L'aveuglement, José Saramago
Avis chrono'
Le style peu commun de José Saramago se confirme. La ponctuation n'est vraiment pas son affaire. Le contenu est le mélange aride d'un thème plutôt spectaculaire et d'une réflexion philosophique sur la nature humaine.
Cette seconde lecture d'un roman de l'auteur portugais Saramago était un test. Après Tous les noms, génée par l'écriture excentrique avare en ponctuation, mais sensible à l'histoire racontée, j'ai suivi le conseil laissé en com' par Cryssilda et emprunté L'aveuglement. Cette fois, mon opinion est faite, je n'y reviendrai pas.
L'idée semblait alléchante: une épidémie de cécité frappe l'humanité. En quelques jours, tous deviennent aveugles. Géniale, non, cette hypothèse? Je crois que j'aimais tellement cette supposition initiale que mon imagination s'était déjà brodée un scénario à son goût:
De l'action, déjà, un récit musclé, un début bien alarmiste : (Musique) Cet homme (gros plan) Cette femme (gros plan) ça pourrait être vous!! ( Cris des néo-aveugles, larmes, etc.)
Puis la déchéance, la multiplication des situations difficiles, voire critiques: Je me suis trompée, j'ai mis du sel à la place du sucre! - Tu es sûre que les toilettes c'était bien la 2e porte à gauche? - Je suis sûr que je suis mal coiffé, touche pour voir, aïe c'était mon oeil.
Ensuite, bien sûr, peu à peu, l'accomodement, initié par un leader charismatique: Cessez de vous plaindre, bande de gonzesses, pensez que vous échappez ainsi: à votre métier de pilote de ligne, à la sale gueule de votre nana au réveil, aux matchs du PSG et aux romans de Saramago.
La renaissance finale: Cet handicap est une bénédiction! C'est sans lui que nous étions aveugles! THE END. Sortez les violons.
C'est de ma faute, aussi. Si j'écrivais mes livres au lieu de lire ceux des autres, ça n'arriverait pas! (Pour soutenir une future jeune auteure, envoyez vos dons!)
La première partie pourrait être un vrai coup de poing dans la conscience du lecteur. Mais l'invraisemblance de l'intrigue dessert la morale: les aveugles sont parqués dans un bâtiment et en moins de deux, ça tourne au grand n'importe quoi. Morts et meurtres, viols... Autant je conçois que nous ne sommes que des animaux, que nos instincts les plus vils n'attendent qu'une étincelle pour se réveiller, autant j'ai trouvé tout cela très mal amené.
J'ai eu peine à croire, par exemple, qu'une vingtaine d'aveugles soient incapables de prendre soin d'eux un minimum. Là, en deux jours, ils ont fait leurs besoins partout, semblent incapables d'envisager de prendre une douche, ou de distribuer équitablement la nourriture. Vous savez comme je suis tatillonne sur ces histoires de cohérence. ça ne pouvait pas passer. Il y a bien un leader, une femme, qui, seule, échappe à l'épidémie et voit tout. Mais justement, elle n'a rien d'un guide, elle ne fait strictement rien pendant bien trop longtemps...
Puis, d'un coup, après un déferlement de souillures et de crimes, tout change. Les aveugles sortent et là, pour le coup, on se rapproche de ce que j'attendais. Errance pénible dans la rue, pénurie d'alimentation, absence d'électricité... Oui, parfait. Bien plus intéressante cette réflexion sur le quotidien d'une société entière rendue aveugle. Mais cela arrive trop tard, c'est plus mou que ce qui précède et surtout, sans aucune tension. Sans but. Je ne crains plus pour les personnages (c'est trop tard, le pire est déjà passé), je n'attends plus rien et de fait, plus rien ne se passe. Là, je m'incline, c'est cohérent.
Je crois que ce qui me gène, c'est vraiment ce mélange d'un thème vendeur, grand public, dont on attend surtout de la distraction sans forcément d'originalité et de cette écriture vraiment littéraire, avec la réflexion que l'on perçoit bien malgré tout. J'en sors avec l'impression que l'on a mal mélangé l'huile et le vinaigre.
" C'est ma faute, pleurait-elle, et c'était la réalité, impossible de la nier, mais il était vrai aussi, si cela pouvait lui servir de consolation, que si avant chaque acte nous nous mettions à y réfléchir sérieusement, à en prévoir toutes les conséquences d'abord immédiates, puis les conséquences probables, puis les conséquences éventuelles, puis les conséquences imaginables, nous n'arriverions jamais à bouger de l'endroit où la première pensée nous aurait cloué sur place. "
Je tiens à le signaler, j'ai achevé cette lecture le 22 octobre, ce qui me fait tout juste un mois de retard dans mes avis... Avant la fin de l'année, je boucle tout, quitte à cesser de lire!
Commentaires
Pour un livre lu y a un mois, je trouve que tu en as un souvenir assez vif encore. Décidément cet auteur ne te réussit pas vraiment. Je crois que je me contenterai de lire "tous les noms" et basta. Merci pour le clin d'oeil :)
Je retourne faire ma marmotte!
Cesser de lire ? Voilà une drôle de résolution....
Oh ! j'étais passée à côté de cette chronique ! Eh bien, si le livre ne t'a pas plu, ta chronique aura eu le mérite de me faire rire :)