Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La femme magique

une place à prendre, roman social, littérature anglaise, joanne rowling voulez-vous m'épouserUne place à prendre, J.K. Rowling

Avis chrono'

Je n'ai rien à dire dans l'avis chrono, sinon que ce livre scelle à tout jamais mon entière dévotion à Mrs Rowling, que ça a été un coup de poing magistral et qu'il faut tout bien lire mon avis détaillé car je souhaite partager ce que j'ai ressenti et pensé de ce roman.


Je ne suis pas de la génération Harry Potter, celle qui a appris à aimer lire avec le petit sorcier à la cicatrice. Je dévorais déjà des livres depuis plus de dix ans, il n'a pas changé grand chose à ma vie. Sauf que je l'ai découvert un tout petit peu avant la grosse vague de notoriété. Juste assez pour être certaine que ma première impression n'était pas influencée par le battage médiatique. Je me souviens parfaitement: c'était un livre génial.

J'ai l'impression - j'ai eu l'occasion de le constater à quelques reprises - qu'à présent, ceux qui n'ont pas encore lu Harry Potter n'arrivent plus à franchir le pas. C'est tellement dommage de passer à côté d'un classique contemporain. Je n'irai pas jusqu'à comparer ça à jeter à la poubelle un tableau inestimable en songeant "c'est quoi cette vieille croûte?" mais il y a un peu de ça, quand même.

Je parle d'Harry Potter, je parle d'Harry Potter, toujours Harry Potter... et Mrs Rowling qui s'est battue pour qu'on ne fasse pas l'amalgame, qu'on ne compare pas... Comme je la comprends. Elle a tout fait pour éviter un trop grand choc à ses fidèles lecteurs, sans aucun succès, si j'en crois ce que j'ai pu lire à la sortie du livre.

C'est comme le zénith et son point opposé, le nadir. J'adore ce mot, "nadir", le point le plus bas à la verticale de l'imaginaire, disons, alors, dans notre cas. Si Harry est en haut, avec ses chimères, ses potions, ses sorts, sa magie, que peut-il y avoir dans l'autre sens?

Une banale place à prendre. Bien concrète et réaliste. Dans une bourgade anglaise, un gars qui n'a rien de spécial meurt d'une crise cardiaque qui n'a rien de mystérieuse - ce n'est pas un polar - et tout commence et finit là, dans notre monde.

Une place à prendre, c'est un pavé de presque 700 pages, à la couverture immonde - grâce à dieu, il retournera bientôt défigurer la (future) bibliothèque de C'era - qui ne fait jamais appel à plus petite bribe d'imaginaire. C'est une fresque sociale. Je ne suis pas bien placée pour savoir si ça a la portée d'un Balzac ou d'un Zola mais je sens que sous une autre forme, j'ai ressenti quelque chose de tout à fait semblable, ce sentiment de lire quelque chose de grand.

J'en fais sûrement un peu trop? Mais après trois semaines, j'appréhendais de m'attaquer à mon article, de manquer de matière, d'avoir oublié. J'ai été chercher le livre dans ma chambre et tout m'est revenu d'un coup et je me sens... amoureuse. C'est exactement ça. Amoureuse et exaltée. On en dit plein, des conneries, quand on est sous le coup de cette émotion... Qu'on regrette le lendemain, souvent. Ce qui est bien avec le blog, c'est la fonction d'édition.

Le roman traite, pour commencer, de l'ambition. Celle qui meut cette femme et ces hommes qui briguent le fauteuil de Barry, le défunt. Pour faire court, la petite ville bien bourgeoise de Pagford est bordée par une zone de logements sociaux. Barry soutenait cette cité défavorisée et la clinique de désintoxication. Ses opposants ne rêvent que d'une chose, se débarrasser de toute cette clique vite fait.

Ce roman est un gigantesque portrait minutieux d'une frange bien réelle de nos sociétés, j'utilise le pluriel car il est évident que ça dépasse l'Angleterre. Le message est en faveur des plus démunis, disons-le franchement, mais le message est moins important que le texte qui en est le vecteur: les portraits sont d'une grande richesse. Ne pas s'ennuyer sur 700 pages, rien qu'en suivant l'évolution de ces différentes familles, c'est quelque chose.

Mais le plus extraordinaire - et revoilà Harry qui pointe son nez - ce sont les enfants. Les candidats sont tous en âge d'être mariés et d'avoir des enfants adolescents dont nous partageons aussi les émotions et les actes. Qu'importe comment agissent les parents dans la course à la succession de Barry, les enfants sont là. On les croit spectateurs inutiles, mais c'est oublier combien les enfants sont attentifs, quand ils sont silencieux. Et tellement en colère...

Il y a une thèse à faire sur la relation de J.K. Rowling au thème de l'enfance malmenée. Si elle est déjà écrite, ce que je suppose vraisemblable, j'aimerais la lire. Ces ado sont bêtes et rebelles. Aucun n'est heureux. Les parents non plus, d'ailleurs, c'est bien pourquoi je soulignais tout à l'heure le réalisme du roman. La mesquinerie, la mésentente, les querelles conjugales, la frustration sexuelle, la dépendance affective et son corollaire, la violence, sont en germe ou déjà solidement enracinés dans chaque foyer. Les enfants ne sont pas tous des anges. Ils sont trop grands, déjà, ils ont mis le pied dans l'engrenage des adultes et veulent leur part du gâteau. Ceux qui sont les plus muselés et les plus soumis encore à l'autorité parentale sont aussi ceux qui portent en eux la colère la plus intense.

J'ai adoré ce livre. Lentement, au début, avec méfiance. Puis avec intensité, parce qu'autour d'un thème aussi simple, sans grands effets, je ne vois pas comment on pourrait plus efficacement et avec plus de sensibilité parler du monde.

Je termine sur le joyau du texte, le personnage qui à lui seul condense tout ce que j'ai pu dire ci-dessus: Krystal Weedon. Sa mère est une junkie, les services sociaux pourraient bien venir chercher son petit frère. Krystal vit dans cette fameuse cité qui divise le Conseil paroissial. Elle existe, elle n'est pas un fantasme que les uns agitent pour faire peur et les autres pour s'auto-congratuler. Krystal aboie, crache et griffe plus qu'elle ne cause et pourtant, il n'y a pas des millions de personnages, dans mes lectures, qui ont eu autant à me dire.

Ce livre est de ceux qu'on referme avec une furieuse envie de s'engager en politique... D'agir dans un sens ou un autre.

Pour revenir sur ce que je disais dans mon précédent article (Sérum), ce roman-là, celui de J.K. Rowling, je n'aurais pas pu l'écrire. On pourrait me laisser deux ans, cinq ans, ce n'est pas possible. Il faut des qualités dont objectivement, je ne dispose pas. Des qualités d'écrivain, du talent. On connait ma sainte terreur des rassemblements, des foires aux livres et des dédicaces. Ma trouille bleue de m'approcher d'un auteur. Il me semble ce soir, que pour cette femme là, non seulement je me déplacerais, mais je m'approcherais, émue et que rien ne me ferait plus plaisir que d'avoir croisé son regard. C'est une femme bien, une femme magique.

Lien permanent Catégories : Urgences 1 commentaire

Commentaires

  • Sourire...
    (oh oui tu l'as bien soigné cet avis et je te sens conquise et par ce roman et par J.K.)

    C'est que tu me donnerais envie de le lire à nouveau. Tellement de choses à voir et à entendre dans ces 700 et quelques pages. La "voix" des "enfants" est certainement celle qui m'a le plus parlé et donc touché.
    Rowling a un don et c'est un pur bonheur de la lire. J'ai beaucoup aimé son interview suite aux critiques essuyées post-publication du livre (suis sûre qu'elle continuerait de te charmer ^^).

    "défigurer" ma (future) bibli? m'en fous... entre tous au moins je le reconnaîtrai! La couverture du poche est moins criarde (un/des toits de maison, la nuit, tonalités mauves je crois)... Et sinon, je veux une explication à ça : "qui ne fait jamais appel à plus petite bribe d'imaginaire" :)

    Tu n'avais pas lu mon avis hein?

Les commentaires sont fermés.