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Un à la foi

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Avis chrono'

Quel livre! 700 pages d'une incroyable densité, 700 occasions de pénétrer la destinée d'Owen Meany et de s'en imprégner. 700 marches sur un chemin ascendant dont la destination finie par nous être connue ce qui nous laisse tout le temps d'admirer l'art d'Irving à nous y conduire.


La foi, Dieu, le destin et Owen Meany. Voilà le programme d'aujourd'hui. Commençons par la foi. La mienne est solide et véritable mais c'est une foi sans dieu, plutôt une morale bigarrée avec des règles étranges et exigeantes. J'écoute avec plaisir les croyants qui tentent de me persuader qu'il faut forcément un créateur à toutes les merveilles de la nature qui nous entoure. Je comprends que l'idée puisse être rassurante. Je n'y souscris pas. Quand bien même autre chose que le pur hasard aurait présidé à tout cela, il est inutile de chercher à communiquer avec ce créateur. Je trouve ça à peu près aussi vain et puéril que si je m'attendais chaque matin à trouver le designer de ma Ford assis sur le capot. Le travail est fini, basta, le mec est passé à autre chose.

La croyance n'est pas pour moi, mais la foi, c'est autre chose. Je l'ai souvent sentie et croyez-moi, Dieu n'était pas dans les parages. S'asseoir au bord de la mer dans un endroit bien calme, regarder dormir un enfant, croiser certains regards... De profondes convictions nous envahissent parfois. D'absolues certitudes, sans preuve. Alors, ça ne me dérange pas qu'un livre aborde la question de la foi religieuse, c'en est une parmi d'autres.

Plus j'avançais dans ma lecture de ce sublime roman d'Irving et plus le volume devenait concret et lourd dans mes mains. Quand on manipule un livre de poche comme une relique, qu'on l'ouvre avec intensité, qu'on y songe chaque fois longuement après l'avoir refermé, tout est dit, non?

J'avais peu de temps pour lire, je l'ai donc savouré par petits bouts pendant trois bonnes semaines.

Dieu est là pour Owen Meany. John, le narrateur, se fait son apôtre. Et moi j'aime Owen. Le roman tout entier est consacré à leur histoire d'amitié, aussi intense qu'une histoire d'amour. Au début de son récit, John nous explique qu'il croit en Dieu grâce à Owen Meany et il entreprend, depuis le Canada où il réside à présent, de nous raconter leur enfance dans la ville de Gravesend, USA. La grand-mère de John était une femme respectable, une notable. Sa mère, d'une grande beauté et dotée d'une voix magnifique, meurt avant de lui révéler l'identité de son père. Owen vit presque autant dans la famille de John que dans la sienne: un père dévoué corps et âme à l'extraction du granit et à la fabrication de monuments funéraires et une mère granitique, muette et quasi statufiée.

Owen, pourtant, tue accidentellement la mère de son ami lors d'un match de baseball. Dans ce roman, les années et les anecdotes se succèdent, désordonnées mais liées les unes aux autres. On cherche à comprendre ce que devient Owen, où est passée la balle de baseball, qui est le père de John, pourquoi ce dernier s'est réfugié au Canada... A côté de ça , les évènements défilent: la guerre froide, l'ère Kennedy, l'arrivée de la télévision, la guerre du Vietnam.

Le récit de John a pour fonction de nous faire croire en Owen et de nous faire partager son incroyable existence. Une destinée qui par contagion emplit à tel point la vie de John que celui-ci n'aura plus jamais par la suite besoin d'une autre personne dans sa vie.

Le destin, c'est le second grand thème du roman. Pour Owen, cette balle de baseball meurtrière est le signe que Dieu l'a choisi pour être son instrument sur terre et accomplir quelque dessein particulier, qui se dévoile à nous par petites touches jusqu'à la toute dernière page. Owen traverse l'existence avec cette certitude, cette foi absolue et l'autorité qui caractérise ceux qui ne doutent jamais. Une seule fois, près du but, Owen connaîtra le doute. Passage magnifique.

Owen Meany est un des plus beaux personnages que je connaisse dans la littérature. Tout en lui est remarquable, à commencer par sa taille: Owen est si petit qu'au catéchisme ses camarades s'amusent à se le passer de mains en mains au dessus des têtes. Mais la particularité suprême d'Owen, c'est sa voix: une voix si peu ordinaire que dans le roman elle est retranscrite en majuscules. J'ai occulté les caractéristiques objectives de cette voix. J'ai oublié si elle est aigue ou grave. Je ne l'ai même pas "entendue" pendant ma lecture. C'est l'incomparable voix d'Owen, petit bonhomme inimitable, si certain de tout que le monde autour de lui se plie à son destin. L'esprit d'Owen, ses convictions, ses marottes, ses collections... J'ai achevé ma lecture il y a deux jours et je peux parler de lui comme d'un frère.

Un tel personnage fait déjà d'un livre un grand chef d'oeuvre. J'ajoute encore que la construction du récit est magistrale. Comme je l'ai signalé, il s'agit d'une alternance de souvenirs et d'évocations de ce qu'est la vie actuelle du narrateur. Comme dans un thriller, on attend de savoir ce qui est arrivé à Owen. De souvenirs en souvenirs on reconstruit le puzzle. Puis enfin, on voit où tout cela va mener, mais il nous manque encore la plus importante des pièces - du moins c'est ce que l'on croit. En réalité toutes les cartes importantes ont été distribuées.

Le plus fascinant, dans ce livre, c'est que chronologiquement, l'aboutissement du récit ne pouvait pas être la fin du roman. Il serait resté trop de choses à nous dire, à expliquer. Trop de conséquences à détailler. Alors Irving se débrouille pour que même sans la pièce maîtresse, on sache d'avance ce qui se passe ENSUITE.  690 pages pour traiter du passé, du futur, des causes, des conséquences, de tout sauf de l'essentiel, en contournant habilement pour nous conduire enfin à cette scène finale et nous dispenser ensuite d'avoir à retomber émotionnellement.

Architecture grandiose qui compte autant à mes yeux qu'Owen. J'ai pas mal pensé à lui ces derniers jours, ainsi qu'aux autres romans comme celui-ci qui doivent encore m'attendre quelque part, mais où? Et comment les trouver?

Merci C'era! Cadeau très apprécié, tu vois!

Commentaires

  • Ton article me bluffe...
    J'ai tellement, tellement aimé ce roman que c'était obligé que je te l'offre. Ensuite, je n'ai eu qu'une crainte que tu ne l'apprécies pas. Alors OUF! Je suis heureuse que le personnage d'Owen Meany t'ai conquise!

    Bon sang j'ai lu Une prière pour Owen il y a si longtemps et pourtant je continue de sentir battre en moi l'exaltation que m'avait procuré cette lecture. Ce fut une telle claque! Il est LE livre que je recommande tout l'temps, celui dont le nom fuse immanquablement... Bref, je continue en vain de courir après le titre qui le détrônera...

    Owen est un Personnage exceptionnel, qui laisse son empreinte... irrémédiablement. Il m'a fascinée, émue, "bouleversifiée"... Les mots de John pour parler de son ami... Cette amitié-là c'était superbe aussi...

    Et oui, la construction du roman, l'écriture de John Irving magistrale! :)
    Parfois je m'arrête sur un de ses romans, hésite et le repose de peur d'être à nouveau déçue comme j'avais pu l'être par Le monde selon Garp... Une libraire m'a dit que Une prière pour Owen était vraiment un roman à part d'Irving et que les autres ressemblaient plus à LMSG. Dommage dommage (enfin pour moi, je sais que d'autres apprécient l'ensemble de son œuvre).

    Comme je te l'ai dit, je crois qu'en définitive je ne le relirai pas. J'ai envie de garder sans nuances le sentiment que ce roman m'a laissé il y a fort fort longtemps...

    ps : j'ai vu tes larmes à la fin, elles m'ont plu... non pas par pur sadisme, juste parce que j'ai su à ce moment-là que tu avais aimé et que donc rétrospectivement c'était un beau cadeau :)

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