Caresser le velours, Sarah Waters
Avis chrono'
Arg!! Comme il m'énerve ce livre! Pourtant il a bien des choses pour lui. A commencer par être un épais roman lesbien qui avait l'air nourrissant. Mais la boîte était-elle à moitié vide, ou bien n'ai-je pas su savourer? Me connaissant, la seconde option pourrait bien être la bonne...
Alors là je jure, je jure sur ma propre petite tête de menteuse que c'est un pur hasard de calendrier. Il se trouve que je n'ai pas écrit d'article depuis quelques jours, que c'est le moment de m'y mettre et que c'est le tour de ce livre. C'est son tour, vrai de vrai.
Pas de ma faute si j'ai bu une bière en début de soirée. Pas de ma faute si je me trouve être dans une période où je suis capable de me faire en boucle toute ma (trop courte) liste de films "de filles" à l'eau de rose...
Parler en ce moment de ce livre - lu il y a un bon mois pourtant - c'est comme mélanger des produits qui font des petites bulles, fument, glougloutent et jettent des étincelles tout en se demandant si le résultat a des chances d'être un bon somnifère.
Hé bien, oui, figurez-vous, oui, ça se pourrait bien.
Est-ce que j'assume souvent mon côté midinette, par ici ? Pas vraiment, hein... La faute à quelques personnes rencontrées dans ma vie. Vous savez, le genre à rigoler quand on conserve des souvenirs ( = des reliques ) et à vous regarder de travers quand vous laissez échapper un soupir lors de la scène du premier baiser.
Bon. Parfois, c'est moi qui ironise. Moi qui singe les petites cruches amoureuses. Ou qui les envie, ça revient au même.
Parfois, j'ai envie de ça. D'un film avec 90mn de regards et une unique occasion d'un léger frôlement d'une main contre une autre. D'un roman tout entier dans l'attente, dans la sensualité. C'est sensuel, de patienter. Dans des limites raisonnables.
Le premier roman de Sarah Waters que j'ai lu, Affinités, il m'a fait cet effet là. Il ne s'y passe rien, physiquement. Ce n'est que de l'attente, une trèèès longue attente. Une attente amoureuse qui va croissante, mêlée à notre conviction profonde qu'il va se passer quelque chose, qu'un drame se prépare. J'ai aimé cette histoire, je persiste, je l'ai dévorée. Elle avait, en dehors de la relation amoureuse qui s'y développait, de l'intérêt. C'était un bon roman.
Oh, j'ai dévoré aussi celui-ci. Au début.
Angleterre victorienne. Mlle Waters aime ces décors historiques et je partage son goût.
Une jeune fille de condition modeste, qui ouvre des huîtres dans le restaurant familial mais qui aime se rendre au music-hall une fois son travail terminé. Voilà notre héroïne. Charmante. Tout de suite prise en sympathie. Simple, un poil naïve, mais pas idiote du tout. Rapidement, voici notre héroïne troublée par le numéro de Kitty, qui se produit sur scène habillée en garçonne.
Le ventre qui fait des papillons, le coeur qui s'emballe, l'envie irrésistible d'y retourner chaque soir, les pensées qui dérivent dans la chambre avant de dormir. Elle n'est pas niaise, notre Nancy, elle sait ce qui lui arrive !
Et moi aussi! C'est universel ça, comme sentiment. Vous lisez ça et si vous avez plus de 16 / 18 ans même en étant moche comme moi, vous vous mettez forcément à penser à quelqu'un.
Autant vous dire qu'à partir de là j'ai carrément RE-FU-SÉ intérieurement de poser le livre avant la scène de sexe.
Chance ou malchance, en définitive elle arrive assez vite. Enfin, c'est relatif, ça doit dépasser la centaine de pages. Mais ce n'est pas un but. Rien qu'une étape. Parce que Kitty la garçonne, qui est davantage avancée en lesbianisme que notre Nancy est aussi une effroyable pleutre qui tremble à l'idée que cela se sache.
J'ai oublié de mentionner qu'entretemps, elles ont migré à Londres. Kitty a fait de Nancy sa costumière. Elles ont partagé "en soeurs" un lit modeste dans une pension. Et Nancy qui brûlait de désir et qui devenait à moitié folle de la sentir là, toute proche, avec l'interdiction de toucher. Inhumain. Pas question de dormir (pour moi) (pour elle non plus) . La suite !
Bon, et seulement après, Nancy cède. Mais elle veut quand même pas que ça se sache. Et puis Nancy devient sa partenaire dans le numéro, elle aussi habillée en homme.
J'ai trop envie de vous raconter tout le livre, aujourd'hui ! Suis d'humeur bavarde. J'espère que vous êtes d'humeur romantique.
Mais donc, tout ça, ça n'est que le début. C'est inévitable, Nancy a bien trop peur. Elle couche avec un homme pour compenser en hétérosexualité bien sous tous rapports.
Et là, ça part en cou... en ... euh... bon, ça part, quoi. Nancy se retrouve à la rue, dans la misère la plus totale. Finalement, habillée en homme, elle fait le tapin pour les hommes qui aiment les hommes et qui ne s'aperçoivent de rien.
Alors, ce passage, qu'est-ce que j'en ai pensé ? Difficile à dire. ça sentait un peu le passage obligé, le "Ah ah, tu te croyais heureuse, en ménage avec une femme, en plein XIXe siècle? Ah ah! Nan mais l'autre qui se croit à la Gay Pride... on va lui en donner du retour de bâton. "
Et bâton il y eut. Puisque de persilleuse de rue, elle devient esclave sexuelle d'une aristocrate. Je peux vous dire qu'elle en profite, Nancy, de ce retour dans les bras d'une femme. D'amour, point, mais de sexe, tout ce qu'il faut, à grand renfort d'accessoires. La mention d'un jouet en cuir moelleux est un souvenir qui restera dans ma mémoire, j'en ai peur.
C'est ... mais pffff quoi !! J'ai dit "fleur bleue" ! j'ai dit "romantique" ! C'est le coeur de Nancy qui bat la chamade quand elle regarde, de loin, sur la scène, cette actrice habillée en garçon qui lui plaît tellement qui fait battre le mien.
Certes, d'autres passages peuvent avoir d'autres effets mais enfin... je n'ai pas ouvert ce putain de bouquin pour me ... mais zut quoi !! Quid de mon sentimentalisme ?
Nancy qui se vautre dans des chemises de soie, qui se fait entretenir par une vieille bique qui la jette encore toute humide hors de sa chambre, qui se contente de montres en or, qui est le jouet qu'on exhibe devant les copines. "Oh, regardez ma petite pute sexy en garçonne" . Je vous promets, c'est vraiment ça.
Au cas où vous n'auriez pas compris, ça m'énerve. Et l'amour, bordel ? Quelle femme est assez conne pour se dire que ça s'échange contre une chambre et un bain chaud ?
(soupir)
En même temps, elle n'avait pas vraiment le choix. Je la comprends ... ça n'empêche pas que ça m'énerve !
Bon. Je ne vous raconte pas la fin. Elle se devine. C'est une mince compensation. Je ne pardonne pas à une héroïne qui a été si longue à se bouger les fesses.
Globalement, je le place loin derrière Affinités. Sauf bien sûr si vous êtes une femme hétéro qui veut s'encanailler, là, je peux vous indiquer quelques pages. Alors que dans Affinités, on repart bredouilles.
Caresser le velours... C'est un joli titre, quand même. Ce beau tissu qui fait rêver Nancy, la pauvre provinciale. Ce tissu qu'on ne peut pas lâcher, qu'on voudrait avoir encore et toujours sous les doigts, comme la peau de la femme aimée.
Commentaires
En voilà un joli billet, il est drôle et on a l'impression de te suivre dans ta lecture.
Sarah Waters est dans ma liste d'"auteurs à lire un jour", j'ai beaucoup entendu parler de "Ronde de nuit" mais je note "Affinités" !
Merci :)
En général j'évite d'en dévoiler autant sur le contenu d'un roman, mais là j'étais lancée.
Ronde de nuit il me semble que c'est celui qui me manque. J'en ai deux autres encore dans ma PAL, que je ne tarderai pas à lire.
ça me fait plaisir, ton passage par ici!
Très chouette billet, il se lit le sourire aux lèvres ! :)
J'avais très envie de le lire mais tu me décourages un peu, et en même temps me rassure de ne pas l'avoir acheté ! Je tenterai peut-être Affinité du coup... Affaire à suivre !
Je ne décourage jamais personne, ça n'est qu'un avis personnel. :)
Il me reste encore Du bout des doigts et l'indésirable, dans ma PAL. Ensuite je pense que je chercherai Ronde de nuit.
Comme ça je pourrai faire un classement de mes préférés.
Tiens -moi au courant si tu te décides à en lire un.
Et bien, qu'est ce qu'il a pris celui ci !
C'est curieux même si je me souviens avoir détesté certains personnages ou situations, j'en garde dans l'ensemble un bon souvenir... Question d'état d'esprit au moment de la lecture peut être ?
En tout cas, ravie que vous m'ayez fait découvrir cet auteur :)
Mais je l'ai globalement bien aimé, faut pas croire!
Qui aime bien châtie bien!
Ah en fait t'as adoré ! ^^
J'avais pas saisi, ça doit être dû à l'heure tardive...
Adoré, adoré ... c'est p'tet un peu fort. M'enfin ça reste un roman comme je n'ai pas souvent l'occasion d'en lire ^^
Je ne l'ai pas écrit, parce que je n'en étais plus sûre, mais il me semble que c'était son premier roman. C'est déjà un sacré roman, pour un premier. L'ambiance music-hall, Londres, c'est bien rendu. Après, pour le petit cercle de lesbiennes aristocrates, je ne sais pas si c'est réaliste. Sûrement que oui. Ce sont de belles garces!
Elle m'a énervée parfois, parce qu'elle est lente à prendre conscience des choses, à réagir... Mais au fond je sais bien que ça aussi, c'est le reflet de la vie. On ne peut pas réellement attendre que le personnage se transforme en 50mn de lecture comme il ne le ferait pas dans la vie réelle en plusieurs années. :)
Lire est un monde, dans ce monde je m'autorise à être encore plus exigeante! C'est possible, même si c'est difficile à croire quand on me connaît. :)
Bon, et sinon, toi, tu bosses dur j'espère?