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  • Maison avec dépendance

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    Sous influences, Radclyffe Hall

    Avertissement: cet article spoil sans vergogne - surtout vers la fin.

    Moins d'une semaine après en avoir achevé la lecture, j'ai eu avec ma mère une longue et houleuse conversation. Une explication qui couvait depuis des années. Si le coup de téléphone était imprévisible, je n'ai toutefois pas eu besoin d'attendre d'avoir raccroché pour être sûre que beaucoup de choses n'auraient pas été dites, ou pas de cette façon,  si je n'avais pas été encore sous l'émotion de cette lecture. 

    Influence, donc.  Était-elle comprise dans le pluriel du titre celle là ? J'en doute, mais le lien est là, indéniable. Joan n'agissait pas. Elle était désespérante d'inertie , je ne pouvais décemment pas me défiler aussi.

    Je dois présenter mes excuses à Elizabeth, la préceptrice qui s'occupe des deux filles de la maison et perçoit, la première, chez l'encore toute jeune fille qu'est Joan, un potentiel intellectuel et qui n'aura de cesse de la pousser à étudier, entrer à l'université et faire médecine.

    Le père, militaire à la retraite, soigne sa nostalgie du bon vieux temps de l'armée et des colonies en tyrannisant la maisonnée, éreintant sa femme - déjà peu vaillante - et leurs domestiques de ses caprices et de ses colères.  Egoïste, il dilapide le peu d'argent qui aurait pu permettra à Joan et à sa soeur de s'émanciper. Inutile de vous préciser ce qu'il pense de l'éducation des femmes...

    Il est la première influence déletère, celle qui tourne en ridicule les aspirations de sa fille. Celle qui les rend matériellement impossibles.

    La mère est son pendant psychologique. Sa nette préférence pour sa fille ainée permet d'ailleurs à Milly, la cadette, de s'évader du domicile parental. Ce que Joan ne peut faire, tant sa mère la culpabilise, se repose sur elle, prétend ne pouvoir vivre sans elle à ses côtés. Dévorante possessivité dont Joan n'est pas toujours dupe mais qu'elle conçoit comme un fardeau à porter "pour un temps". Un temps qui s'étire et s'étire...

    J'ai mal jugé Elizabeth. En raison de son insistance à ôter Joan des griffes de sa mère - laquelle mène une guerre sans répit contre Elizabeth, devinant en elle la seule rivale, le seul amour, capable de lui arracher sa fille - j'ai pensé qu'elle était la 3e influence du roman, une 3e voix, plus sournoise que les deux premières parce que dissimulée sous de généreux motifs. (Point de non-retour pour le spoil)

    Mais je dois lui rendre justice. Les années l'ont fait. Scènes pitoyables où les premières rides apparaissent sur ses mains, ou l'épuisement du sacrifice d'une demi-vie se fait sentir... A espérer toujours remporter l'ultime bataille. Finalement, elle reçoit si peu. Quelques rares marques de tendresse éparpillées au fil des années. Et la certitude secrète mais jamais exprimée d'avoir été aimée en retour, mais pas assez pour vaincre l'ascendance maternelle. Elle aura tout tenté, et gâché sa vie.

    J'ai beaucoup pleuré, avant la fin, lors de la dernière rencontre avec Richard. Tellement prise par ces deux femmes qui se disputent Joan, par les années qui s'écoulent sans qu'aucune l'emporte véritablement. Usée, moi aussi, mais dans le courant, sans m'arrêter. J'ai d'ailleurs lu très vite le roman. Et puis ce témoin surgit du passé, comme une borne immobile, un stop. On s'arrête, on examine le chemin parcouru. Ou son absence de chemin. Richard qui se désole " ô Joan...", lui qui a tant fait, comme Elizabeth, pour la pousser à poursuivre ses études.  Et Joan, hébétée mais consciente, qui répond : "Je me suis laissée boucler, Richard".

    Pauvre Elizabeth. Triste Joan.

     

  • Noir c'est noir il n'y a plus d'espoir

    meurtres-redemption-giebel.jpgMeurtres pour rédemption, Karine Giebel

    Marianne. Prénom bien choisi et qu'est devenue la mienne, hein? Egarée dans les limbes bretonnes... les miennes. Qu'importe, il faut bien entrer dans les livres par les portes du souvenir.

    Lors de la dédicace, j'ai entendu C'era demander à Karine Giebel comment elle pouvait porter en elle autant de noirceur et, de son article, j'ai retenu l'extrême violence d'un roman en univers carcéral. Un an et 1000 pages plus tard, fin du roman et je souffle, râle sourd de chagrin, de rage, de frustration.

    Elle m'a touchée cette jeune femme... C'est bien beau de fantasmer une sécurité proportionnée à la quantité de barreaux qu'on pourra placer autour des monstres, encore faut-il savoir les distinguer. Marianne est une boule de rage pure. Elle a tué un pauvre vieux pendant un cambriolage, tiré sur un flic, handicapé à vie une femme enceinte...

    Vous vous êtes déjà retrouvé en état de rage? Vraiment disjoncté? Hors de vous? J'envie celui qui n'a jamais connu cela, croyez moi, c'est une autre porte que celle des souvenirs... d'un genre qu'on voudrait voir à tout jamais barricadée. Pire que les monstres des placards d'enfants.

    C'est peut-être pour cela qu'on lui pardonne, à elle, vite. Qu'on la comprend. Elle a besoin d'être désamorcée, voilà tout. Qu'on renverse un peu la vapeur, les décennies de rejet, de carences affectives. Ce qui n'arrive pas, bien sûr. Si ce livre est sombre, c'est parce qu'il sonne juste. Un monstre à la surface. Rien qu'un monstre à abattre.

    La perpétuité, c'est le coup de masse qui achève cette pauvre gamine et moi, par la même occasion. Dès le début, la sensation d'oppression est impressionnante... Jamais plus sortir, jamais plus la rue, la ville, la forêt. Jamais plus l'amour, la peau d'un homme. Jamais plus de vie en dehors des barreaux. Elle le mérite? Si on est à la place de la famille de ses victimes, sûrement oui.. Sinon ... c'est bien compliqué.

    Daniel m'ennuie encore davantage. Gardien de prison, un parmi une horde de brutes, complices de violence, trafiquants de drogues, violeurs... Les surveillants pénitentiaires en prennent pour leur grade. Daniel commence par se dire "tiens, cette fille est pas cool, si je la tenais en respect en exerçant sur elle un chantage à base de relations sexuelles contraintes et de promesses de doses d'héro?". Un gros connard et je me sens trahie lorsque le récit tente de me forcer à l'apprécier, quand il prend de la place dans la vie de Marianne.  Belle élection que celle qui ne présente qu'un seul candidat...

    L'une des surveillantes est encore pire. On en vient à la souhaiter morte, de toute notre âme... Ou pire. C'est dire si je me sens une gentille lectrice bien sage et morale, après ça.

    Conclusion, un roman qui ressemble à un combat de boxe, coup sur coup sur coups, sans répit, pas le temps de souffler. L'outsider part avec le handicap des mains liées dans le dos, même si elle se défend comme une furie, on se range de son côté, on tente d'y croire...

    Il y a de la folie dans ce bouquin, la folie du désespoir, comme on dit. Et une grande violence qui n'est pas tant dans les mots ou les scènes décrites - même si on ne nous épargne rien - que dans l'ordure humaine qu'il nous balance à la figure. Very bad trip, mes amis.

    Le rédemption ? ( Petit rire sarcastique ). A-t-on souvent l'occasion de pardonner, dans notre vie? Pardonner au sens catholique, passer l'éponge sur une chose grave. Effacer une erreur qui n'est pas la nôtre. Il me faudrait tout un concile de rédempteurs, si on commençait à mettre le nez dans ma vie... 

    Je comprends ce que tu voulais dire, C'era. Si chaque roman de Karine Giebel remâche cette angoisse d'une possible rédemption...

     

  • Aujourd'hui on fait maigre

    guérin,jeunes filles à croquer,seek for anorexique,disparaitre c'est le comble du régime réussiCherche jeunes filles à croquer, Françoise Guérin

    A quelques semaines de la nouvelle édition des quais du polar, je me décide enfin à découvrir deux auteures entrevues l'année dernière lorsque je servais d'âne porteur à C'era. Commençons par Mme Guérin, sympathique spécialiste des dédicaces énigmatiques! (Oserons-nous y retourner sans avoir résolu la précédente?)

    Derrière ce titre - dont j'apprécie la saveur - se cache un polar français tout à fait bien ficelé, tant qu'on ne s’intéresse que modérément à l'enquête en elle-même, ce qui ne me semble pas un gros problème.

    Je crois qu'après des centaines de romans policiers, tout à fait convaincue par l'expérience qu'à la fin on attrapera le coupable, j'ai cessé de me sentir le devoir de surveiller le travail de la police et de m'impliquer bénévolement dans l'analyse de la moindre preuve. Chacun son job.

    Combien de livres lus? Et autant de décors différents: antiquité, Moyen-Âge, Égypte,  17e, 18e, 19e siècle, milieu universitaire ou Middle West, châteaux ou  banlieues, Londres ou Katmandou, du centre de la terre au sol de Mars...

    Parfois je sais que le polar ne sera pour moi qu'un décor avec un peu moins de pyramides, moins de rideaux en velours et plus de cadavres mutilés qui trempent dans la boue et le sang. Me restent alors les personnages. Je suis sûrement en quête de quelque chose, sinon pourquoi est-ce que je continue à lire?

    J'ai découvert ici (second roman) le commandant Lanester, héros récurrent des romans de F. Guérin. Homme complexe, empli de doutes quant à sa vocation, accro à sa psy - mais Dieu merci, pour une fois, ni sa grand-mère ni son poisson-rouge, ni personne de son entourage n'est impliqué dans l'enquête, ça devient si rare qu'il faut le mentionner.  Je lui octroie 80% de l'intérêt de l'histoire.

    L'histoire... Ah oui, j'ai oublié de parler des anorexiques. Une horde de paisibles adolescentes maigrelettes et farouchement décidées à ne rien avaler, toutes parquées dans une charmante clinique en montagne par des parents très aimants et très dépassés. Mais la clinique est une vraie passoire, il en disparaît tellement des donzelles qu'on finit par mettre Lanester sur le coup.

    Et pis voilà quoi. C'était pas mal. Je me débrouille bien cette année je trouve. Je lis peu mais bien.