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isolement

  • Gros sur le coeur

    Coetzee_coeur_pays.jpgAu coeur de ce pays , J.M. Coetzee.

    J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman, très éloigné de mes précédentes lectures. Une écriture austère, compacte. Une forme pour le moins singulière: l'oeuvre n'est pas découpée en chapitres mais en 266 « blocs » de paragraphes (sur 186 pages) que j'aurais tendance à qualifier de versets mais cela n'engage que moi.

    Comme je peinais à atteindre les trente pages lues, l'idée m'a traversée, chose rarissime, d'abandonner et de passer à autre chose. Puis vint ce moment où je ne compris plus rien du tout: un personnage mort à la page précédente, qui se promenait comme si de rien n'était trente lignes plus loin..

    Je vérifiai que je n'étais pas revenue en arrière sans y prendre garde. Que je n'avais pas mal lu... Non. Je devais vraiment être stupide.

    Petit coup d'oeil sur la biographie de l'auteur. Prix Nobel de littérature (oups, ah bon?). Tout s'expliquait. Résignée à une lecture sans doute résistante jusqu'à la dernière ligne, je décidai néanmoins de persévérer mais sans aucun entrain. Mécaniquement.

    Il fallut attendre un soir de déprime particulièrement intense, pour comprendre que ce qui résistait le plus, dans cette histoire, c'était moi, par crainte de m'identifier à quelque chose dans ce récit sombre et pessimiste, par refus de me laisser porter. Le moral déjà dans les chaussettes il me fut bien plus facile d'entrer cet l'univers inconfortable et je dévorai en une nuit d'insomnie l'intégralité du roman.

    La narratrice se nomme Magda. Elle vit dans une ferme isolée d'Afrique du Sud, avec son père qui ne lui prête guère attention et quelques serviteurs Noirs. Les 266 passages constituent un monologue, une sorte de journal de sa souffrance: solitude dévorante, délires autour de l'image de son propre corps et surtout de son sentiment d'être incomplète, vieille fille laide et mal aimée, vierge.

    Se déroulent ainsi des fantasmes sexuels incestueux, des scènes de violence sauvage, de meurtres, de viols, sans que le lecteur ne puisse jamais distinguer ce qui est rêvé de ce qui est vécu par la narratrice puisqu'au terme de longs développements de plusieurs dizaines de pages, des contradictions apparaissent qui nous font douter de la « réalité » du récit. Le père mort est à nouveau vivant. Il n'est plus fait mention de la femme arrivée au début du texte, etc...

    Roman de l'incohérence, c'est une plongée finalement assez fascinante dans les rouages de la folie. Au huis-clos géographique répond un huis-clos littéraire: ce récit au point de vue unique se referme peu à peu sur lui-même, en étau, broyant au passage toutes les certitudes du lecteur qui referme le livre en se demandant si finalement quelque chose d'autre est arrivé dans la vie de Magda que simplement mourir de solitude, de manque d'amour et de frustration.

    Extrait:

    " Nous ne sommes qu'un tissu de caprices: un caprice succède à l'autre. Pourquoi ne reconnaissons-nous pas que nos vies sont vides, aussi vides que le désertque nous habitons, acceptant dès lors de les passer à compter des moutons ou à laver des tasses, le coeur joyeux. Je ne vois pas pourquoi il faudrait que l'histoire de nos vies soit intéressante. "

    Littéraires: Voir ici pour les références à Kafka.

    Ce roman est le premier titre de ma trilogie estivale :

    voir l'article de présentation.

     

  • Mai - Fais ce qu'il te plaît (mais ne vexe personne)

    Le bilan du mois de mai, dès le 11 juin, je sais ce que vous pensez, c'est trop de zèle. Je vais faire bref: six romans, presque tous bons. Dont la plupart n'ont pas encore de chronique rédigée. Retard monstrueux.

    Le thème de la question du mois: ça existe, un auteur, en vrai?

    Parce que figurez-vous que j'en ai presque approché un spécimen. Monsieur Hongre est venu discuter à l'occasion du bookclub, sur le forum du site Livraddict, que je fréquente assidument. J'ai suivi un peu. Je n'ai bien sûr pas participé.

    D'abord je n'avais pas lu son roman, ce qui me semble être un minimum avant de m'imposer dans une conversation. Et puis, surtout, les gens complexés comme moi ne parlent pas à des personnes aussi impressionnantes que celles-ci. Des auteurs!

    D'ailleurs, elles ne parlent à personne d'autre. A quoi bon quand on sait qu'on aura pas de réponse?

    Mais tout de même, d'un coup, ça s'est mis à me chiffonner un peu, ce problème. Je lis. Soit. A nouveau, à un rythme qui me satisfait. C'est bien. Et je lis des choses que je ne lisais pas avant. Merveilleux tout ça. Mais justement, avant, je lisais des classiques, en majorité. Au moins j'étais tranquille, je ne risquais pas de croiser les auteurs dans la rue, ou de les voir intervenir sous mes yeux dans des forums que je fréquente.

    Ces quelques derniers mois:

    - J'ai fréquenté des blogs de lectrices qui se rendent à de véritables salons littéraires (ce que je n'ai jamais fait) pour rencontrer des auteurs en chair et en os . Et qui leur ont parlé! Qu'on puisse à la rigueur faire signer un livre... je peux comprendre.

    Pourtant, autant je suis du genre à conserver un peu n'importe quoi, autant je n'ai jamais été une « fan de... ». Si j'avais un auteur favori, et que celui-ci, par le plus grand des hasards, soit vivant... aurais-je envie d'une page signée de sa main? Je ne pense pas. Envie de lui parler? Qu'importe, je ne pourrais pas. Tétanisée.

    Mais, il ne semble que si l'on m'annonçait une séance de dédicaces par le fantôme de Zola ce serait différent et bien moins effrayant.

    (Je suis ouverte à toute remarque sur ma santé mentale, tant qu'elle est formulée avec délicatesse).

    - J'ai aussi lu, deci delà, que des auteurs contemporains traînaient parfois sur des blogs de lecteurs, voire laissaient des messages.

    J'ai été horrifiée de la mésaventure de Cynthia, agressée sur son blog par M. Derey, auteur mécontent et grossier à un point inimaginable : "J'accepte la critique quand elle est constructive mais pas les lallations et gazouillis de pétasses".

    (Affaire à lire en détail sur le blog de Cynthia et sur livraddict)

    Je me sens tranquille sur mon blog minuscule et noyé dans la masse, avec au pire, quelques souris qui traînent dans les couloirs de ma clinique. Mais quand même... Je me demande si je ne vais pas retourner à mes classiques. Ou aux romans étrangers.

    P.S. En même temps, le roman de Saphia Azzeddine était bon. Et elle est plutôt mignonne d'après les photos. Alors si elle veut passer pour l'apéro...

    P.S. 2 ça me démange sous la camisole, si quelqu'un veut bien me gratouiller avant de me remettre à l'isolement...

    Un patient en phase régressive.