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Médecine générale - Page 15

  • Marri me

    nouveau-nom-ferrante.jpgLe nouveau nom, Elena Ferrante

    "Moi je ne pouvais que rester près d'eux et profiter de leur rayonnement"

    Je les avais laissées au sommet de l'adolescence, je les ai retrouvées lancées à pleine vitesse dans la descente. Il ne m'a fallu que trois jours pour dévorer la suite de l'Amie prodigieuse et j'y ai pris le même plaisir, à la fois avide et agacée. Car rien ne change, Lenu continue son parcours scolaire brillant, même si les difficultés s'accentuent. Lila s'engage dans le mariage comme dans toute chose, avec cette obstination hostile qui semble dire "vous allez voir si je ne vais pas trouver quelque chose pour vous pourrir la vie".

    C'est un couple très intense. Presque d'autant plus que, finalement, elles se croisent peu dans ce volume. Échangent peu. Ne se comprennent pas ou n'apprécient pas les choix de l'autre. Et malgré tout, l'une et l'autre sont étroitement liées et l'auteure arrive à nous le faire sentir. C'est fascinant.

    Pour le reste, dans le prolongement du premier volume, la réflexion sur l'imperméabilité des milieux sociaux se poursuit, ainsi que la peinture assez sombre des relations de couple, marquées par le machisme et la violence.

    "Elles avaient été dévorées par les corps de leurs maris, de leurs pères et de leurs frères, auxquels elles finissaient toujours par ressembler."

     

  • Soeur Patience

    frangine marion brunetFrangine, Marion Brunet

    Il n'y aura pas cette année d'enquête estivale au bord des piscines. En éclaireuses, début mai, nous avons eu tout le bassin rien que pour nous mais point de lecteur ni de lectrice à l'horizon. 

    A défaut, le mieux que je puisse vous offrir est une enquête sociologique : nous avons noté de nets progrès dans la prise en compte par les messieurs de la pénibilité des tâches assignées aux femmes. Ainsi, juste en face de notre emplacement, un mari qui avait déjà fait sa part en assurant la surveillance de leur petit-fils d'une dizaine d'années pendant que madame se chargeait de faire les courses a eu cette remarque, à son retour, pleine d'attention : "on va s'éloigner un peu pour la pétanque, pour pas te gêner pendant que tu fais le ménage".

    Voilà. Vous avez eu les (la seule) anecdotes et, la semaine dernière, l'article sur mon coup de cœur. Si ça se trouve, vous gagneriez à zapper les six prochains billets vacances et à revenir dans un mois. Mais ce ne serait pas bon pour mon égo. Alors pour vous garder une minute et douze secondes de plus, si vous voulez, on peut parler lecture. Encore...

    Lisez lentement, quand même, je n'ai trop rien à dire.

    Frangine. Avec un titre et une couverture pareille vous vous doutez que je l'ai pris dans la pile de ma moitié. Il parlait de famille homoparentale et juste après un coup de cœur, pour ne pas griller une cartouche, il ne faut pas se précipiter sur un roman dont on attend trop. J'ai eu du pif.

    Le frangin, qui est lui-même passé plutôt bien entre les gouttes, raconte l'arrivée au lycée de sa petite sœur et l'enfer qu'elle vit - ce dont il n'a pas conscience - quand ses camarades apprennent qu'elle a deux mères.

    Montrer que les problèmes de couple et les interrogations sur la bonne façon d'élever des enfants sont identiques quel que soit le modèle familial, c'était bien. Je vous laisse lire ce qu'en dit Solessor, sinon je vais pomper tout mon article sur le sien. Profitez-en pour lire aussi son dernier article, j'ai enfin réussi à lui faire découvrir Winterson !

    J'ajoute simplement qu'une fois écartée cette problématique de l'homoparentalité, traitée avec beaucoup de réalisme, le roman contenait un autre message un peu inhabituel, à propos du statut de la victime et de sa capacité à toucher le fond toute seule dans son coin, même si l'entourage est aveugle et à trouver des ressources en elle-même pour rebondir. Je ne sais pas trop ce qu'il faut penser de la méthode. Parfois oui. Parfois ça finit mal, non ?

    Enfin ce n'est pas présenté du tout comme une méthode, bien sûr !! C'est une impression personnelle et diffuse. En tout cas j'ai senti qu'à un moment, les lesbiennes de mères n'étaient plus qu'un thème secondaire et que le coeur du sujet n'était peut-être pas où j'avais pensé le trouver au départ.

  • Croquer et être croqué

    d%2527un%2Btrait%2Bde%2Bfusain.jpgD'un trait de fusain, Cathy Ytak

    Difficile en lisant ce roman de ne pas penser au film 120 battements par minute vu l'année dernière et à l'incroyable silence qui a suivi la projection. A peine quelques murmures quand les spectateurs ont commencé à sortir. Je m'étais sentie honteuse d'être si inculte.

    Avec le film comme avec ce roman jeunesse, j'ai replongé dans une époque. En partie parce que ces oeuvres ont soigné le contexte et ont su retracer les premiers combats des malades ou encore la naissance d'Act Up. Tout récit historique réussi donne cette impression de visiter un coin du passé.

    Mais il y a autre chose. Je suis née dans ces fameuses années sida. J'ai souvenir de ma mère, m'incitant à regarder des téléfilms sur ce thème. Sur le cancer, aussi, tiens, quand j'y pense. Ce sont des souvenirs très partiels, mais j'ai l'impression qu'elle m'a inculqué quelque chose du genre "ne pas avoir peur des séropositifs". C'était sûrement un thème qui lui tenait à coeur.

    J'ai l'impression d'avoir été bien informée au collège et au lycée mais c'est logique, on était déjà loin du début de l'épidémie. Plus tard, j'ai lu les pages infos sida de Têtu. C'était il y a presque vingt ans...

    C'est comme si le thème avait fait partie de mon quotidien, il y a très longtemps. Qu'il y avait toujours à la télé un mec séropo et quand ses collègues l'apprenaient ils ne voulaient plus partager les mêmes toilettes... Puis c'est devenu un savoir scolaire. Puis j'ai été amoureuse, souvent négligente. Me suis-je jamais sentie réellement concernée ?

    Dans 120 battements qui s'adresse à un public d'adulte, la tonalité politique m'a beaucoup plu. L'engagement, l'hommage rendu aux militants. Certaines scènes se font écho du film au livre.

    Dans un trait de fusain, le récit est un peu moins politisé, mais tout aussi émouvant. Ce sont presque des enfants qui sont touchés, ils sont étudiants en art, touchent les corps nus des yeux et du crayon avant de pouvoir y joindre les mains. Ils et elles sont hétéro ou homosexuel·le·s. Confrontés à une maladie dont on ne sait pas grand chose et dont on parle encore moins, ils vont réagir chacun à leur façon, avec plus ou moins d'empathie, de militantisme, de courage et de peur.

    Et ils vont mourir et voir mourir.

    A placer sans hésiter dans les mains de la nouvelle génération.

    Lire aussi : l'avis de Solessor

  • Héroïne de grand chemin

    ames-croisees-bottero.jpgLes âmes croisées, Pierre Bottero

    Guidée par Solessor, je poursuis mon initiation à la littérature jeunesse contemporaine, avec un auteur dont j'avais beaucoup entendu parler et rien lu. Je savais quand même qu'il était décédé. Mais j'ignorais, en m'engageant verbalement - ce qui vaut pour moi un contrat devant notaire - à lire Les âmes croisées que c'était comme par hasard cette série-là qui était restée en rade et n'aurait jamais de fin! C'est moche, ça, Sol', c'est très moche. Mais moindre mal, j'ai été prévenue à temps et je me suis préparée.

    La société imaginée par Bottero est divisée en deux, un peu à la manière féodale, avec d'un côté les Perles privilégiés, d'un autre les Cendres, qui obéissent et travaillent. Nawel, jeune fille née dans la frange noble, est sur le point d'émettre son vœu pour intégrer l'une des castes réservées aux perles. Mais un drame va remettre en question toute l'éducation reçue jusqu'ici et lui faire reconsidérer l'organisation sociale de sa cité et la place qu'elle souhaite y tenir.

    Le récit mêle la magie à la science-fiction, un mystère entoure des d'objets liés à une civilisation disparue mais très en avance technologiquement. 

    Rupture familiale et émancipation, amitié, intégration à un nouveau groupe, soif d'aventure, courage, persévérance... ce roman initiatique, classique mais efficace, traite agréablement des thèmes liés à l'adolescence et au passage à l'âge adulte. Ma préférence personnelle va au traitement de la figure du monstre / du barbare.

    Petite pensée pour l'héroïne, coincée à tout jamais dans les couloirs de l'imagination.

  • Clebtomanie

    j'aurai fait rire au moins une femme avec mon titre, chien en pleine forme, considerations sur la famille, bon de savoir qu'il y a pire, mon chien stupide, john fanteMon chien Stupide, John Fante

    Si vous trainiez déjà par ici en 2012, peut-être avez-vous souvenir de Condie Raïs, une auteure de nouvelles auto-éditée qui m'avait accordé une mini interview et dont l'identité était très mystérieuse. Parmi les sujets de prédilection de Condie Raïs, il y avait le Sauvignon et John Fante. C'est donc un grand plaisir pour moi, aujourd'hui, d'avoir enfin découvert cet auteur tant vanté. C'était... assez particulier.

    "Où étaient passés la dévotion et l'obéissance typiquement italiennes envers le père,
    l'amour clanique du foyer et de la famille ?"

    Celui qui s'interroge ainsi, c'est Henry J. Molise. Je serais tentée de dire "le héros du roman", mais d'une part, cet auteur de série B en manque d'inspiration et au caractère assez déplaisant n'a pas grand chose d'héroïque. Et d'autre part, si on part du postulat que le personnage principal du roman est celui qu'on y croise la majeure partie du temps, alors, ici, le héros est un pénis de chien en érection.

    Ça donne quand même une petite idée du ton du récit. Si vous aimez les choses bien proprettes, les parents aimants, les couples épanouis, ou même simplement les histoires qui vont quelque part, je vous conseille de passer votre chemin. Il y a bien un point de départ, c'est l'arrivée, par une nuit de pluie torrentielle de ce chien monstrueux, qu'on retrouve couché dans le jardin et qu'on commence par confondre avec un ours.

    Si on arrive à faire abstraction des nombreuses tentatives de l'animal pour se reproduire avec un spécimen mâle de notre espèce, tout le reste n'a plus rien à voir avec le chien, finalement. C'est une sorte de saga familiale grinçante, avec en figure de proue ce père, fils d'immigrés italiens, qui hésite entre aimer ses rejetons et laisser tomber tout le monde pour s'en aller goûter seul la bella vita à Rome. Les branches ou les racines, quoi.

    Faut dire qu'ils sont tombés un peu tôt de l'arbre, les gosses, tous déjà jeunes adultes ... Ils n'écoutent rien, prennent la maison pour un hôtel, font culpabiliser leur mère d'avoir eu, à leur place, une mauvaise note en dissertation. Ils font tout pour qu'on soit heureux de les voir partir. Mais rien n'est si simple, et c'est ce qui est beau, dans ce récit atypique, qui gratte aux entournures.

    "Elle était pourtant adorable, mon Harriet : vingt-cinq ans qu'elle tenait le coup à mes côtés ; elle m'avait donné trois fils et une fille, dont j'aurais joyeusement échangé n'importe lequel, voire les quatre, contre une Porsche neuve, ou même une MG GT '70."

    Pour varier les points de vue, l'avis de Solessor, qui a détesté !