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Bonne dégustation!

C2H4O2_condie_rais.jpgC2H4O2, Condie Raïs

Avis chrono'

Sous ce titre original - qui a attiré l'attention de la scientifique que je suis - se cache un sympathique recueil de nouvelles. Difficile façe à un ensemble aussi hétérogène de trouver un qualificatif qui s'applique à toutes. Disons que l'humour qui se dégage de ces récits est le point commun qui en fait le charme.

BONUS: Ci-après, une mini interview de l'auteure!


J'ai eu la chance de découvrir ce petit recueil, en format numérique, grâce à Livraddict et à l'auteure elle-même qui me l'a gentiment envoyé. Occasion de ressortir ma liseuse, qui prenait la poussière.

J'ai beaucoup apprécié les premiers textes, leur humour incisif, les clins d'oeil - ou les coups de griffes -  en direction de  quelques auteurs contemporains à succès. Musso et Lévy en prennent adroitement pour leur grade!

J'ai aimé aussi la mise en abyme de l'auteure à l'intérieur de ses récits, à travers le personnage de Condie Raïs, une voisine de palier, type même de la vieille-fille-aux-chats, portée sur la bouteille. Cette bravade ne peut que nous attirer un sourire de connivence.

C'est donc une solide personnalité d'auteur que l'on ressent à travers cette lecture et si je n'ai qu'une chose à regretter c'est que cette cohérence de l'écriture et du ton ne trouve pas un écho dans la construction même du recueil. Les premières nouvelles semblent liées, mais les suivantes détonnent. C'est tellement plus agréable quand on sent que le recueil n'est pas un regroupement aléatoire d'oeuvres mais une oeuvre à part entière!

Un roman entier fait de cette écriture et de ce ton là, ce serait tout ce que j'aime!

A présent, quelques mots sur mes nouvelles préférées:

Le recueil s'ouvre sur Maneater qui met en scène une cyber-croqueuse d'homme d'un genre particulier puisque porteuse d'une sorte de malédiction. Toutes les nouvelles, d'ailleurs, mettent en scène des femmes dotées d'une sacrée trempe. Un peu dangereuses, même. Aucune n'est insignifiante.

Pars vite mais ne revient pas trop tard: La plus amusante de toutes les nouvelles puisque se succèdent sous la plume d'un écrivain en panne d'inspiration toutes sortes de récits plus parodiques les uns que les autres. Ou comment construire du Harlequin, du Lévy ou du Musso... Avec l'aide de la voisine.

Harcèlement: Le fléau du harcèlement au travail, un peu retravaillé, non plus à coup de mains aux fesses mais à coup de littérature.

Prospérine la louve est une nouvelle que j'ai trouvée un peu à part dans le recueil en raison de son contexte historique. En revanche, on y retrouve un même personnage féminin fort, animé d'un esprit de revanche implacable.

Même sentiment d'étrangeté dans le recueil avec Décadences, histoire d'un gigolo qui participe aux partouzes du mec qui l'embauche pour tenir compagnie à sa femme.

En revanche, je me suis de nouveau bien amusée avec Métaphysique des mails. Ces courriers électroniques que s'envoient deux universitaires, en emballant leurs vacheries dans une couche d'hypocrite politesse, avant d'en venir carrément aux insultes... Je ne suis pas du milieu, mais ça sent le vécu!

Enfin, j'ai moins apprécié Eloge de John Wayne car les westerns ne me parlent pas (mais j'ai déjà trouvé une fan qui veut lire la nouvelle) et La petite fille qui n'aimait pas Noël parce que j'avais deviné trop tôt la chute.

Je crois que je n'ai rien oublié! Encore merci à Condie Raïs et à Livraddict!
Ce livre est auto-édité et vous pouvez vous le procurer ICI.

 

BONUS - Interview de Condie Raïs

C'est bientôt noël et pour l'occasion, j'ai surmonté ma grande timidité et demandé à l'auteure de bien vouloir répondre à quelques questions. Le plus dingue, c'est qu'elle a accepté...!

Sound -  Si j'ai bien compris, Condie Raïs est un nom d'emprunt et vous avez publié d'autres ouvrages sous votre véritable nom. Avons-nous le droit d'en savoir plus? C'est une identité très secrète? Un peu secrète? Faussement secrète et je suis la seule gourde à ne pas savoir? 
 
Condie Raïs C’est en effet un pseudo et je coche la case « Très secrète » ! Et vous n’êtes pas une gourde, parce que je m’en serais rendue compte en vous lisant et que je ne vous aurais certainement pas envoyé mon travail en vous demandant de le critiquer – d’ailleurs, je ne sais toujours pas en répondant à vos questions quelle est la teneur de votre chronique… Si ça se trouve, c’est moi la gourde, qui me fais descendre en flèche et répond gentiment à ces questions !
Ce que l’on peut savoir ? Je travaille depuis vingt ans dans l’édition, pour une maison très sérieuse. J’écris des livres sur l’histoire et sur la géopolitique. C’est pour cette raison que je ne lève pas le voile sur Condie Raïs : on ne mélange pas les genres. N’allez pas croire que je me prends pour quelqu’un d’important, hein, et que je m’amuse à entretenir un suspense quelconque. Je ne me prends même pas pour un écrivain, vous voyez… J’en suis fort loin.
 
S. - Mais Condie Raïs apparaît aussi dans vos nouvelles : elle vit seule avec ses chats, du vin et de la musique. Pourquoi ce personnage? Et pourquoi a-t-elle à la fois tant et si peu de place?
 
C.R. - C’est l’image que j’ai d’elle et c’est une partie de moi. En fait, soyez honnête, votre question, c’est bien : « Êtes-vous une vieille dame acariâtre qui vit avec ses siamois et qui picole comme un trou ? », c’est ça ? Oui. Et non. Disons que pour les siamois et pour Chopin, on n’est pas très loin de la vérité… Ce personnage revient parce que je l’apprécie, mais ce n’est pas moi, ni même la Condie Raïs qui écrit, tout en l’étant un peu quand même. J’aime bien les perspectives en abyme. Et j’aime bien ce que disait Flaubert : « Madame Bovary, c’est moi ». Tous ceux qui écrivent comprendront ça – sans pour autant être Flaubert, faudrait pas pousser mémé dans les orties… Maintenant, je ne veux pas faire du personnage un gimmick qui reviendrait systématiquement dans mes histoires… Je la tiens à distance… Mais elle est teigneuse, vous savez, elle s’invite parfois…
 
S. - L'une de vos nouvelles a-t-elle votre préférence?
 
C.R. - « Éloge de John Wayne », peut-être. C’est celle dont les critiques parlent le moins. Et c’est celle qui me définit le plus… Voyez, je ne suis pas encore auteur que je suis déjà une pauvre incomprise… Ô moi, ô ma douleur… Comme ce monde est méchant et pourquoi ne comprennent-ils pas tous l’immense étendue de mon talent ?!
 
S. - Je n'ai été déçue que par une seule chose, c'est d'avoir ressenti C2H4O2 davantage comme une compilation de récits, sans fil conducteur, que comme un tout cohérent. Pouvez-vous nous expliquer sa genèse en tant que recueil?
    
C.R. - Alors là, je comprends très bien votre critique. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas envoyé ma prose aux éditeurs, entre nous. Déjà des nouvelles, c’est dur à avaler, mais sans fil conducteur, pffff… Pour moi, la cohérence, c’est le style et le ton… L’humour aussi, si j’ai réussi… J’aurais pu faire revenir Condie Raïs dans chacune, ou faire en sorte que les intrigues se déroulent toutes dans le Gâtinais, pour donner un semblant de cohérence, comme les concours de nouvelles dont le cahier des charges impose un lieu, un personnage récurrent ou je ne sais quoi. Moi je m’en fous. De toutes façons, une nouvelle, ce n’est pas fait pour s’installer dedans confortablement. Ce n’est pas le Trône de fer. Ça doit être vif, cinglant, dérangeant et varié. En revanche, je fais très attention à l’ordre des nouvelles. J’ai construit le recueil comme un album de rock, voyez-vous… Une chanson teigneuse au début pour réveiller, ensuite deux ou trois singles potentiels, plus légers… Après, des choses un peu plus expérimentales ou plus sombres, plus tordues disons-le… Et quelque chose de léger et punchy pour boucler la boucle.
 
S. - Parce que c'est une question qui me tracasse ces derniers mois, que vos héroïnes sont majoritairement des femmes et que certaines (si je peux me permettre) déraillent un peu... Pensez-vous que le sexe de l'auteur influence son écriture? Et si oui, en quoi?
 
C.R. - Permettez-vous, permettez-vous, jeune fille… La plupart sont carrément timbrées, vous pouvez le dire ! Je n’ai pas de réponse sur l’influence du sexe de l’auteur, franchement je ne sais pas. Tenez, je suis particulièrement heureuse que « Oh… », de Philippe Djian, fasse un carton. Son narrateur est une femme et c’est parfaitement crédible, son roman est très réussi. Mais bon, c’est Djian aussi… C’est un grand… Disons que je revendique le fait que l’on puisse se mettre dans la tête d’une femme ou d’un homme selon les circonstances… Mais je ne voudrais surtout pas contrarier tous ceux qui ont fait une thèse de troisième cycle sur « féminité et style dans la littérature romantique du XIXe siècle »… En fait, je ne sais pas, c’est tout.
 
S. - Dans Pars vite mais ne revient pas trop tard, vous vous livrez à une amusante série de parodies littéraires (si le mot littérature convient...) et dans Harcèlement, ce sont encore des livres qui s'opposent les uns aux autres. Delerm, Fifty Shades... ça vous inspire... Qu'avez-vous lu? Qu'aimez-vous lire?
 
C.R. - Oula ! Ce que j’ai lu tapisse tous les murs de mon appartement ! Alors oui, il y a Fante, Bukowsky, Brautigan, Djian, Houellebecq, Brett Easton Ellis, et tant d’autres, parmi ceux que j’aime… Pour la liste de ceux qui me cassent les pieds, je n’ai pas la place de vous répondre ici. Ça commencerait à la lettre « A », comme « Angot » et il y en aurait déjà une bonne dizaine avant le « b », comme « Beidbeger »…
 
S. - Pourquoi avoir choisi ce genre : la nouvelle? Et au défi de citer un(e) autre auteur(e) de nouvelles français(e) contemporain(e), vous répondez...?
 
C.R. - Parce que je n’ai pas le temps d’écrire un roman. Une nouvelle, c’est un avion en papier, c’est léger à faire décoller… Un roman, c’est un airbus A 380 bourré de métaux lourds qu’on doit arracher du sol par une nuit de grande tempête… Et puis j’aime bien les nouvelles, votre collègue Mélusine de « Ma bouquinerie » a parfaitement défini pourquoi dans sa chronique de mon bouquin…
Quant à citer un auteur français… Non, désolée, je ne vois pas. Mais je suis loin d’avoir tout lu… Tout ce qui me vient, c’est les Histoires grotesques et sérieuses de Poe…
 
S. - Et pour finir... Chardonnay ou Sauvignon?
 
C.R. - Sauvignon évidemment. Non mais pour qui vous me prenez, jeune fille ?!
Lien permanent Catégories : Urgences 4 commentaires

Commentaires

  • Sourire. C'est ce que ta chronique et l'ITW de l'auteure, Condie Rais ont amené sur mon visage.
    Tu as bien eu raison de vaincre ta "fausse" timidité pour aller à la rencontre "virtuelle" de l'auteure, j'aime beaucoup cette partie de jeu Q/R et l'auteure semble s'être bien amusée en te répondant... "jeune fille" :) Un bel échange!
    Maintenant il me reste à découvrir ces fameuses nouvelles (John Wayne, mon acteur chéri quand j'étais petite. Hein la fan c'est moi? Oh oui, ok! :p).

  • Ressortir ta liseuse ? Tu l'avais donc abandonné ? Je suis curieuse de savoir pourquoi...

  • ça a l'air amusant comme recueil ! Je suis intriguée :)
    Et très bel échange avec l'auteur, qui répond avec humour à des questions pertinentes et très bien posées ! ;)

  • @ C'era: "Jeune fille", hé oui, faut que je profite ça ne risque plus de m'arriver souvent. Voilà toute la magie d'internet, me faire paraître plus jeune que je ne suis. A moins que je ne tienne trop de propos puérils...!

    @ Alex: J'ai abandonné ma liseuse car il est difficile de changer de support quand on a bêtement passé les décennies précédentes à lire sur du papier. J'aime pouvoir feuilleter, regarder facilement combien de pages me restent avant la fin du chapitre, mettre des marque-pages... Ce que je ne peux faire avec l'appareil. Et puis, tout simplement, je n'avais pas grand chose dessus. A prix équivalent, je préfère toujours un livre bien solide. Après une période faste il y a quelques mois, j'ai donc remisé la liseuse sur ma table de nuit et la réception de ce livre numérique a été l'occasion de m'en servir à nouveau. Ce que je ne manquerais pas de reconduire dès que l'occasion se présentera. J'espère que ma réponse est satisfaisante.
    Et sinon, l'interview, les réponses de l'auteure... tu en as pensé quoi? Je serais moi aussi bien curieuse de le savoir!

    @ Sol': Amusant, c'est le bon mot! Vraiment je suis ravie de cet échange, moi aussi!

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