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So sade

philosophie_boudoir_sade.jpgLa philosophie dans le boudoir, D.A.F. de Sade

Avis chrono'

Ne voir aucun lien avec la fin de l'article précédent où je déclarais que les romans pour la jeunesse manquaient par trop de sexe à mon goût. Simple hasard de calendrier, je traînais cette lecture entamée depuis près d'un an et j'en suis enfin venue à bout, dans la souffrance. Je suis mûre pour 50 shades, ce sera même du pipi de chat! Sade c'est violent, odieux, choquant et pas moyen pour moi de savoir à quel degré prendre ça. Préparez-vous à un article fleuve, j'ai des choses à dire!

"Que nous font, osent-ils dire, les douleurs occasionnées sur le prochain? Les ressentons-nous? Non; au contraire, nous venons de démontrer que de leur production résulte une sensation délicieuse pour nous. A quel titre ménagerions-nous donc un individu qui ne nous touche en rien? A quel titre lui éviterions-nous une douleur qui ne nous coûtera jamais une larme, quand il est certain que de cette douleur va naître un très grand plaisir pour nous?"

Par où commencer? La philosophie dans le boudoir, autrement dit par là où pensent les hommes, paraît-il... Pour ceux qui auraient un doute, si Sade nous a légué sous son nom le charmant concept de sadisme, ce n'est pas en asseyant ses personnages sur des causeuses pour débattre. Ceux-ci ont bien plus souvent les parties charnues à l'air, voire emboîtées les unes dans les autres avec parfois beaucoup d'inventivité.

A condition de s'en tenir aux toutes premières pages, c'est une lecture stimulante, y'a pas à dire...

Eugénie arrive chez Mme de Saint-Ange dans le louable but de s'instruire. Vraiment, que le XVIIIe siècle était progressiste, à tant s'investir dans l'éducation du sexe faible! Aussitôt se joignent à la partie un frère et un ami (quelques autres figurants, plus tard, pour l'effet de masse). Chacun donne de sa personne pour instruire la demoiselle de fond en comble, sans rien oublier et la débarrasser de toute pudeur inutile. C'est aussi détaillé qu'un film post-W (ou pré-Y). Et tellement plus audacieux! On sent qu'ils n'avaient pas la télé et qu'il fallait compenser les soirées fraîches d'hiver en faisant un peu d'exercice.

Bien sûr, vous vous demandez, comme moi lorsque je me suis penchée sur ce classique de notre littérature, où se situe la philosophie là-dedans. Sachez donc que ces experts en développement personnel sont particulièrement aguerris et donc, parfaitement disposer à deviser tout en conduisant leur jeune disciple au sommet de la connaissance. Ainsi, ils prendront le temps d'examiner quelques notions cruciales, comme celles de la pudeur, du plaisir, de la vertu, de la famille ou de la religion toutes aussi inutiles les unes que les autres. Vouloir, c'est pouvoir, sans aucune limite.

Le discours anti-clérical de Sade est particulièrement étayé. Dieu est une chimère, la nature seule est maîtresse de tout. (Je résume, je précise ne suis pas une experte de Sade et que je n'ai pas étudié le texte en détail). Les moqueries fusent, dans des passages délicieusement sacrilèges:

"Des rites bizarres s'instituent sous le nom de sacrements, dont le plus indigne et le plus abominable de tous est celui par lequel un prêtre, couvert de crimes, a néanmoins, par la vertu de quelques paroles magiques, le pouvoir de faire arriver Dieu dans un morceau de pain."

Le texte est divisé en sept dialogues, le 4e s'intitule "Français, encore un effort si vous voulez être républicains". Les protagonistes n'y font plus de galipettes, il leur faut bien un peu de répit (à nous aussi!) mais en profitent pour justifier, dans une argumentation serrée, le meutre, le viol (y compris sur des enfants) , l'inceste, bref, toutes les barbaries dont l'homme est capable. 

J'ai toujours eu très envie de suivre un cours complet sur Sade, pour savoir enfin ce qu'il pensait vraiment et ce qui relève de la provocation. Car ce qui est déroutant, ce qui choque encore plus que tout ça, c'est qu'en certains passages, il donne véritablement envie d'adhérer à ses théories. Certaines sont même en quelque sorte devenues des piliers de notre société.

De la séparation de l'église et de l'état:

"Que l'on évite donc avec le plus grand soin de mêler aucune fable religieuse dans cette éducation nationale."

Du mariage forcé:

"Considère en effet, Eugénie, une jeune fille à peine sortie de la maison paternelle ou de sa pension, ne connaissant rien, n'ayant nulle expérience, obligée de passer subitement de là dans les bras d'un homme qu'elle n'a jamais vu, obligée de jurer à cet homme, aux pieds des autels, une obéissance, une fidélité d'autant plus injuste qu'elle n'a souvent au fond de son cœur que le plus grand désir de lui manquer de parole. Est-il au monde, Eugénie, un sort plus affreux que celui-là?"

De l'infidélité / de la liberté individuelle:

"Mon libertinage ne touche mon mari en rien; mes fautes sont personnelles. Ce prétendu déshonneur était bon il y a un siècle; on est revenu de cette chimère aujourd'hui, et mon mari n'est plus flétri de mes débauches que je ne saurais l'être des siennes."

De la peine de mort:

"On doit supprimer cette peine, en un mot, parce qu'il n'y a point de plus mauvais calcul que celui de faire mourir un homme pour en avoir tué un autre, puisqu'il résulte évidemment de ce procédé qu'au lieu d'un homme de moins, en voilà tout d'un coup deux, et qu'il n'y a que des bourreaux ou des imbéciles auxquels une telle arithmétique puisse être familière."

Sade milite pour la création de maisons closes destinées au plaisir des femmes. Mais ailleurs il justifie ainsi le meurtre:

"Et qu'est-ce que la guerre, sinon la science de détruire ? Étrange aveuglement de l'homme, qui enseigne publiquement l'art de tuer, qui récompense celui qui y réussit le mieux et qui punit celui qui, pour une cause particulière, s'est défait de son ennemi ! N'est-il pas temps de revenir sur des erreurs si barbares ?"

Je repense à la lettre d'amour écrite à sa femme, dite "ma lolotte", lue dans ce recueil le mois dernier... ça devait vraiment être un type bizarre mais fascinant.

Quant à la fin de la philosophie dans le boudoir, quelle apothéose! Un bouquet final d'une cruauté que je ne peux même pas qualifier... Une odieuse scène, un viol barbare, à vous mettre le coeur au bord des lèvres.

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Commentaires

  • Je te rejoins sur le fait que par moment, certaines de ses idées sont pertinentes. J'aime beaucoup la manière dont il développe son idée de l'état de nature.
    Sur la question de la rupture du contrat social et de la justification du vol, il y a un passage très intéressante dans la Justine ou les infortunes de la vertu, par contre la séparation entre passages pornographiques et passages philosophiques y est beaucoup moins nets et il va plus loin dans les scènes de tortures, mais il reste intéressant à lire pour approfondir la pensée de Sade.

  • Si je ne me trompe pas, j'ai dû lire Justine à l'époque lointaine de la fac... Si ce n'est elle, c'est donc sa soeur.
    Je me souviens d'une brochette, au sens propre comme au figuré, de moines lubriques, non?
    Je confonds peut-être.
    Et donc, puisque tu sembles t'y connaître, saurais-tu s'il croyait vraiment à ses propositions les plus amorales?

  • Aucune idée, je me suis intéressée à ses idées, pas au personnage même. Il est très utile en dissert de philo pour contrer Rousseau.
    Oui, dans Justine, il y a les moines lubriques, qui sont en fait assez soft par rapport aux libertins des 120 journées de Sodome.

  • Ah, ce mélange de luxure et de philosophie.... Sade était un maitre du genre, pas de doute.

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