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Urgences - Page 9

  • Vue sur mère

    arrache_coeur_vian.pngL'arrache-coeur, Boris Vian

    En 2011 j'ai redécouvert et enfin apprécié L'écume des jours, que j'avais lu bien des années auparavant, trop tôt. A ma satisfaction, j'ai retrouvé dans L'arrache-cœur le même débordement délirant de l'écriture, style reconnaissable entre tous qui mêle à un univers quotidien familier toutes sortes d'intrus.

    Comme ces mots forgés de toutes pièces mais dont on parvient grâce au contexte à saisir le sens potentiel. Certains passages - que j'ai oubliés, je suis impardonnable et le support livre audio ne me permet guère de feuilleter - étaient sublimes, pure poésie.

    Dans l'écume des jours, avec ce thème de la maladie dont je reconnais qu'il ne me met jamais à l'aise, mon plaisir n'était pas complet. J'ai été très surprise de l'orientation prise par l'Arrache-coeur, d'une part parce que j'ignorais tout du contenu, d'autre part parce que je ne l'ai pas sentie venir avant un bon moment, focalisée que j'étais sur Jacquemort, le psychiatre qui, au début du roman, arrive au village.

    Il se déclare né de la dernière pluie, quasiment au sens propre: il prétend être né l'année précédente et cherche des esprits à étudier pour remplir le vide de son être. Au premier chapitre, il pénètre dans une maison où une femme est en train d'accoucher, tandis que le mari, l'infâme fécondateur auteur de cette douleur infernale, a été puni et enfermé dans sa chambre.

    Ce sont trois bébés qui viennent au monde. Pas des triplés, non, des trumeaux :  2 + 1. Ce petit détail, ainsi que les prénom choisis, Joël et Noël + Citroën m'ont conquise. Après, c'était parti. Tout, le psy bizarre, les gens étranges au village, la foire aux vieux, le curé, ses prêches délirants et son combat contre le démon sur un ring... La barque de l'homme qui prend sur lui toute la honte des habitants. Les apprentis qui se prennent des coups parce que c'est la coutume. J'ai trouvé chaque passage génial, chaque personnage fabuleux.

    D'où ma surprise lorsque j'ai compris que le roman se recentrait sur les enfants et que la mère était le personnage central, en réalité. Une mère fascinante, brusquement prise d'une sorte de fureur maternelle, ou plutôt d'une obsession de se renvoyer à elle-même l'image d'une mère parfaite. Ce qui semble, dans son esprit, être synonyme de sacrifice. Des sacrifices absurdes. Et d'un empressement morbide à imaginer ce qui pourrait leur arriver de pire, avec pour prétexte de les en protéger. La fin du roman décrit l'escalade de cet amour exponentiel.

    Un thème fort, parmi d'autres, qui vient clore superbement le texte. Comme dans l'écume des jours, il y a matière à réflexion sur notre société presque à chaque page.

    L’œuvre est riche, si vous ne connaissez pas Boris Vian, c'est le moment de faire montre d'un peu d'audace et de sortir des sentiers battus.

     

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  • Bon pied, mauvais oeil

    vue-mort-guerin-lanester.pngA la vue, à la mort, Françoise Guerin

    Je découvre enfin le premier roman de Mme Guérin, croisée aux quais du polar et écoutée avec grand plaisir cette année dans une conférence qui avait pour thème "Polar et psy", laquelle, trop brève à mon goût, n'a pas creusé grand chose, mais l'ambiance était joyeuse et les deux autres invités (psychiatres) tout aussi passionnés.

    Je n'ai pas fait d'article sur la Grande Enquête de l'édition 2015 des Quais du Polar. J'en avais l'intention, puis le temps a passé. C'était peut-être une façon de me venger des organisateurs qui avaient choisi les pentes de la Croix-Rousse. Des heures à monter et descendre des rues en pente et des escaliers!! Et une énigme vexante, dont nous avons fini par trouver la solution sans vraiment recoller tous les morceaux. Pas tout à fait au hasard, mais pas convaincues quand même. Au point que la fin de notre Enquête a consisté essentiellement à pister dans la foule (10 000 participants cette année d'après ce que j'ai entendu) la scénariste de l'enquête en personne, dont nous étions parvenus à obtenir auprès du personnel encadrant à la fois le prénom (Christelle? Christine? J'ai oublié.) et la description : tee-shirt gris et sac à dos, noué sur le devant par une lanière. Un peu léger. Mais accompagnée d'un homme en orange!

    Bref. Nous ne l'avons bien sûr pas trouvée. Avons deux fois écouté le dernier duo de comédiens censé détenir la clé de l'énigme et avons déposé nos bulletins.

    Finalement c'est bien de la conférence que je garde le meilleur souvenir. Il y a surtout été question des expériences professionnelles du trio, un peu quand même de l'acte d'écriture, et des différences entre fiction et réalité. J'ai noté (et perdu depuis) une phrase magnifique qui portait sur l'espace des battements (de coeur?) et à peu près retenu ce qui était dit de la psychologie qui s'appuie sur les travaux de Lacan et s'attache particulièrement à ce qui est caché dans la parole.

    Mois d'une semaine plus tard, je lisais A la vue, à la mort et retrouvais tout cela ! Ce premier roman est bien meilleur que Cherche jeunes filles à croquer, je trouve. Plus original, hypnotique. L'enquête est intériorisée par le flic, Lanester (incarné par Richard Berry dans l'adaptation télé que je n'ai pas vue). En effet, celui-ci perd brutalement la vue sur la scène d'un crime d'un tueur en série : victimes énuclées, oeil géant peint au plafond. Un flic aveugle et égaré, voilà qui est peu banal. Il débute alors une psychanalyse qui sera, en réalité, le lieu principal de l'enquête. J'ai beaucoup aimé les retranscriptions de séances. 

    Je n'en dis pas plus. Très bon polar. Je vais suivre d'encore plus près cette auteure bien sympathique car ses idées et sa façon d'aborder le psychisme sortent de l'ordinaire.

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  • ça m'intrique !

    J'ai suivi autrefois une unité d'enseignement pompeusement baptisée (à tel point que j'ai oublié l'intitulé) mais qui revenait, grosso modo, à utiliser la fonction recherche du catalogue de la bibliothèque universitaire: entrer l'auteur ou le titre ou le thème et appuyer sur entrée. C'était moins d'une décennie après avoir appris, au collège, à rechercher des documents à partir d'un système de fiches cartonnées jaunies qu'il fallait manipuler avec précaution sous peine de les voir tomber en poussière. Et moins d'une décennie avant de me présenter à la médiathèque, à la recherche précise d'un ouvrage traitant de la génération par ordinateur de nombres aléatoires, errant pour cela dans un secteur que je ne fréquente jamais, jusqu'à m'arrêter devant l'étiquette "mathématiques" et sortir deux livres contenant dans leur titre le mot "hasard".

    Méthode qui sur le moment m'a pleinement satisfaite. Or, aucun des deux ouvrages ne répond à mon interrogation primaire. Néanmoins, le premier s'est révélé d'un intérêt dépassant mes espérances, ce que je n'avais aucune chance de découvrir dans d'autres circonstances où la simple mention "quantique" aurait fait disparaître sa couverture de mon champ de vision.  Conclusion, le hasard, quoi qu'il soit, fait bien les choses.

    quantique contact,hasard,chaos,gisin,ruelle,physique,métaphysique,quantique,scientifique,les sciences ont elles le monopole du -ique L'impensable hasard, Nicolas Gisin

    Ce livre de 150 pages fut une source d'émerveillement. J'ai relu la plupart des passages essentiels de nombreuses fois et certaines pourront témoigner que j'en ai discuté de nombreuses heures! L'auteur nous avertit dès le départ: nous ne comprendrons pas tout. Je suis rapidement tombée d'accord. Mais j'ai cru avoir compris des choses nouvelles, dans un domaine - la physique - qui n'a jamais été le mien ( du tout, viscéralement ). Puis j'ai brassé tout cela longuement en esprit. Puis j'ai essayé de transmettre ce savoir tout neuf et me suis aperçue du peu compris. Peut-être même du rien. Et je ne doute pas, vous voilà prévenus, de dire dans la suite de cet article des choses qui seront bien sûr incomplètes mais certainement même fausses.

    Toutefois, comme il serait lourd de placer à chaque instant des "je crois", des "j'ai cru comprendre" et autres "si j'ai bien compris mais je n'ai pas les connaissances suffisantes", j'écrirai l'essentiel à base d'affirmations et je vous laisse vous dépatouiller de ce qui relève de la vérité scientifique ou de ma bêtise personnelle. En résumé, si ce que je dis est faux, sachez que c'est de ma faute et pas celle de l'auteur. 

    Cette lecture vaut surtout pour le champ nouveau qu'elle offre à ma curiosité et que je ne manquerai pas d'explorer à nouveau dès que l'occasion s'en présentera. Entrons à présent dans le vif d'un sujet encore mystérieux, celui de la physique quantique.

    La physique classique décrit par des lois le monde qui nous entoure. Grossièrement, on considère que l'évolution des choses est prévisible, pour peu que l'on puisse appréhender l'état actuel des choses avec précision. Ainsi, si vous connaissez la position d'une voiture et sa vitesse, vous pouvez prédire où elle sera dans 3 minutes et 12 secondes. Ce qui est valable dans ce cas simple peut s'étendre à des cas complexes. Ajoutez un écureuil qui traverse la route : certes, du fait de l'embardée ou du coup de frein, la position finale du véhicule ne sera plus celle estimée auparavant mais si vous possédez d'avance ces nouveaux éléments, l'irruption de l'animal, le temps de réaction du conducteur, la qualité de freinage de la voiture et sa capacité d'accélération, alors il est tout à fait possible, toujours, de calculer sa position finale avec exactitude.

    Parfois, tellement de paramètres à connaître entrent en ligne de compte qu'il devient, en pratique, très difficile (ou impossible dans l'état actuel) de prédire vraiment un comportement. Pensez à la météo, à la quantité de particules à repérer, estimer, mesurer. Et les vents, les courants, les températures ou que sais-je... C'est beaucoup de données, mais si vraiment on les possède, alors tout devient prédictible.

    Si je cherchais un livre traitant de génération des nombres aléatoires, c'est justement parce que je savais déjà intuitivement que le hasard n'existe pas et que j'en cherchais à la fois une confirmation, et une explication sur la façon dont l'informatique contourne en pratique le problème. Il se trouve que c'est encore plus compliqué...

    Symbole du hasard, le lancé d'un dé : s'il n'est pas pipé, vous avez autant de chance d'en sortir 1 que 2 ou 6. Pourtant, si vous m'avez suivi (et votre courage n'a d'égal que mon admiration envers vous), ce n'est pas du hasard. Si je mets dans un giga-calculateur l'emplacement du dé dans ma main, la façon dont il est tourné, son poids, la force et la direction dans laquelle je vais lancer, le frottement de l'air, celui de la table... en théorie je peux prédire le résultat même si en pratique la physique me fout la paix pendant ma partie de Monopoly.

    On considère notre monde comme déterminé par les lois physiques. Alors quand on ne comprend pas encore un phénomène, on cherche la loi qui le régit. Régulièrement on trouve et chaque siècle ajoute sa pierre à l'édifice . Or la pierre quantique du 20e siècle est une curiosité qui bouscule... le déterminisme!

    Autre concept cher à l'auteur, celui de localité : si vous voulez agir sur une chose il faut pouvoir l'atteindre et pour cela, procéder par "contact" de proche en proche. Si je veux faire lever les fesses de ma petite soeur qui vit à des centaines de kilomètres, je peux toucher mon téléphone, composer son numéro. Après quoi des ondes - que je ne "touche" pas, mais qui existent bien, qui partent bien du contact de mon téléphone pour parvenir d'une façon ou d'une autre au contact de celui de ma soeur, sans rompre donc la chaine de continuité - arriveront à Nantes et de là, si j'ai la chance de ne pas être importune, provoqueront l'acte de se lever pour décrocher le téléphone. Ce que je ne peux pas faire, nous disent à la fois la physique classique et le bon sens, c'est lui commander par télépathie d'aller se chercher un coca dans le frigo.

    ( Si vous croyez à la télépathie, aux horoscopes et autres phénomènes paranormaux, je ne peux rien pour vous, sinon me désoler. )

    Cependant - et si vous en profitez pour me reparler des horoscopes et des cadres qui tombent seuls des murs, retournez devant la télé - la physique quantique semble là encore rigoler avec la localité.

    Ce que montre l'auteur, c'est que les propriétés quantiques de certaines particules existent bien. Et la preuve qui a fermé le clapet de bien des contradicteurs, c'est qu'on arrive à les utiliser pour de vrai, dans notre monde réel, dans des applications qui étaient jusque là impossibles.

    Pour nous simplifier la tâche, l'auteur présente l'expérience suivante. En deux endroits du monde, deux personnes A et B qui ne peuvent pas communiquer entre elles se trouvent devant des boitiers dotés d'une manette qu'ils peuvent actionner à gauche ou à droite. A ce moment, la boite affiche soit un 0, soit un 1, au hasard. Si les deux personnes ont choisi la direction de droite, elles marquent un point si les résultats sont différents ( 0 et 1). Dans les autres cas (gauche/gauche , droite/gauche) le point est marqué si les résultats sont identiques.

    Mathématiquement (ne comptez pas sur moi pour tout écrire, mais j'ai tenté quelques possibilités et je suis convaincue) vous pouvez programmer les boites comme vous voulez, il est impossible de gagner plus de 3 fois sur 4 à ce jeu. Tout simplement parce que le choix opéré par les personnes est libre et que vous ne pouvez prédire le moment où il vont en même temps choisir la droite et où il faudra, pour marquer le point, des résultats différents.

    Vous êtes perdus? Croyez moi sur parole (et moi je crois l'auteur lequel possède une preuve mathématique solide), la seule façon de gagner, c'est de tricher en communiquant avec l'autre personne. Ou alors, c'est là le grand mystère, d'utiliser des particules dotées de propriétés quantiques. Ces particules ne gagnent pas à tous les coups mais 3,41 fois sur 4 en moyenne. Une chose absolument impossible ... rendue possible.

    A ce stade, je vous assure que j'ai tout tenté pour comprendre et en revenir à des concepts familiers ! Mais petit à petit, j'ai accepté...

    L'intrication (et la non localité)

    L'intrication est un phénomène qui fait de deux particules, l'une chez A et l'autre chez B, des parties d'un même tout. Non pas comme deux moitiés d'un puzzle mais plutôt comme des entités capables de violer la localité, de "savoir" ce que l'une fait, à distance et instantanément. C'est là que je patouille sec... ça se sent, non? J'ai cru avoir bien compris à l'aide d'une image utilisée par l'auteur : vous placez sur une table en verre transparente une pièce de monnaie. Puis une source lumineuse (une lampe torche) bien à gauche et une bien à droite. Naturellement, si vous regardez au sol sous la table sous avez une ombre de la pièce à gauche (projetée par la lampe droite) et une autre à droite.

    Songez à présent que vous êtes minuscule, au point d'ignorer la présence de la table au dessus de vous et la pièce de monnaie, que vous ne voyez que les deux ombres, l'une à gauche et l'autre à droite: alors, vous pensez voir deux objets différents. Vous ne pouvez pas savoir qu'ils sont une seule et même chose, dans une dimension inaccessible pour vous. Et en effet, si quelqu'un, au dessus, bouge la pièce, vos deux ombres bougeront ensemble. Elles sont liées et cela semblerait à l'être minuscule carrément étrange et incompréhensible. Je trouvais ça très pratique et très clair. Malheureusement l'auteur dit que ça n'est pas aussi simple que ça et qu'il ne suffit pas de nous imaginer au raz du sol et de chercher la table sur laquelle sont posées les particules A et B intriquées qui ne seraient en fait qu'un seul objet... Dommage.

    J'en arrive à ce qui m'a gênée un peu: certains concepts sont si complexes que l'auteur les survole ou les évacue d'un revers de main. Par exemple, puisque d'une façon ou d'une autre, pour atteindre 3,41 il faut que les particules se renseignent l'une l'autre, pourquoi ne pas imaginer que ces particules communiquent bien, exactement comme communiquent mon téléphone et celui de ma soeur, mais par un mécanisme et des ondes que l'on a pas encore découvertes? Chaque fois qu'on arrive à une telle conclusion logique, l'auteur nous sort "ah oui, mais ça, pour que ça soit possible, il faudrait que quelque chose dépasse la vitesse de la lumière, et ça, ce n'est pas possible". Je peux vous dire que la novice que je suis et qui s'est creusée la cervelle jusqu'au menton est passablement frustrée par de telles impasses qui ont l'allure de pirouettes et que j'ai eu souvent l'envie de le secouer : mais pourquoi "pas possible" BORDEL ?!  Dépasser 3 / 4 non plus, ça n'était "pas possible" !!

    L'ubiquité ... ???

    Quant au hasard, il est là, il est bien là. Plus difficile pour moi à appréhender, mais il ressort que d'une façon ou d'une autre, si on "programme" les boites, s'il y a une logique, une loi, même très complexe, alors le seuil de 3/4 est inévitable d'où il découle que le chiffre produit par les mesures quantiques et qui donne le "1" ou le "0" de la boite, est le fruit du pur hasard. Autrement dit, les particules quantiques, non contentes d'être en quelque sorte "télépathes", sont aussi dotées d'une incertitude innée - contrairement au dé, vous ne pourrez jamais prévoir leur comportement - et d'ubiquité (elles sont à la fois ici et ailleurs. En même temps!! Ne ne demandez surtout pas comment!! ça me file des pustules rien que d'y penser, mon esprit logique s'arrête devant cette porte et demande qu'on la condamne avec beaucoup beaucoup de parpaings).

    En pratique, on utilise la physique quantique pour la cryptographie, notion essentielle à notre société de données et d'informatique. L'intrication permet de produire des clés de cryptage simultanément à deux endroits différents (chez celui qui veut envoyer et chez celui qui reçoit) et le hasard total de cette production la rend inviolable. En très gros: on sort un résultat au hasard mais le même hasard à deux endroits...

    Et puis on "téléporte". C'est pas encore comme dans un film de science fiction, hein. Mais ça y ressemble. Si vous m'écrivez un mail admiratif, je vous dirai ce que j'en ai compris (ça tient en 3 lignes).

    J'ai conscience que personne ne peut lire cet article en entier... Même moi je n'ai pas le courage de relire pour les fautes de frappe et d'orthographe... (Edit : mais je viens de le faire)

     

    CONCLUSION : très bon livre pour faire rêver votre esprit à un monde supérieur encore inconnu dont notre présence sur terre ne serait que le théâtre d'ombres.

    Ou ( et si je suis quantique, je suis à la fois le 1 et le 2, c'est très pratique) pour vous convaincre définitivement que cela ne tient pas debout et qu'il y a forcément une explication et une règle physique qui expliquera parfaitement tout cela, le rendra prédictible, déterminé (si on a toutes les cartes en main) ou local (si on trouve comment surmonter le problème de la limite de la vitesse de la lumière).

     

     

    quantique contact,hasard,chaos,gisin,ruelle,physique,métaphysique,quantique,scientifique,les sciences ont elles le monopole du -iqueHasard et chaos, David Ruelle

    Second livre, qui illustre parfaitement l'idée de hasard : en choisissant mes livres à la bibli, ils pouvaient être bons ou mauvais. Le premier était bon.

    L'auteur est doté d'un sens de l'humour certain (mais d'une efficacité douteuse) et d'un égo solide. L'ensemble a été survolé en 2h, je n'ai pas ressenti le besoin de m'attarder ni de réfléchir. Il est surtout question de mécanique des fluides et de la théorie du chaos, le tout nappé d'une sauce hot n spicy mathématique. Aride et difficilement accessible à mon niveau, en ce sens qu'il ne provoque pas l'envie de chercher à comprendre.

    Ce que je retiens de plus stimulant n'est pas tant physique que métaphysique.  Par exemple le concept - déroutant - d'irréversibilité. N'est-il pas étrange, d'ailleurs c'est horriblement difficile à comprendre et à prouver, que certains faits soient irréversibles? Par exemple on peut mélanger de l'eau chaude et de l'eau froide et obtenir de l'eau tiède, mais pas faire marche arrière et "séparer" de l'eau tiède.  Il m'a semblé comprendre quand même que c'est possible de revenir à cet état antérieur, aussi peu intuitif que cela paraisse, mais qu'il faudrait pour cela un temps dont nous ne disposons pas.

    Autre curiosité: pourquoi l'eau ne devient-elle pas progressivement épaisse, visqueuse, en approchant du degré zéro, mais devient-elle de la glace d'un seul coup ?

     

    J'ai pu noter au passage que l'auteur est de la même espèce que le précédent, chatouilleux sur la question de la lumière: "Les clignotants rouges s'allument et les sirènes se mettent à hurler dans l'esprit d'un physicien quand il est question de vitesse supérieure à celle de la lumière".

    Contient tout de même quelques très jolies phrases. Par hasard ?

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  • Coups de fourchette

    On passe à table, en cette veille de réveillon, avec deux romans qui nous proposaient de faire bonne chère - et bonne chair aussi.

    yeux-gros-ventre-soares.pngLes yeux plus grands que le ventre, Jô Soares

    On commence par un petit tour au Brésil, avec un polar qui aurait dû plaire à la gourmande que je suis: voilà qu'un esprit perturbé  se met dans l'idée d'assassiner les grosses femmes en les appâtant avec des gâteaux (puis de la charcuterie, quand il commence à épuiser ses idées de desserts) avant de les leur enfourner dans le gosier jusqu'à les étouffer.

    J'ai trouvé l'écriture déplorable, c'était laborieux et appliqué comme une expression écrite de collège, avec quelques scènes - je pense à celle de la course automobile - complètement hors-sujet, qui n'apportent rien, ne servent à rien. Exactement comme la contextualisation histoire...

    On perçoit presque à chaque page la volonté de nous faire aimer les personnages, de leur donner de la profondeur - mais c'est raté.

    Il y a de l'humour, c'est indéniable: Le présentateur de radio profitait de chaque intervention pour caser une publicité, souvent mal à propos. -->Comique de répétition. 

    En bref, idée excellente, résultat désastreux. Je ne dis trop rien, ça m'arrive tout le temps.

     

    zombie-browne.pngComment j'ai cuisiné mon mère, ma mère... et retrouvé l'amour, S.G. Browne

    J'ai du nez, quand même! Voici ma nouvelle devise : j'ai osé le zombie et ça m'a réussi !

    Voilà de l'humour réussi et un roman convenablement écrit et plus encore, convenablement pensé.  Imaginez : parfois, certaines personnes se réveillent après leur mort. C'est comme ça, les morts-vivants sont parmi nous. Croyez-en Andy, c'est là que les ennuis commencent.

    Vous puez, vous partez en morceaux; Ni vos parents ni vos amis n'ont plus tellement envie de vous avoir à table.
    Dans la rue, les gosses hurlent et les adultes vous jettent à la tête leurs cannettes de bière. La nuit, c'est pire : de petits voyous s'amusent à chasser ces innocents zombies pour les démembrer. il ne fait pas bon trainer dehors!
    Comme si ça ne suffisait pas, la société vous retire tous vos droits, on vous interdit de voir vos enfants, de travailler... Aucune indépendance.

    Zombie, c'est pas une vie.

    Ce roman, narré par un mort-vivant déprimé est un vrai petit bijou, bien meilleur que tout ce à quoi je pouvais m'attendre. Le résumé, très bien fait, m'avait mis l'eau à la bouche mais c'est encore bien plus amusant.

    D'autant que le sujet est sérieux, dans le fond. Il est question des minorités et de leur difficulté à faire valoir leurs droits. Bien sûr, quand ces minorités sont à la fois mortes et vivantes, l'humour nous attend au coin de la page.

    Il est si chou, Andy, touchant comme un chiot mouillé. Surtout quand il tombe amoureux, secoue sa morosité et commence à se révolter contre son statut de paria. Le pauvre, chaque fois il finit dans une cage de la S.P.A, nourri aux croquettes en attendant que ses parents viennent le chercher!

    Histoire géniale, écriture de bonne qualité.
    Je l'ai dévoré. Miam.

     

    Happy Christmas, mes virtuels amis.

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  • La femme carnaval

    monde_flamboyant_hustvedt.pngUn monde flamboyant, Siri Hustvedt

    "Sa majesté-bébé, ce nouveau-né qui se croit le centre du monde, vit encore quelque part en chacun de nous".

    Ne lire qu'un roman de la rentrée littéraire et tomber sur le livre idéal, celui qui touche le coeur et l'esprit.

    Je n'arrive toujours pas à accepter la non-existence d'Harriet Burden, j'ai l'impression qu'on m'arrache une amie. Dans la continuité de mes Vies imaginaires, j'ai choisi ce roman justement parce que j'étais attirée par "la formidable création littéraire que constitue le personnage de Harriet Burden", mais je n'ai pas pu m'empêcher de taper son nom sur Google pour vérifier.
    Et sur Facebook : quel autre endroit apporte une preuve définitive de l'existence, de nos jours?

    C'est toute l'oeuvre qui est flamboyante. Elle a de la chair, Harriet, une chaleur indéniable, épaisse et envoûtante, celle d'une femme dont on voudrait partager le canapé et boire les paroles.

    Témoignages d'amis et interviews, articles de presse, extraits de journaux intimes. A l'aide de ces quelques outils, Siri Hustvedt fait surgir du néant une artiste négligée, une femme qui a vécu toute sa vie dans l'ombre de son mari marchand d'art. Épouse fidèle et mère dévouée qui ne se sentait pas même à l'étroit. Mais quand Felix décède, l'onde de choc l'ébranle et fait surgir une autre Harriet qui consacrera le reste de sa vie à son grand projet : être enfin prise au sérieux.  Pied de nez magistral au snobisme du monde de l'art, elle qui n'a jamais été remarquée, elle rencontrera le succès en se cachant derrière des personnalités masculines, des artistes hommes qui vont endosser la paternité de ses oeuvres.

    Harriet est un puits de culture, elle a tout lu, elle joue, son savoir s'étend et s'enroule autour de ses œuvres, qui sont si bien décrites que j'ai parfois eu l'impression d'être dans le musée et de vivre ses scènes, de jubiler avec elle ou de hurler de rage. Pour la première fois de ma vie j'ai pris un plaisir intense à l'art contemporain. Je l'ai vécu dans sa chair à elle, j'en ai compris des aboutissants. J'en ai aimé la poésie, aimé sa façon de crypter ses messages.

    Je n'arrive vraiment pas à me dire que tout n'est qu'invention. Le soucis de cohérence du roman est poussé à l'extrême, parfois des notes de bas de page renvoient à des ouvrages critiques ou glosent à propos des écrits de Burden.

    Il faut qu'Harriet Burden existe, parce qu'elle a de l'humour, de l'esprit, des fêlures et du corps, parce qu'elle se bat. Et j'aime ce qu'elle crée et plus encore ses raisons, son parcours, son enfance, son mariage.

    J'aime Harriet pour son chemin.

    Il ne faut pas s'arrêter au féminisme de l'oeuvre. Il est surtout question du regard que l'on porte - pas seulement sur l'art - et de tout ce qui nous influence dans nos jugements, qu'on le veuille ou non. Nous décodons le monde à la lumière de ce que l'on pense déjà savoir.  C'est très drôle , d'être dans la confidence, de lire les critiques qui encensent l'artiste noir et homosexuel et de rire sous cape avec Harriet du ridicule de leurs interprétations. Mais je ne suis pas que spectatrice complice, je suis aussi celle qui vient d'écrire qu'elle avait aimé les oeuvres (imaginaires) d'une artiste (imaginaire) à la lumière toute fictive de la personnalité d'un personnage. C'est parce qu'Harriet était si vivante à mes yeux que j'ai donné du sens à ses créations, aux chambres peuplées de poupées, aux variations de grandeurs et de volume, à l'atmosphère oppressante. J'incarne les travers pointés par Harriet. Je suis une victime ridiculisée par un masque.

    Quand j'arrive à ne plus croire en l'existence d'Harriet, ma lourde déception se mue en une tendre admiration pour l'auteure. C'est savant, savoureux, engagé, intellectuel à la perfection - mon dieu comme je souffre, depuis, sur ma nouvelle lecture, comme elle est pauvre.

    C'est comme en amour, je suis bien consciente que le charme pourrait ne pas agir sur d'autres que moi, mais le voici, mon livre de l'année.

    Aussi , puisque j'ai reçu ce livre dans le cadre des matches de la rentrée Price Minister et qu'il me faut donner une note (on a encore le droit? Personne ne va se sentir stigmatisé? )

    Je mets 20.

     

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