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  • HOP #1 - L'opéra de Shaya

    opéra de shaya,sylvie lainé,lst livre sexuellement transmissibleL'opéra de Shaya, Sylvie Lainé

    J'ai encore trop traîné, quel gâchis ! Je le commençais juste quand Solessor rédigeait son article au début du mois, ça promettait un bel échange mais déjà le souvenir s'est estompé. Comme je le disais en commentaire sur son blog, c'est étonnant comme le message perçu dans un récit peut varier d'une personne à l'autre. Une fois mon attention attirée sur certains thèmes, oui, je les vois, comme elle. Mais de mon propre chef, j'avais fait une interprétation toute différente, plus proche de mes convictions, des thèmes qui me sont chers. Il paraît que c'est commun, ce regard sélectif qui consiste à ne voir que ce à quoi on adhère déjà. D'où, je suppose, la difficulté à partager nos coups de coeur, à trouver quelqu'un pour oser s'y attaquer. C'est toujours prendre un risque, de se glisser dans les pages d'une autre, mais je suis heureuse de l'avoir fait. Ce recueil de nouvelles SF aura su se frayer un chemin de recommandations en recommandations.

    J'ai même rencontré l'auteure, lors d'une rencontre "sexe et SF" organisée par une petite librairie. Les trois invités étaient intarissables ! D'une culture SF impressionnante, capable de citer des exemples à l'appui de chaque déclaration, de rebondir sur les propos les uns des autres. Ils semblaient bien se connaître et c'était comme assister à une discussion pointue entre amis dans un salon. Là encore, pour en savoir un peu plus, consulter l'article de Sol' écrit à chaud. Vous y découvrirez comment j'ai - une fois de plus - manqué de courage pour lui réclamer une dédicace.

    La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, fait près de 100 pages et c'est ma préférée. Il y est question d'une jeune femme, So-Ann, lasse d'errer de contrat en contrat et de planète en planète. Désireuse de se poser enfin, dans un endroit spécial. Elle pense l'avoir trouvé quand elle entend parler de Shaya, une planète à l'écosystème unique, qui s'enrichit par échanges génétiques au contact des visiteurs, triés sur le volet.

    Cette nouvelle et une autre, Un amour de sable, ont aussi contribué au choix de la thématique annuelle. L'un comme l'autre texte nous présentent un même type d'être humain du futur, très semblable à celui d'aujourd'hui, mais transposé dans un espace plus vaste. Autrement dit : il change de planète comme on change de pays, et la rencontre d'une espèce différente n'est guère plus exotique que de passer des vacances au Portugal.

    C'est une des possibilités du futur, non, de ne pas être bien différent du présent ? D'y emporter toutes nos casseroles. So-Ann pense trouver le paradis, elle y tombe amoureuse, elle fait ce que l'humain a toujours fait, elle se projette. C'est à dire que toute désireuse, sincèrement, de découvrir autre chose, elle ne fait guère une fois sur place que plaquer son connu sur de l'inconnu. Et elle ne saura pas écouter en quoi ce peuple et cette terre sont différents.

    Le concept d'altérité est poussé encore plus loin dans Un amour de Sable. Des chercheurs prélèvent du sable sur une nouvelle planète. Sable qui est un protagoniste fascinant de l'histoire. Pour l'humain plus c'est différent, étranger, inconnu, plus c'est suspect (sauf en matière de sexualité étrangement, là il faut choisir le partenaire de sexe opposé, choisir le semblable est beaucoup moins bienvenu). On a déjà du mal à considérer un échange, une collaboration, une rencontre avec les espèces animales de notre planète. Alors avec une vie extraterrestre... Celle-ci a pourtant plus de chance de ressembler à du plancton qu'à Tom Cruise. Ceux qui me connaissent savent combien je radote souvent là dessus et à mon avis, au cours de l'année, j'aurai l'occasion d'y revenir.

    Bref (je m'en autorise encore quelques uns). Une nouvelle dans laquelle l'humain passe à côté d'une forme de vie parce que rien ne l'a préparé à ce que ça ressemble à ça, j'ai adoré. Et encore plus adoré que le même mécanisme de méprise soit à l'oeuvre chez l'autre espèce. C'était magistral.

    Il restait deux autres nouvelles, je vous laisse les découvrir par vous même. J'avais la permission de 23h30, mon temps est écoulé.

     

    Sommaire du thème 2018 Humains, obsolescence programmée ? 

  • Tu est un autre

    quelqu un autre tonino benaquista.pngQuelqu'un d'autre

    Tonino Benacquista

    Lu parce que : auteur déjà connu et apprécié, livre trouvé dans une de nos boutiques d'occasion favorites.

    J'ai bien aimé, j'aurai donc peu à dire. C'était un peu moins drôle que Malavita, mais pas déprimant, je suis contente de mon choix. Il faut juste passer les cinquante premières pages, ensuite c'est lancé.

    Deux types se rencontrent dans un club de tennis et à l'issue d'un match âprement disputé, compensent l'eau perdue durant l'exercice par des liquides prélevés au bar. Cet instant sert de déclencheur. Thierry couvait déjà depuis longtemps une envie de changement radical, il ne lui manquait plus que le courage de se lancer. Le second, Nicolas, n'avait jamais bu et vient de découvrir dans l'ivresse un soulagement au fardeau chronique de la vie. Sa vie est déjà chamboulée. Ils font le serment de se retrouver au même endroit, trois ans plus tard, et d'être devenu, d'ici là, quelqu'un d'autre.

    Le charme du livre tient au choix de la méthode. Ce n'est pas tout à fait pareil de larguer sa femme et de se faire refaire le portrait au bistouri que d'inventer d'ingénieux moyens pour dissimuler de l'alcool au bureau.

    "Ils avaient franchi plusieurs caps mais celui-là était l'un des plus délicieux : ce moment où chacun sent que l'autre n'a aucune envie d'être ailleurs."

  • Un dimanche à ne rien faire

    au commencement du 7e jour,luc lang,ushuaia en afrique,ushuaia dans les montagnes,ushuaia à la plage,ushuaia au bureau,et je ne porte pas non plus de nuisette,vous aussi vous vous laissez emporter par votre imagination,n'en déduisez pas que je préfère les colliers à pointes au tri dAu commencement du septième jour,

    Luc Lang

    Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas vous résumer l'histoire, je vais vous recopier ce qu'on trouve au dos du livre et qui a motivé ma sélection pour ce dernier partenariat Folio 2017.

    "4h du matin, dans une belle maison à l'orée du bois de Vincennes, le téléphone sonne. Thomas, 37 ans, informaticien, père de deux jeunes enfants, apprend que sa femme vient d'avoir un très grave accident, sur une route où elle n'aurait pas dû se trouver.

    Commence une enquête sans répit alors que Camille lutte entre la vie et la mort. Puis une quête durant laquelle chacun des rôles qu'il incarne, époux, père, fils et frère devient un combat. Jour après jour, il découvre des secrets de famille qui sont autant d'abîmes sous ses pas. "

    abby-hulot.pngAlors, d'après vous, on vous vend NCIS là, ou Ushuaïa ?

    Je sais : j'ai beaucoup d'imagination et je prête facilement aux autres des intentions qu'ils n'ont pas. Mais quand même, bon sang !

    "4h du matin", "le téléphone sonne", "grave accident" : déjà, je m'attends à un truc un peu pêchu, une entrée véloce dans le roman, un rythme soutenu pour la suite. 622 pages, quand même, faut maintenir le lectorat en éveil.

    "une route où elle n'aurait pas dû se trouver", "enquête sans répit', "lutte entre la vie et la mort", "secrets de famille" : certes, ce n'est pas un thriller. Mais un peu quand même alors? ça tombe bien j'adore le suspense et les histoires de famille.

    Sans vouloir rien dévoiler de mon identité sexuelle secrète*, j'ai mes préférences. Si Hulot vient dîner, pas de problème, je fais des pâtes, on discute vente en vrac et fin du diesel. Mais si j'attends Abby et que j'ouvre la porte sur un type mal rasé avec le pull couvert de poils de yack, c'est sûr, je vais faire la tête. Et me sentir très con en nuisette.

    Le début du roman collait à peu près au programme, sur une centaine de pages environ. Ensuite, c'est devenu très contemplatif, accompagnant la morosité du mari dans de longues promenades en montagne, dans les visites répétées à son frère berger, au bureau avec son vilain patron, puis finalement dans un périple en Afrique. Je ne peux pas dire qu'il ne s'est rien passé pendant 500 pages. Mais rien passé de ce qui m'aurait plu, oui.

    Je ne comprends pas bien, d'ailleurs, car il y a un vrai public pour ce genre de récits, doux, poétiques, qui opposent le bruit perpétuel de la ville, la dureté du monde de l'entreprise au retour à la terre, à la famille, à l'essentiel. C'est un bon livre je pense. Mais je voulais Testament à l'anglaise de Jonathan Coe et j'ai eu Le goût des pépins de pommes de Katharina Hagera.

     

    Pour m'assurer de mettre fin à cette série noire, j'ai décidé de commencer 2018 par une relecture, celle de Pourquoi être heureux quand on peut être normal de Jeanette Winterson. J'en ai déjà lu un tiers hier avant de dormir et si tout dans l'année pouvait m'apporter ce plaisir là, ce serait le paradis sur terre. Ensuite j'essaie Quelqu'un d'autre de Tonino Benacquista.

    Voilà pour le programme. A votre tour, que trouve-t-on sur vos étagères et tables de nuit pour les prochaines semaines ?



    * Je tiens à préciser qu'ayant été sensibilisée à la question récemment, il aurait été plus correct d'employer ici "orientation sexuelle" pour ne pas entretenir l'amalgame fréquent avec l'identité de genre mais que ça ne m'arrangeait pas dans la phrase.

  • Travail d'amateurs

    zut pas assez rapide,livres sombres 2018 allons y, je vais eviter de faire trop de blagues dans cet articleTout, tout de suite, Morgan Sportès

    A quel moment dans ma vie, en me promenant sur quel blog, en écoutant quelle émission ai-je bien pu me dire : oh tiens un roman quasi documentaire sur l'affaire du gang des barbares, une séquestration, des tortures, ça a l'air chouette. Je vais l'ajouter à ma liste et avec un peu de chance je le piocherai au hasard à la médiathèque juste dans la période des fêtes. (je sais qu'il manque un point d'interrogation, j'hésite sur l'endroit où le placer. à votre disposition --> ?)

    J'ai rendu le livre, c'est dommage, vous n'aurez pas de citations fiables. Je voulais aussi vérifier comment l'auteur le présente au début. Il me semble qu'il insiste sur l'étiquette "fiction". Les noms sont changés, d'autant que certains procès doivent encore être en appel. Mais je viens de lire la page wiki consacrée à l'affaire Ilan Halimi, ça recoupe ce que j'ai lu dans le "roman".

    C'est très dérangeant. Le récit recrée pas à pas la démarche du chef et de chacune des autres personnes impliquées. De petits portraits en petits portraits, émaillés parfois de citations tirées du procès, on nous retrace la chronologie d'un crime atroce en plongeant loin dans ses racines.

    Ce qui gêne, c'est l'absence du Mal, le grand mal, la démence psychiatrique, le truc si étranger à nous-mêmes qu'il marque une nette séparation entre Eux et Nous. Entre ceux qui peuvent torturer un être humain à mort et ceux qui seront toujours de l'autre côté de la barrière.

    Je livre comme toujours une lecture personnelle - je ne sais pas si cette atténuation est de mon fait ou non - mais j'ai surtout vu dans le chef de bande un pauvre loser et dans le reste de la clique des abrutis, des gosses, un cruel manque d'éducation et de reconnaissance et seulement deux ou trois types vraiment dangereux.

    Le moteur de Yacef, c'est la colère. Il est respecté parce qu'il a déjà fait de la prison. Il veut faire de l'argent. Dans sa logique idiote et simpliste, les Juifs ont de l'argent. Il tente à de nombreuses reprises, habilement décortiquées dans le livre, d'entraîner de jeunes filles - qui ne sont bonnes qu'à ça de toute façon, utiliser leurs charmes pour chauffer des mecs - à draguer des commerçants juifs pour les attirer dans un guet-apens et les racketter.

    Et puis un jour, malheureusement, le poisson est ferré. Un simple vendeur de téléphones, qui - dans le roman en tout cas - se prétend fils du propriétaire de la boutique sans doute pour se faire mousser auprès de la jolie fille. Il est kidnappé. Ça doit durer trois jours. Sauf que les millions sont un mirage, la famille n'a rien et la police, de toute façon, n'a pas l'intention de créer un précédent en laissant la moindre transaction avoir lieu.

    L'apprenti gangster ne sait que faire de son kidnappé. La logistique n'était pas prévue pour plus que ça, l'appartement doit être reloué, on le transfère dans une cave glaciale - mois de janvier. Les autres gars qui se relaient pour le garder, jours après jours, en ont marre, veulent arrêter, s'agacent. Les plus gentils apportent au prisonnier à manger. Les plus cruels le font taire à coup de brûlures de cigarettes.

    Et les jours passent, impasse, avec Yacef qui négocie, qui menace ou supplie, qui fait descendre la rançon à un montant ridiculement bas, puis, en colère, fait remonter les prix le lendemain. Jugé amateur complet par la police, il se fait régulièrement raccrocher au nez par le négociateur.

    Le roman, d'ailleurs, évoque un peu ce problème de la réaction de la police. Qui pourtant ne pouvait pas prévoir la fin extrêmement tragique de la victime. Autre source d'étonnement, la quantité impressionnante de gens qui parlent et de gens qui savent, qui préfèrent ne rien dire ou, plus simplement, trouvent ça trop gros pour être vrai et n'y pensent plus.

    Ce serait un roman, je ne manquerais pas de vous dire que c'en est presque comique, ce pauvre gars pas foutu de monter correctement un coup, qui engage d'autres caïds, n'arrive à rien, ne peut jamais les payer, enrager encore plus de passer pour un raté et se monte tout seul en mayonnaise. Ces complices pas-vraiment-méchants mais assez bêtes pour devenir des monstres.

    Bref, c'est assez fort. Effrayant. Quitte à lire un bouquin qui balaie vos efforts pour garder un peu de confiance en l'espèce humaine, celui-ci est riche et nuancé