choix est pauvre. Et je passe sur l'inévitable spectre du sida. Je suis partagée... bien sûr il faut en parler... mais associer systématiquement homos et sida...

    Je dis ça mais au même âge, j'écumais la bibliothèque municipale de la petite ville, mon butin était maigre, je lisais des essais ou bien les chroniques de San Francisco. Non seulement le sida était partout, mais les mecs étaient chargés au poppers. De la littérature jeunesse aurait été bienvenue.

    C'est dommage parce que tout autour de ça, il y a des tas de messages positifs et encourageants... Sur l'amitié, thème bien traité dans le roman, sur la rareté au fond de la véritable haine, tandis que l'ignorance fait des ravages, ce que j'interprète comme positif : ça se guérit.

    Et puis il y a la musique, Queen - pour des raisons perso liées à des évènements de l'été.

    Et des persos secondaires attachants même si plutôt étranges pour des lecteurs européens. La nana qui est vraiment mais alors vraiment fan des Boy's Love et qui n'arrête pas de dire "J'aime les homos!" et le mec lourdingue qui dit bonjour à ses potes chaque jour en leur palpant longuement l'entrejambe... c'était ... euh...  l'ambiance manga potache ?

    En conclusion, quelques loupés majeurs, donc, qui gâchent une impression pourtant positive. Et çe me fait bien suer de ne pas être plus satisfaite et de l'écarter parce que j'ai lu ça à peu près au moment de la marche contre les violences faites aux femmes sur le passage de laquelle les militants de la Ma.if p..r tous se sont mis à rédiger à la hâte des slogans anti pma pour les coller sur les vitres de leur QG.

    Le repli communautaire est une tentation forte par moments. On en défendrait n'importe quoi, du moment que c'est LGBT et rédigé dans une bonne intention.

    Je remercie Babelio de m'avoir envoyé ce titre dans le cadre de l'opération Masse Critique.

  • Bach to the future

    prodige, huston, babel, couvertureProdige, Nancy Huston

    Qui c'est qui a préféré faire un tour sur d'autres chroniques de blogs, cette fois, avant d'écrire la sienne ?

    Je ne suis toujours pas convaincue, on dirait bien que personne n'a compris la même chose que moi, sauf ma femme, mais comme on l'a lu ensemble il y a sans doute de l'influence mutuelle et ça ne nous garantit pas d'avoir raison.

    Pour moi le texte est volontairement ambigu et l'ensemble du récit est un mirage, à savoir l'nvention d'un mère au chevet de son bébé nouveau-né, une petite fille, Maya, dans sa couveuse entre la vie et la mort. Et pour lui tenir compagnie, elle parle, elle lui fait le récit de sa vie future. Mais de la façon dont c'est fait le doute subsiste.

    Quoi qu'il en soit, l'architecture, c'est une succession de passages qui donnent la parole aux proches de Maya, parents, grand-mère, voisins.

    Et le reste, c'est la musique - 2 sur 3 pour le prochain book club. Il ne me reste plus que Nana Mouskouri ! - beaucoup de musique et de joies ou de souffrances liées à cette musique puisque la mère est pianiste et que la fille est un prodige qui joue comme elle respire, au point que sa mère a l'impression d'en être évincée.

    C'était une lecture différente, pas désagréable, un peu à l'extérieur de ma zone de confort, comme chaque fois qu'on aborde vraiment des sujets qui nécessitent de la culture, comme ici avec la musique classique.