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  • Tribunal de l'ennui

    corpus_delicti_zeh.jpgCorpus delicti, Juli Zeh

    Avis chrono'

    Je n'ai rien lu de pire depuis bien longtemps. Ne vous laissez pas tromper par la couverture 3D acidulée , elle n'est le reflet de rien du tout.


    extenso.jpgUn livre qui pense.

    Voilà, j'ai tout résumé: Imaginez un livre qui pense,  qui pense à des choses sans aucun intérêt et qui parle tout haut pendant qu'il pense... Le tout à côté de vous alors que vous êtes tranquillement en train de regarder un épisode inédit de Grey's anatomy. Et vous n'avez envie de lui répondre qu'une chose: "Mais ta g.... !!! "

    Je n'ai jamais rien lu de ce genre et pourtant, j'ai lu quelques très mauvais livres. Tenez, par exemple, souvenez-vous de l'Echappée belle (ou relisez l'article) ça, c'était franchement nul. Mais 100 fois plus plaisant que celui-ci.

    En gros, l'idée de base, c'est un monde futuriste, dans lequel la Santé est tout. L'état a instauré la Méthode, qui règle la vie de chaque humain et veillant à ce qu'il ne souffre de rien. Personne n'est malade etc. Et là dedans, arrive Mia qui va dysfonctionner... plus ou moins à cause de la mort de son frère, un rebelle à la méthode, fumeur de cigarettes, accusé de terrorisme.

    J'ai bien compris ce qui se passait dans le roman: rien. D'un bout à l'autre, Mia parle, ou bien d'autres hommes liés à son procès s'adressent à elle. Ils parlent et ils réfléchissent beaucoup, c'est très intellectualisé, désincarné. Il ne se passe rien du tout. On a l'impression que ça bouge, que l'histoire avance, mais en fait... non.

    La fin, le début, le milieu, ça a été du pareil au même. D'un monstrueux ennui. L'écriture est monolithique et je n'arrive même pas à dire qu'il y a des personnages. Il y a des noms propres et ces noms, de temps en temps, changent de lieu, mais rarement.

    J'avais lu tellement de bien sur ce roman, sur un blog que j'aimais beaucoup... Quelque chose m'échappe! Les grands romans qui traitent de ces sujets, monde aseptisé, utopie futuriste, recherche de la perfection humaine et de l'équilibre suprême, pouvoir écrasant de l'état, ne manquent pas... Celui-ci n'apporte rien au genre.

    Quand j'en arrive à me moquer éperdument, le soir, de m'arrêter non seulement en plein milieu d'un chapitre, mais même en plein milieu d'une phrase... C'est que le cas est désespéré. Je précise que la lecture de ce livre, lecture-du-soir-à-deux nous a bien pris quelques mois... Preuve de sa haute teneur en suspense... Appétence: zéro.

    Il y a bien quelques passages d'un intérêt fulgurant. Sur une ligne, deux. De la même manière qu'une idée profonde peut surgir à l'esprit quand on commate sur un canapé en regardant le plafond, surgissant de nulle part et n'aboutissant à rien d'autre.

    Ex: brève réflexion sur le rapport historique entre torture et justice:
    " L'enjeu c'était d'en finir avec le jugement de Dieu. On demandait à un homme de prononcer la sentence. Or, comment un homme pourrait-il connaître la vérité sans l'aide de Dieu? Cela ne pouvait marcher que grâce à un aveu de l'accusé. Mais manque de chance, tous n'étaient pas décidés à avouer. "

    Je crois que je ne peux même pas décrire cette expérience. C'était nul. Littéraire, pourtant. Verbeux, si ce mot existe. Pas pédant, pas raté. Juste... un ovni. Comme une forme nouvelle de littérature que je n'aurais jamais croisée avant. (Martians, go home! )

     

    Parce que je suis une fille sympa et positive, je termine sur LE truc qui m'a carrément estomaquée: La Fiancée idéale. Présente depuis le début du récit, sous ce nom là, c'est une femme dont on peine un bon moment à comprendre si elle est la coloc de Mia, une créature robotisée, ou une pure projection de l'esprit. C'est bien foutu, cette marge d'incertitude. (ou alors... je suis complètement débile... mmh?)

    Elle parle à Mia, la gronde, la conseille, la console. Elle se paye la tête de tout le monde le reste du temps, comme une petite voix de petit démon :)

    Tiens, en voilà un de vivant, de personnage!  Elles se font même des câlins! Trop mignon...

  • Avis de tempête

    autant en emporte le vent, mitchell, scarlett, rhett, histoire d'amour passionnée, guerre de secession, feminisme, chaos, magnifique roman, petite peste délicieuseAutant en emporte le vent, Margaret Mitchell

    Avis chrono'

    Rhaaaa!! Troooop bien! ça valait le coup de passer deux mois sur ce pavé, pour assister à la chute fracassante du vieux Sud. Quel réalisme, j'ai presque cru me sentir moi-même prise dans la tourmente, sous la pluie de flammes, de débris, en plein chaos. Et quelle histoire d'amour piquante à souhait. Il faudrait réécrire la fin, par contre...


    extenso.jpgDeux mois pour le lire et bientôt autant pour donner mon avis... ^^

    J'ai vu le film, il y a des années. J'en gardais pour seul souvenir des maisons en flammes et une femme en robe qui descendait un grand escalier... Autant dire rien du tout, le plaisir de la découverte n'a pas été compromis.

    Je commence par quoi? J'ai autant été séduite par le personnage de Scarlett que par son étrange histoire avec Rhett. Mais comme toujours, c'est la précision du cadre historique qui suscite mon admiration! La guerre de Sécession, vue par les Sudistes: c'est nous qu'on est trop forts, les méchants nordistes seront pulvérisés avant le petit déjeuner, planquez femmes et enfants ce sont des ogres affamés, pilleurs et violeurs.  Ou comment les guerres s'entretiennent en diabolisant l'ennemi. Ce n'est peut-être pas l'essentiel de l'oeuvre, mais enfin, c'est là.

    Je ne dévoile rien en disant qu'à la moitié du livre (avant?), nos héros sudistes, crève-la-faim, sans chaussures, sont presques tous morts au combat et qu'ils ont pris une sacrée déculottée. A la suite de quoi l'esclavage est aboli.

    C'est un thème passionnant (pur hasard, j'ai enchaîné cette lecture et celle de "La couleur des sentiments", un siècle plus tard, non plus l'esclavage mais la ségrégation) et traité, ma foi... Je ne saurais dire comment, je suis partagée. J'ai senti une certaine tendresse, dans le livre, entre les familles blanches, puissantes, et leurs serviteurs noirs. A certains moments, il est montré comment les nouvelles familles, celles des vainqueurs qui migrent du nord vers le sud pour occuper le terrain et qui sont en principe opposées à l'esclavage sont en réalité encore plus méprisantes envers les noirs que les sudistes.

    C'est historique? C'est romancé? Peu importe, d'une certaine façon. Ce qui provoque chez le lecteur une gêne légère (chez moi en tout cas), c'est la forme que prend au sein de la cellule familiale cette relation entre blancs et noirs.

    Il n'y a pas de sévices corporels, le serviteur est loyal, fidèle même dans la défaite, la Mama est une figure importante de la maison, son rôle de juge moralisateur, auprès de Scarlett est essentiel... Mais derrière tout cela, il y a dans certaines phrases, dans certains passages, des tournures qui donnent l'impression que cet attachement des blancs pour ceux qui vivent avec eux en les servant est de l'ordre de l'amour et des soins qu'on prodigue à un animal de compagnie... Pire encore que du paternalisme.

    Ce roman est un pur chaos, dans tout ce que ça peut avoir de grandiose. Tout s'écroule, rien ne tient, ça flambe sec et quelques caractères bien trempés, qui ne trouvaient pas leur place dans l'ancien monde, sont alors révélés dans la douleur. L'héroïne, Scarlett O'Hara, est de ceux-là.

    Délurée, insolente, préoccupée uniquement de ses toilettes et de ses prétendants qu'elle mène avec insouciance à la baguette, au début du roman sa futilité nous saute à la figure. Elle n'en est pas moins sympathique. Une gentille petite sotte qui nous fait sourire, tandis que sa cousine Mélanie est, elle, une femme véritable et accomplie.

    Puis, la guerre. Je m'abstiens de raconter les détails, sachez juste que jamais sur 1100 pages je n'ai eu le temps de m'ennuyer, les épisodes, aux tonalités très différentes s'enchaînent rapidement et j'ai tout aimé, tout! Quelle image que celle de la guerre, quand on ne nous décrit pas le front et les charges glorieuses, mais les fossés, les mutilés, les hôpitaux à l'arrière, le sang et la boue et les civils qui meurent de faim et sont ruinés ...

    Mais mais mais... en littérature, la chute d'un monde, c'est magnifique... Les vieilles familles, qui radotent à propos de leur glorieux passé, la jeunesse, toute une génération d'hommes, décimée. Ceux qui restent semblent hébétés, quelqu'uns se jettent à corps perdus dans la reconstruction. Non seulement leur fortune n'existe plus, mais de même tout ce qui faisait leur univers. Il n'est plus question de mariages d'égal à égal, toutes les familles sont ruinées et parfois, le premier homme valide qui passe fait l'affaire... c'est ça ou rester vieille fille!

    La richesse du roman, c'est de couvrir un maximum des facettes de ce bouleversement. Le statut de la femme, qui change, quand les dames de la haute sociéte se mettent à cuisiner des pâtés pour vivre.

    La fondation et l'essor du Ku Klux Klan semble, dans le roman,  une réaction "naturelle" à une menace... j'aimerais développer ce sujet, parce que là encore, l'auteure a drôlement présenté les choses... Des volontaires pour en parler?

    Le développement fulgurant de la ville d'Atlanta. etc.   Vraiment très instructif.

     

    J'en viens maintenant à ce qui a fait en grande partie la renommée d'Autant en emporte le vent: Le couple Rhett Butler/ Scarlett.

    Elle, elle est d'une complexité délicieuse. On la méprise pour son incapacité chronique à voir plus loin que le bout de son nez. Elle se méprend sur ceux qui l'entourent. Y compris sur Rhett.

    Lui, est odieux, mais seulement parce qu'il est franc, cynique. Je l'aime, cet homme! Chacune de ses apparitions est un délice! D'un bout à l'autre, sous son vernis de méchant, il laisse transparaître son grand coeur...

    Tandis que Scarlett se plante, se marie et se remarie à tour de bras, il est là, toujours là, dans l'ombre, présent quand il le faut... Impassible, indéchiffrable.

    La fin du roman est frustrante, mais elle répond à l'ensemble de l'oeuvre, elle ne dénature pas tout ce qui a été écrit avant. Je n'aime pas cette fin, mais je ne peux la critiquer.

    J'ai aimé, dans le personnage de Scarlett, qu'elle se dresse contre tous les autres, qu'elle affirme son indépendance envers les hommes, qu'elle cherche à vivre de son travail. Et aussi, bien sûr,  qu'elle se révolte contre l'obligation faite aux femmes de porter des enfants! Sa répulsion pour l'enfantement, son indifférence, souvent, à la maternité... même aujourd'hui, je trouve que c'est piquant et dérangeant!

    Elle n'est pourtant pas froide... elle a juste pris d'un coup, plus que les autres, l'effondrement du monde sur ses épaules. Même quand on a envie de la détester, le roman ne nous laisse pas oublier ce qui a fait d'elle ce qu'elle est. Avare, égoïste, sournoise, calculatrice, insensible, colérique, manipulatrice... mais aurait-elle survécu, sans cela, aux privations?

    Je crois être passée par toute la gamme possible de sentiments, envers elle. Et maintenant que ma lecture est terminée, je m'aperçois que ce qui reste, c'est une forme d'admiration triste, qui serre un peu le coeur. Un être bâtard qui ne trouvera jamais ni sa place, ni le bonheur, ni la paix. Un être de transition... je la vois comme ça.

    Rhett est sublime, il a été bien moins malmené, en fait, que Scarlett. C'est le "méchant" le moins méchant de la terre... On y croit presque pas, à ses mauvais côtés, tant ils sont adoucis et nuancés, dès le début. Scarlett n'a pas cette chance. Certains de ses défauts ne se laissent pas oublier. Abîmée par son expérience et par le contexte. Tellement réaliste, ça, non?

     

    Quelques citations, pour finir! Depuis quand ça n'est pas arrivé que je ne perde pas mes petits papiers avant d'écrire le billet??

    "A quoi me servirait d'être bonne, maintenant? Quelle valeur a la gentillesse? J'aurais mieux fait d'apprendre à labourer ou à cueillir le coton comme une négresse" (Scarlett)

    A propos d'Ashley, jeune aristocrate sudiste "Ses mains n'étaient pas faites pour le travail, son corps n'était pas fait pour porter autre chose que du drap ou du linge fin. Dieu l'avait créé pour la vie luxueuse d'une riche demeure, pour s'entretenir avec des gens agréables, pour jouer du piano [...] "

    "Le bon vieux temps n'existait plus mais ces gens continuaient de vivre comme s'il n'en était rien. Ils étaient charmants, ils prenaient leur temps, bien décidés à ne pas se bousculer come les Yankees, à ne pas courir comme eux après l'argent [...]  La vie qu'elle devait mener était trop brutale, trop hostile pour qu'elle essayât même d'en sourire. Scarlett ne comprenait rien à la douceur, au courage et à l'imdomptable fierté de ses amis."

    "Comme tous les hommes aussi, il était déçu de constater que sa femme était intelligente".