Aujourd'hui j'inaugure mon lecturomètre tout neuf!
S'il n'est pas très beau, il est assurément très vide, et rien qu'à le voir je doute déjà de l'efficacité du traitement. En effet, le mois d'avril est entamé et j'ai déjà accumulé un grand retard sur l'objectif fixé par le Dr Soundandfury, qui est de retrouver ma silhouette littéraire d'il y a quelques années. D'avant...
D'avant. Nous en parlerons une autre fois.
Retard, donc. J'ajoute de ma propre initiative ce petit journal de bord qui j'espère me motivera plus que ne le fait cet instrument barbare de mesure de mon inculture.
Je complexais? A présent, j'obsessionne!
Ajoutez à cela la mauvaise idée d'aller voir Alice au pays des merveilles, qui a réveillé d'anciens souvenirs et vous comprendrez à quel point c'est pénible, chaque fois que je m'aperçois à 23h passées que je n'ai rien lu de la journée, d'entendre le lapin en gilet me chanter « en retard, en retard » en boucle, « je suis pressé pressé harassé bouleversé Je cours après le temps perdu » ...
Cette stupide comptine en tête, je ne dors plus.
Fichu lapin. Le premier qui me demande « quoi de neuf docteur? », me propose un civet au déjeuner ou évoque le lapin de Pâques, je l'étrangle.
Je suis même en train de développer une allergie aux carottes.
Je note un premier effet positif, toutefois. Afin de nourrir mon lecturomètre affamé, me voici à nouveau l'heureuse propriétaire du carton plastifié m'autorisant à emprunter des livres. Je n'avais pas mis les pieds à la médiathèque depuis presque deux ans, trop honteuse pour y retourner.
C'est que je suis une emprunteuse compulsive, de celles qu'il faudrait ficher et interdire à l'entrée comme dans les casinos.
J'emprunte trop, et quand la date de restitution approche je panique à l'idée de les rapporter sans les avoir tous lus. Je pourrais demander une prolongation mais allez savoir pourquoi, j'en suis incapable. Je m'illusionne en me répétant que cela ne prendra qu'un ou deux jours supplémentaires.
Puis j'atteins la date fatidique. Puis je déborde un peu du délai, je me presse... Puis les livres sont terminés, mais ils restent sur le meuble dans le couloir car à présent je tremble à l'idée du jour où il me faudra affronter le regard de la bibliothécaire qui saura, rien qu'en me voyant franchir les portes et approcher la zone « restitution » avec une nonchalance pitoyablement mal simulée, que je suis de ces personnes qui rendent leurs livres systématiquement EN RETARD!
Nous y revoilà, c'est un complot!