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  • Le chemin des dames

    ronde nuit, waters, roman LGBT, couvertureRonde de nuit, Sarah Waters

    Je voulais choisir ma dernière lecture de l'année avec soin. C'est symbolique. J'ai pris le dernier Sarah Waters, autrice qui a déjà fait quelques apparitions sur ce blog, avec Affinités , Caresser le velours ou Indésirable. Dernier au sens où il ne m'en reste plus, j'ai tout lu d'elle. Il faut dire que c'est une incontournable - en qualité - de la culture LGBT.

    Je me suis plongée dedans comme ça ne m'est guère arrivé dans l'année. Plongée par petites apnées, souvent interrompue par les devoirs sociaux des fêtes de fin d'année. Mais même pour une page, même pour deux minutes, je me sentais descendre et complètement m'extraire de la réalité. Elle a une façon de rendre vivante n'importe quelle période historique que j'ai saluée même dans ceux de ses romans qui ne m'ont pas emballée.

    Pour le suspense, c'est maîtrisé à l'aide de techniques éprouvées. Un peu comme un Stephen King. Ici on se place d'abord quelques années après la seconde guerre mondiale. On découvre les personnages. Un garçon, qui a passé la guerre en prison. Deux femmes qui travaillent ensemble dont l'une a une liaison avec un homme marié et quelques autres secrets. Une autre qui était ambulancière. Puis les deux parties suivantes nous font faire chacune un bond en arrière, jusqu'à nous plonger au cœur des bombardements à Londres. Et jusqu'à ce qu'on comprenne le fin mot de chacune des histoires individuelles, toutes liées. Le fin mot ayant l'originalité d'être le début, chronologiquement. C'est bien trouvé.

    C'est une ambiance que je ne peux vous décrire, faite de minuscules détails. Les églises éventrées. Les gens qui courent aux abris à chaque alerte et ceux qui en ont marre à force et restent dans leur lit. Les panneaux qu'on enlève dans les rues pour que les allemands ne puissent pas s'y retrouver s'ils arrivent. La haine à laquelle doivent faire face les objecteurs de conscience.

    Je me suis sentie amoureuse. (C'est normal, c'est plein de femmes) En proportion, c'est comme un roman hétéro, mais inversé. C'était très étrange de lire des passages sur l'amour, le couple, le coup de foudre, l'après rupture, si proches de ce que j'ai pu vivre. Il y a de ces passages sur la jalousie... ça sent le vécu. Et puis c'était marrant, cette scission entre les lesbiennes masculines et les autres. Au début j'ai pris ça pour une caricature et puis en y réfléchissant, c'est une vraie question, très intéressante. Voilà, ça c'était le bonus juste pour mon plaisir personnel.

    Mais surtout, le roman parle des femmes, de la condition des femmes, de tout ce que la guerre a engendré de transformations. Du rôle qui n'est plus le même, des habits qui ne sont plus les mêmes, de l'impossibilité de retourner à la vie d'avant. Il parle aussi de l'opprobre jeté sur les liaisons hors mariage. Des avortements clandestins au péril de la vie des jeunes femmes.

    C'est un des plus réussis. Peut-être le plus réussi, allez, j'ai un attachement sentimental à Affinités mais je pense que celui-ci est objectivement meilleur.

  • Teubés or not teubés

     

    girafe sophie, couverture, philo, forum le mondeTous philosophes, Collectif

    Et voilà, à force de lire des bluettes pour ado et des romans lesbiens j'ai perdu tout mon lectorat intellectuel ! Est-il encore temps de redresser la barre? J'ai eu envie de tenter le coup avec ce petit recueil qui retranscrit les interventions de divers·es philosophes lors du forum annuel organisé par le journal Le Monde et la ville du Mans.

    Cette année-là, le thème était donc "Tous philosophes ?".

    Moi qui ai complètement raté l'épreuve de philo au bac et qui cherche encore ce qu'on pouvait bien y attendre de moi... j'ai enfin pu lire tout un tas de dissert' et les comparer !

    Et je me suis sacrément amusée à essayer d'imaginer les différent·es locuteurs et locutrices. C'est très politique ces machins là - non seulement le domaine de la philo, mais le fait de venir se montrer et échanger dans un forum. D'ailleurs ma chouchoute, c'est celle qu'on sent un petit peu aigrie et dont le texte contient surtout des allusions perfides à des collègues et des règlements de compte. J'ai beaucoup ri. Ambiance profs d'université garantie !

    Qui sont nos autres candidats ?

    Les tenants de la tradition qui déroulent tranquillement des propos intéressants mais convenus.

    L'érudit qui cite davantage d’œuvres que les autres et délaisse Socrate pour des noms plus exotiques.

    Des femmes. On y veille soigneusement. D'ailleurs elles se saisissent de leurs jupons pour argumenter sur un "toutes philosophes ?" .

    Un abscons qui ne maîtrise pas son plan et qui m'a égarée en cours de route.

    Un malin qui s'est trouvé une niche avec la figure du philosophe chinois.
    Un autre malin qui s'est quasi glissé dans la niche du précédent.

    Un autre auquel j'aurais bien collé un "hors sujet" en haut de la copie.

    Au total une quinzaine d'intervenants qui, à eux tous, vous triturent le philosophe, l'examinent sous toutes les coutures. Dans l'espace, dans le temps, en jouant sur le mot, en sondant les masses et les élites. Certains sont scolaires dans leur exposé, d'autres moins.

    Je pense que j'aurais encore plus apprécié l'expérience si le sujet avait été autre que la philosophie elle-même. C'est comme quand les écrivains parlent d'écriture, je me lasse rapidement.

    Et pis d'abord j'en connais un en vrai, un philosophe. Il est cool et il cuisine des lentilles.

  • Cueillette sauvage

    roses meurent jamais, staalesen, polarOù les roses ne meurent jamais, Gunnar Staalesen

    Une des dernières lectures de 2019, un petit polar à l'ancienne, bien paisible, bien propre, sans massacre sanglant. On se croirait dans un roman noir d'il y a vingt ans. Même l'enquête a une odeur de vieux placard puisque le détective Vaarg Veum relance à la demande d'une mère les recherches sur la disparition, vingt ans plus tôt, de sa petite fille de 3 ans. Elle était là, dans le bac à sable devant la maison, et puis pouf. 

    La piste n'est pas très fraîche mais le détective non plus, alors je suppose qu'ils se sont bien trouvés. Le gars est alcoolique (est-il encore besoin de le préciser?). Il va mener entre deux bouteilles des enquêtes de voisinage car les voisins valent le coup d'oeil, dans cette communauté d'habitants qui a peut-être des choses à cacher. Il se contente de parler, comme Columbo, à l'un, à l'autre, ce que le 2e a dit, il l'utilise pour retourner faire causer le premier et ainsi de suite, jusqu'au dénouement.

    Ce qui le distingue de Columbo, hormis qu'il n'a pas de femme, c'est que Columbo au cours de ses enquêtes ne prend jamais quelques coups dans la gueule. Veum est un peu moins gentleman.

    Si le côté vieillot est un simple constat qui n'influence pas trop mon impression globale, en revanche j'ai senti comme une aigreur, une posture réactionnaire qui m'a un peu désappointée. Mais je peux me tromper, c'était léger. 

    L'écriture était neutre. Je n'ai pas été déçue par la fin, ce qui est le point crucial des thrillers. On va dire que ça s'est bien passé.