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Accidents de parcours

dérapages-thiéry.pngDérapages, Danielle Thiéry

Un roman policier déroutant. Comprenez que je me suis rapidement retrouvée hors piste... Un suspense inexistant, une écriture chaotique, un thème central survolé. J'annonce tout de suite la couleur pour ceux qui ne veulent pas perdre leur temps : tout mon article ne sera qu'une succession de critiques.

J'ai un peu honte de remercier le site Babelio et les éditions Versilio pour cette opération Masse Critique, sachant ce que je m'apprête à dire du roman. Pour ma défense, je dirais que je ne pouvais pas deviner, hein?

J'ai bien cherché à faire ressortir quelques points positifs, mais je n'ai trouvé au mieux que cet argument : quand le film "Machin" est bien,  on va voir avec plaisir "Machin 2" pour être le plus souvent déçu, ce qui ne nous empêche étrangement pas d'y retourner pour le 3e volet, parce que le masochisme est un art de vivre.

Du coup, puisque je ne découvre Danielle Thiéry qu'avec ce roman qu'on m'informe être son 20e, et qu'il s'inscrit dans une série mettant en scène le personnage de la commissaire Edwige Marion, je n'ai probablement pas toutes les cartes en main. On va dire qu'on est dans le creux d'une vague. Grande marée.

Pourtant c'était du pain béni pour moi : l'auteure a été la 1ère femme commissaire divisionnaire. Voici pour ma fibre féministe. Et on trouve des gays et des lesbiennes à chaque tournant de page. Et voilà pour ma fibre... euh... hum... bref, ça aurait dû être bien.

Commençons par le plus simple : titre, couverture, tout ok, très cool. J'aime les chromosomes. Fascinantes petites choses.

Ensuite la commissaire. Forcément, souvent, dans les longues séries comme ça, quand on ne connait rien du passé de l'héroïne il faut un peu de temps pour rassembler les infos. J'ai tout de même compris qu'elle avait eu un accident, qu'elle avait adopté deux filles, qui vivent à Londres au début de ce tome-ci. Qu'elle vit à présent en colocation avec deux collègues, un gay et une lesbienne.

Le gros problème de ce roman c'est qu'il n'a rien d'un roman. On dirait la retranscription d'une affaire réelle, aussi peu affriolante qu'un vol de mobylette dans la Creuse, mais qu'on aurait (mal) déguisée en roman à suspense en ajoutant des enfants difformes et des manipulations génétiques.

D'ordinaire, les policiers et les techniciens de labo rigolent devant des séries qui n'ont strictement rien à voir avec leur quotidien. Cette fois, j'ai l'impression qu'on a l'inverse, le roman qui cache désespérément qu'il ne fait que narrer l'avancée laborieuse d'une enquête. Très vite, la police possède le plus gros des informations, elle met simplement du temps à savoir qu'elle les a. Il faut trier, recouper, suivre les pistes.
Est-ce que le flic au travail a la sensation du "suspense"? Non. Nous non plus. Si je devais spoiler le roman, je ne saurais même pas quoi vous dire, tant on sait déjà à peu près tout dès le début.

 

L'histoire :

1) Un corps dont on ne peut déterminer l'âge, à la fois vieux et infantile, est retrouvé sur une plage.

2) Une femme subit un échange d'enfant : on lui prend son bébé pour lui refourguer une gosse difforme.

3) La fille de la commissaire débarque par le tunnel sous la manche, muette, tâchée de sang et traumatisée et l'autre fille ainsi que le mari (scientifique spécialiste du génome) de celle-ci sont introuvables.

Comme vous voyez, c'est encore un gros "+1  flic impliqué hyper personnellement dans l'enquête".

 

J'en arrive au coeur du problème. L'écriture. (Jusqu'aux 2/3, parce que pour être honnête, ça s'arrange sur la fin. )   Ce n'est pas un problème de réalisme, pas non plus exactement ce qu'on nommerait un problème de cohérence, plutôt une carence en matière de relecture, ou ce qu'un prof mal luné soulignerait rageusement sur une copie en notant dans la marge " Mal dit".

Démonstration.

1 - La femme fusée

Tout a commencé à la page 18 (dire que le roman s'ouvre page 12... La lune de miel aura été brève...) lorsque Jennifer se fait rentrer dedans (par l'arrière) par un autre véhicule. Puis ils sortent et l'autre conducteur la prend par le bras et la tire vers sa voiture à lui. En général, quand on rentre dans une bagnole, on ne peut pas dire que les distances de sécurité soient respectées, ce qui fait donc vraisemblablement un trajet de... quoi? 4m, 5m entre les deux portières conducteur? Pendant ce temps, Jennifer remarque une femme derrière les voitures. Elle la remarque même super bien puisqu'elle a le temps de faire un rapprochement entre son look et celui du conducteur indélicat qui est en train de la remorquer ("elle eut l'idée de résister mais ne le put"). Comptons arbitrairement qu'ils progressent à 3km/h. Ce qui fait un trajet de 6 secondes. Puis dès que le conducteur arrive à son véhicule, et on insiste bien sur la rapidité de l'action, il la lâche, monte, démarre en marche arrière et s'éloigne "rapidement". C'est alors que "de loin", Jennifer voit la femme qui était à l'instant derrière leurs voitures, monter à bord de l'autre véhicule.

Mais comment elle a fait, bordel, pour arriver "au loin", plus vite que le 4x4 de l'autre cinglé!!!? Elle avait une fusée dans la poche? Des bottes de 7 lieues??? Rhhâââ voilà, j'avoue tout, je me suis braquée à cet instant précis. Arrêtée. Ai relu le passage. Vous voyez bien ce que je veux dire, c'est pas impossible de décrire cette scène, un gars qui reprend plus loin une personne. Mais dit comme ça, on comprend autre chose, ou on ne comprend pas le déroulement, ça coince.

Et si ça n'avait coincé que là, j'aurais oublié. Mais pendant deux centaines de pages, c'est persistant. Phrases étranges qu'on relit pour comprendre. Décalages entre ce qui est écrit et ce qui est attendu. Étrangetés diverses qui auraient dû disparaître à la relecture.

Autres exemples car je ne voudrais pas qu'on m'accuse de condamner à la légère.

2 - A la louche (p84)

Il faisait partie du minuscule pourcentage de flics ayant pu accéder au grade de commissaire par la voie d'accès professionnelle qui permettait aux officiers âgés de plus de 50 ans de devenir "patron" []. Un quart des commissaires embauchés chaque année provenait de cette filière.

Et un minuscule impôt de 25%, ça vous tente?

3 - Association d'idées (p100)

Les deux premières phrases d'un chapitre:

"Jennifer avait terminé son festin depuis longtemps. Elle avait fini de nettoyer la douche pour faire disparaître une petite coulure de sang sur le mur [...]"

Alors euh... Jennifer n'a mangé personne, hein. On suppose qu'elle a pris un casse-croute avant de faire un peu de ménage. J'ai quand même bien rigolé. Vous croyez que c'était voulu?

4 -Ubiquité (j'espère que vous avez bien lu "ça m'intrique" mon article sur la physique quantique) p 121

Ce point numéro 4 est encore sujet à caution, après quelques consultations expertes et/ou téléphoniques.

Je vous situe: Il y a la capitaine qui doit être ailleurs, loin, en train de surveiller quelqu'un. Puis il y a la commissaire, chez elle. Coup de téléphone.

" Décidément, c'est la série", avait commenté la capitaine avec sa sobriété habituelle. Elle était toujours en faction à l'Hôtel-Dieu, se relayant avec Stéphane auprès de Nina. Marion avait appris de sa bouche ... "

Marion, c'est la commissaire. Qui raccroche, entend du bruit en bas, descend voir et trouve une femme nue devant le frigo et la capitaine n'est pas loin, elle sort du lit pour venir s'excuser. Elle n'est donc pas à l'Hôtel-Dieu???

Reste à savoir si
1) Elle possède un don d'ubiquité qui permet de conjuguer travail et "partie de baise" (c'est pas moi, c'est Marion qui le dit). Très pratique.
2) Elle roule vraiment très très vite, la police abuse des gyrophares. Et au lit, à cette vitesse là, je comprend même pas que la fille ait eu le temps d'avoir soif.
3) Le narrateur omniscient nous a menti. C'est très moche. C'est comme dire à un gamin que le père noël n'existe pas. 
4) Ce n'était pas une phrase de narration, c'était la suite de la conversation téléphonique, rapportée en discours indirect libre, c'est Valentine qui ment, donc, sur sa localisation, tout en faisant des trucs lubriques avec la main qui ne tient pas le téléphone et finalement mon exemple numéro 4 est caduque.

N'hésitez pas à voter, c'est gratuit.

5 - What the fuck??!! (merci à C'era pour son commentaire en cours d'écriture, ça résume l'ensemble!!)

Une dernière pour la route, de ces phrases qu'on retourne en tous sens en se demandant ce que ça vient faire là. Et croyez bien que le contexte n'éclaire en rien...

" - Essayez de trouver ce technicien, lui dit Marion pour le rasséréner.
Elle faillit ajouter "on ne sait jamais" mais se mordit violemment la langue. Elle n'en était pas encore là, Dieu merci."

 

Et il en reste. Cherchez !

 

Et lisez l'article de C'era, qui aborde la fin bâclée et autres réjouissances!!

Commentaires

  • (je me marre au fur et à mesure de l'écriture de ton billet, même si j'ai été témoin de tous tes "wtf?!!!" et partagé la plupart )

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