Je ne suis pas un gay de fiction, Naoto Asahara
Sentiments mitigés au terme de cette lecture qui met en scène un ado japonais homosexuel qui devient ami avec une fille amatrice de Boy's love (romances entre mecs homos, très à la mode chez les Japonaises et qui ont un petit public aussi en France).
L'écriture, c'était un peu la soupe à la grimace mais je pense que la traduction n'y est pas pour rien. Le gamin a 17 ans et le texte, par endroits, sonne facilement dix de moins. Tout un tas d'autres détails m'ont gênée mais comme je ne connais rien de la culture japonaise et de l'état des droits des homosexuels il n'a pas été toujours facile de faire la part des choses. On part peut-être de loin... et vu d'ici, c'est alors très très maladroit, pour ne pas dire pire.
SPOILER (partout en dessous)
Par exemple, dans le roman, les garçons sortent souvent avec des hommes d'âge mur - ce n'est pas en soi un problème, l'écart d'âge, sauf que les garçons sont souvent très jeunes et certains, de ce que j'ai compris, mineurs.
Le propos global du récit se veut réaliste et positif à la fois. Je pense que ça parle vraiment au public ciblé.
Le narrateur cache sa véritable nature par peur des autres, y compris de ses amis. Il s'interroge énormément sur la vie qui l'attend et comme l'option de vivre avec un homme ne semble même pas envisageable, sur la façon d'être en couple avec une femme en étant homo. Il sort avec une fille mais n'a pas envie d'elle sexuellement - les propos autour de ce qui dresse le pénis / ce qui ne le dresse pas et de la bisexualité sont assez différents de ce qu'on entend dans le milieu LGBT ici - et souffre de cet échec. Il pensait qu'il pourrait au moins donner l'illusion et se construire ainsi un foyer "façade" et avoir des enfants.
Ce qui est le cas de son amant d'âge mûr.
Sauf que... en voulant sans doute exposer la tristesse de cette impasse, le malheur d'un mariage fondé sur un si profond mensonge et l'impossibilité de se forcer à une autre sexualité même en déployant pour cela de réels efforts - ce qui sonne dans le récit comme la seule excuse acceptable et l'argument imparable pour faire accepter à la société l'homosexualité de certains de ses membres, alors que vu d'ici, j'aurais sans doute un argument encore plus imparable à savoir : "occupe de toi de ta culotte, ducon.ne, je fais bien ce que je veux" - et, toujours hypothétiquement, en voulant montrer qu'on fait plus de mal que de bien en forçant des gens à aller contre leur orientation sexuelle, était-il judicieux que le mec marié ait eu du désir incestueux pour son propre fils et qu'à ce moment-là il se soit dit qu'il ferait mieux de faire une entorse à son mariage et de se trouver un jeune garçon (de l'âge de son fils) pour assouvir ses désirs ??
C'était vraiment le pire passage du roman. Et en soit, ça suffit pour que je m'abstienne de le conseiller à un jeune en plein questionnement, même si le choix est pauvre. Et je passe sur l'inévitable spectre du sida. Je suis partagée... bien sûr il faut en parler... mais associer systématiquement homos et sida...
Je dis ça mais au même âge, j'écumais la bibliothèque municipale de la petite ville, mon butin était maigre, je lisais des essais ou bien les chroniques de San Francisco. Non seulement le sida était partout, mais les mecs étaient chargés au poppers. De la littérature jeunesse aurait été bienvenue.
C'est dommage parce que tout autour de ça, il y a des tas de messages positifs et encourageants... Sur l'amitié, thème bien traité dans le roman, sur la rareté au fond de la véritable haine, tandis que l'ignorance fait des ravages, ce que j'interprète comme positif : ça se guérit.
Et puis il y a la musique, Queen - pour des raisons perso liées à des évènements de l'été.
Et des persos secondaires attachants même si plutôt étranges pour des lecteurs européens. La nana qui est vraiment mais alors vraiment fan des Boy's Love et qui n'arrête pas de dire "J'aime les homos!" et le mec lourdingue qui dit bonjour à ses potes chaque jour en leur palpant longuement l'entrejambe... c'était ... euh... l'ambiance manga potache ?
En conclusion, quelques loupés majeurs, donc, qui gâchent une impression pourtant positive. Et çe me fait bien suer de ne pas être plus satisfaite et de l'écarter parce que j'ai lu ça à peu près au moment de la marche contre les violences faites aux femmes sur le passage de laquelle les militants de la Ma.if p..r tous se sont mis à rédiger à la hâte des slogans anti pma pour les coller sur les vitres de leur QG.
Le repli communautaire est une tentation forte par moments. On en défendrait n'importe quoi, du moment que c'est LGBT et rédigé dans une bonne intention.
Je remercie Babelio de m'avoir envoyé ce titre dans le cadre de l'opération Masse Critique.