Mystic River, Dennis Lehane
Avis chrono'
Un roman noir, sombre comme les eaux de la Mystic River. Polar psychologique sur le thème de la rédemption et de la difficile communication avec ceux que l'on aime.
(C'est en entendant des collègues parler du film l'année dernière que j'ai eu envie de le lire. Je vais donc tenter de me regarder ça dès ce soir.)
1975 – Trois garçons se retrouvent pour jouer ensemble. Un jour, une voiture s'arrête. Dave accepte de monter à bord. Il disparaît, enlevé par les Loups. Il sera retrouvé, mais pour lui, plus rien ne sera jamais pareil.
2000 – Les enfants ont grandi. Jimmy est un ex-malfrat, rangé, père de famille. Sean est devenu flic. Dave a lui aussi femme et enfant et lutte contre ses démons personnels.
Leurs trois vies vont à nouveau se rejoindre lorsque la fille de Jimmy est retrouvée sauvagement assassinée.
« L'homme ou la femme que vous aimez est rarement à la hauteur de votre amour. Parce que personne ne peut être à la hauteur de sentiments aussi forts, et au fond, peut-être que personne ne mérite de supporter un tel fardeau »
Un roman policier si sombre qu'il m'a fallu, pendant le R.A.T, le mettre de côté à la nuit tombante.
Le meurtre en lui-même semble relégué au second plan par l'aspect psychologique du récit. Les trois personnages masculins occupent le devant de la scène, chacun semblant rivaliser de regrets, d'amertume et de souffrance. De vide.
« Il aurait voulu […] expliquer ce qu'elle avait signifié pour lui et ce qu'il avait ressenti à presser le visage contre sa nuque dans ce même lit, à entremêler les doigts aux siens, […] à s'asseoir à côté d'elle dans une voiture , à l'entendre bavarder ... »
Difficile de trouver là-dedans une lueur d'espoir. Même ce qui pourrait être positif (je pense à l'évolution de Sean) me semble incomplet, entaché, voué à l'échec.
Mon personnage préféré est sans doute Jimmy. C'est une sorte de Bad Boy à l'envers. Un homme qui croit avoir laissé le plus sombre derrière lui et qui met beaucoup de temps à s'apercevoir qu'il s'est peut-être oublié lui-même dans ce renoncement.
Quant à Dave, c'est un personnage très difficile à saisir. Il est au centre des deux épisodes. D'abord victime, mais victime ratée, si l'on peut dire. Il était considéré perdu et son retour, finalement, déroute tout le monde, à commencer par ses proches. Il grandit dans la culpabilité, songeant qu'il n'aurait jamais dû échapper à ses ravisseurs. Se pose alors à nous la question de la parole et de la cicatrisation. Il enferme ses secrets, il se tait. Il devient un homme hanté par les sévices sexuels subis dans son enfance. Dévoré.
" Car à certains moments, Dave n'était pas Dave. Il était le Petit Garçon. Le petit Garçon qui avait échappé aux Loups. Mais pas seulement. Il était le Petit Garçon qui avait échappé aux Loups et Grandi. Or, cet être là n'avais presque plus rien de commun avec Dave Boyle."
Ce grignotage de sa personnalité était sans doute déjà entamé, le meurtre de Katie réveille ses démons comme il réveille ceux de Sean et de Jimmy, car qui dit meurtre dit enquête et questions. Par une répercussion inéluctable, chacun se retrouve face à ses pires interrogations: qui suis-je pour moi? Qui suis-je pour les autres?
A mon sens, c'est un récit qui porte sur la parole, sur ce que l'on choisit de dire et à qui. Ce que l'on préfère taire. Ce que cela coûte. Les personnages féminins en sont pour moi l'illustration.
« Je crois qu'elle m'aime toujours, elle aussi. (Il écrasa sa cigarette.) Elle me téléphone tout le temps. Elle téléphone, mais elle ne dit rien.
- Elle fait...quoi?
- Je sais.
- Elle vous téléphone, mais elle ne dit pas un mot?
- Mouais. Ça dure depuis huit mois. »
Dennis Lehane est aussi l'auteur de Shutter Island. Je suis presque allée voir le film! Je crois que je vais tout à fait me laisser tenter par le roman, même si j'ai manqué la lecture commune en septembre.