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Le blanc est une couleur chaude

En janvier, j'étais décidée à écrire un petit truc sur Dans les forêts de Sibérie, de Sylvain Tesson. Journal tenu durant six mois par l'auteur lors de son séjour dans une cabane (confort minimaliste) au bord d'un lac russe gelé et isolé. J'ai eu froid d'un bout à l'autre et je m'interroge : comment ai-je réussi à venir à bout d'un livre dans lequel il n'est question que de boire de la vodka, lire, boire de la vodka, manger des pâtes au ketchup, boire de la vodka, jouer de la flûte à des mésanges, rencontrer des russes rustiques, boire beaucoup plus de vodka et marcher dans la neige?

J'en étais arrivée à cette citation pleine de testostérone dont je n'ose vous priver :

"Les Russes adressent encore quelques toasts à des choses extravagantes puis, sans coup férir, ils crient qu'il faut "se tirer putain de bite" et ils remettent leurs vestes, et ils insultent leurs gants et leurs bonnets et leurs écharpes et l'un d'eux envoie un coup de pied dans la porte en la traitant de "bite" et, me laissant le bon saucisson à peine entamé de moitié, ils démarrent et je reste là, sur la grève, un peu sonné, au seuil d'une journée bousillée par la vodka."

Puis j'ai oublié mon début d'article.

Trois mois plus tard, la fonte des glaces n'a pas eu lieu ! Même décor enneigé - quoique un poil plus peuplé - avec là aussi le compte de mâles rustiques.

couv74599488.jpgCar, oui, enfin, j'ai replongé dans le Trône de Fer, son célèbre "Winter is coming", ses personnages plus nombreux que dans un roman russe, ses complots, alliances, trahisons.  C'est délicieux !!

Je n'en pouvais plus de tomber sur des révélations à chaque coin du web, faute d'avoir dépassé la saison 1 de la série. Que de sournoiserie, parfois... on lit tranquillement une recette de fondue de courgettes sur Ta-Marmite.com et bam "j'en mangeais justement le soir où (personnage X) est mort, ça m'a coupé l'appétit".
Un tour sur Mode&Maison.fr ? "Je voeu dékorer ma chambre com celle kan on torture (Y) dans Game of thrones kkun peu maider stp ? "

Même sur Doctorissumo.org certains demandent où se procurer les poisons les plus courus chez les Lanisters...

Notez donc : j'en suis au tome 4 (découpage français - c'est à dire au coeur de l'intégrale 2) et bien décidée à poursuivre dans les mois à venir.

Quant à la série, je vais voir. Paraît qu'elle prend rapidement de plus en plus de libertés, par rapport aux romans. Ce n'est pas pour me plaire. Et surtout je ne cautionne pas la course au sensationnel nourrie par de la complaisance envers la violence sexuelle. Certes, la période moyenâgeuse décrite n'est guère propice au féminisme. En effet, c'est si souvent la guerre là-dedans que les 8 mai passent sans que quiconque ait le temps d'aller acheter un aspirateur pour la journée des droits des femmes. 

Je sais, je me répète, sur ce sujet, mais pourquoi non ? Certaines idées ne rentrent pas bien dans les cervelles bouchées... Dans un article de blog consacré à un roman d'une exquise délicatesse, dans lequel une femme contemporaine expédiée au XVIIIe siècle se console d'être violée parce que le gars ressemble à son petit copain donc ça va il est mignon, la lectrice, qui est une personne réfléchie, je le sais, écrit : "quelque chose m'a un peu dérangé, à mon goût il y avait un peu trop de scène de sexe" et  "je ne suis pas du tout d'accord avec tout ce côté anti-femme, mais d'un autre côté c'était la réalité de l'époque et il est parfois bien de se souvenir de l'histoire" (avant de le noter 10/10).

C'est un argument qui revient souvent "c'est pour la couleur locale, pour la véracité historique". Oui. Bon. Sauf que. Ce n'est pas tant ce qui est raconté, qui compte, que l'axe choisi pour présenter les évènements. Si je décris pendant 100 pages la vie d'un esclave dans un très historique champ de coton, avec le maître des lieux qui prospère et se réjouit de son petit domaine, je n'envoie pas le même message que si je m'attarde sur les coups reçus par l'esclave, son ressenti, sa douleur.

Je ne vais pas prétendre abruptement que tout récit doit orienter moralement son lecteur. Il existe forcément des romans qui jouent sur leur neutralité apparente en nous bombardant de faits dérangeants. Aucun titre ne me vient comme ça, mais je vous en prie, venez à ma rescousse. Quoi qu'il en soit, la plupart du temps, quand on aborde des questions morales, le positionnement ne laisse guère de doutes. Etrangement, quand on aborde certains sujets, c'est beaucoup plus flou et fleurissent les excuses "c'est pour l'Histoire" , "c'est de l'humour".

Pour en revenir à G.o.T, on y trouve par exemple nombre de femmes prostituées, mais je trouve leur image plus riche et nuancée dans les romans que dans la série. C'est flagrant combien la femme, dans le roman, est remplacée par un simple objet sexuel. Je vous invite à lire l'intégrale 1 avant de regarder la série et à comparer, si vous avez des doutes.

Et pour finir une leçon d'humour subtil, si vous avez besoin d'un autre exemple, avec Guillaume Meurice sur France Inter

 

Pour une fois qu'un de mes articles est dans le ton... on a jamais autant parlé du blanc que ces trois derniers jours, non ?

 

 

Lien permanent Catégories : Médecine générale 4 commentaires

Commentaires

  • Le Tesson ne me dit pas trop, en revanche l'adaptation ciné qui en a été faite est dans ma to-watch list.
    Quant à Got, j'avais essayé de regarder la série, j'ai tenu 5 épisodes. Trop de violence et de sexe gratuits pour moi :-)

    Tout récit oriente-t-il moralement son lecteur ? Voilà une question intéressante à laquelle je n'avais jamais réellement réfléchi. Mais je dirais que oui, probablement. A partir du moment où c'est de la fiction, je ne pense pas qu'il soit possible d'être neutre. Il y a effectivement toujours un angle qui oriente forcément le lecteur.
    Peut-être parmi la non-fiction... Un essai ? Peut-être qu'un essai peut être neutre. Encore que là aussi, il y ait forcément un angle.
    On dit qu'une oeuvre ne peut jamais être totalement objective de toute façon :-)

  • Je suis tout à fait d'accord ! L'objectivité... pffff... nous ne sommes que noeuds d'influences diverses. Et les essais, ça relève encore d'un autre système.
    Quant à la lisibilité, j'aimerais croire qu'on peut être subtil, ne pas être obligé d'écrire en gros : ceci n'est pas bien / ceci n'est pas ma vision du monde.
    Mais en ce moment, j'ai de forts doutes sur la capacités des gens et des lecteurs, à prendre de la distance et à s'interroger sur l'orientation de ce qu'ils lisent.
    Je suis en mode pessimiste.

  • Pareil pour moi, le Tesson ne m'attire pas plus que ça, et sans mes lunettes de soleil corrigées, j'ai peur que ça fasse beaucoup de blanc. Je vais m'en tenir à tes explications et à la vodka, je crois. Oui, je vais faire ça.

    Bon, avant d'en venir au débat sur l'apologie du viol et de la violence, il faut vraiment que je me remette à GoT. Je me suis arrêtée... à la fin du tome 1. Que j'avais adoré. Et un peu plus avancé dans la série, qui est effectivement contestable sur certains aspects, en particulier la surenchère de "glauquitude" (?) en ce qui concerne le traitement des femmes. Arg, trop tard, je suis entrée dans l'arène.

    Bien sûr qu'il est compliqué, voire impossible pour peu qu'on ait un avis sur la question, d'écrire de façon totalement neutre. Il existe beaucoup de façons de dénoncer, que ce soit de la dénonciation pure et dure ou de l'exagération volontaire. Ce qui n'est pas le cas dans ce merveilbeurk Le chardon et le tartan (écrit, soit dit en passant, par une femme). Ton parallèle avec l'esclavage va encore plus, il me semble : c'est comme si l'esclave, sous prétexte que le maître des lieux ressemble un peu à son père, demandait du rab de coups de fouets... Discutable, comme position, hein...

  • *encore plus loin

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