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Voyage en terre inconnue

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Avis chrono'

Un recueil de nouvelles mexicaines dont le point commun affiché, l'oranger, n'a que peu à voir avec le contenu. Les nouvelles historiques sont de véritables perles, magnifiquement rédigées (et encore, je n'ai qu'une traduction). En revanche, les deux dernières nouvelles appartiennent à un genre très différent... Je me suis demandé ce qu'elles faisaient là et je les qualifierais de médiocres.

J'ai sérieusement importuné la bibliothécaire, je commence donc par rendre hommage à sa patience. Une "cliente" - comment dit-on? Une abonnée? - qui débarque en demandant si par hasard il serait possible de faire une recherche par nationalité d'auteur pour trouver, par exemple, des romans guatémaltèques... ça promet pour un début de journée.

Mais c'est que voyez-vous, je suis lancée très sérieusement dans mon tour du monde et que la taille modeste de ma nouvelle bibliothèque ne me permet pas toujours de trouver les titres que vous m'avez recommandés si gentiment. Voyant que l'outil informatique ne le permettait pas, je me suis rabattue sur l'outil humain (oui, dans cet ordre, je suis une odieuse geek) en revoyant mes espérances à la baisse et en lui demandant si par hasard elle connaîtrait un roman mexicain. Elle m'a immédiatement conseillé Carlos Fuentes et je suis repartie avec cet oranger à la couverture rébarbative.

Quelle découverte! Je parle de celle de l'Amérique. Christophe Colomb, les grands navigateurs - les naufrages et les mutineries - tout ça, la conquête de l'Ouest, enfin de l'Ouest après l'Atlantique. L'émerveillement devant des peuples nouveaux et si différents - leur massacre parce que vraiment ils sont trop différents - et l'or abondant - et les maladies vénériennes! Whaouh!

Même moi dont les connaissances historiques se résument à 1492 et 1789 j'ai craqué pour ces nouvelles érudites. Ce Carlos là a du style. Plus que l'autre, le gros barbu bisouilleur.

Ce sont donc cinq nouvelles, moins deux que vous pouvez boycotter, que je vais vous présenter:

Les deux rives

Jéronimo de Aguilar, conquistador, nous raconte son histoire du fond de sa tombe, où il réside depuis sa mort (heureusement pour lui, enfin... qu'il était mort avant d'être enterré - par contre pas de bol pour la vérole). Cet homme, influent car il est au départ le seul interprète et peut se permettre de tourner les échanges à son avantage, revient sur des épisodes marquants de la conquête du Mexique: les luttes de pouvoir, ses tentatives pour défendre les indiens jusqu'au jour où arrive la femme...
Il le fait dans un récit qui prend à rebours la chronologie. Nous partons de sa tombe pour aller vers le moment où Cortes l'a pris à son service. Une ode au pouvoir du langage.  J'insiste, l'écriture est superbe. Extrait:

"Nous entrâmes dans cette vie naturellement, parce que nous n'avions pas d'autre horizon, certes, mais surtout parce que la douceur et la dignité de ces gens nous séduisirent. Ils possédaient si peu, et pourtant ils ne désiraient pas plus. Jamais il ne nous racontèrent ce qui était arrivé aux habitants des splendides cités, pareilles aux descriptions bibliques de Babylone, qui veillaient comme des sentinelles sur les tâches quotidiennes du village [...] nous en conclûmes que les nations indiennes s'étaient entre-détruites tandis que les peuples avaient survécus, plus fort dans leur faiblesse que les puissants."

Les fils du conquistador

Parmi les fils d'Hernan Cortés, présenté ici comme un chaud lapin, se trouvent deux jeunes hommes, Martin I et Martin II, l'un fils d'une espagnole, l'autre d'une indienne. Pour cette raison, ils connurent deux destinées différentes. Chacun leur tour, ils prennent la parole et racontent. La puissance de leur père. Ses démêlés avec le roi d'Espagne. La richesse d'un Elodorado et les complots qui couvent sur une terre riche, fertile et nouvellement conquise. Un autre texte magnifique.

Les deux Numance

Autre nouvelle, autre pirouette stylistique, un peu plus artificielle cette fois. Pour nous raconter un morceau de l'histoire romaine, à savoir le siège de Numance par Scipion Emilien , le "second Africain", petit fils du premier, les paragraphes se succèdent en déclinant à l'envers les pronoms personnels. Le premier passage commence par "Eux", le second par "Vous", puis "Nous et ainsi de suite jusqu'à la voix "Je"  de Scipion. Puis on repart dans l'autre sens... En dehors de cette curiosité amusante, le texte est aussi documenté et passionnant que les précédents.

Apollon et les putains

A partir de là, ça se gâte. Je vois le titre. Puis je vois "DC-9", "compagnie Delta" et "aéroport" et je subodore qu'on a changé non seulement de lieu mais aussi d'époque et que ça ne va pas être aussi érudit. Puis un mec du show-biz meurt sur un bateau, en pleine érection, entouré de sept putes qui ne savent pas naviguer et finissent par lui bouffer les testicules... Et là je me dis que je suis vraiment une fille pleine d'intuition. Et que le ***** qui a inventé la notion de "recueil"  de nouvelles aurait mieux fait de s'abstenir. D'accord, il y a un oranger, comme dans les trois récits précédents...Mais euh? qu'est ce que ce texte fiche ici?

Les deux Amériques

Ouf! On retourne chez les grands navigateurs! Christophe Colomb dans des pages d'un lyrisme touchant nous dépeint son Nouveau Monde idyllique. Je me pense sauvée! Las! vingt pages plus loin, mon Christophe ne tarde guère à être alpagué par... par... j'ai presque honte de le dire... Par des nippons à mallettes noires et pompes en croco qui lui font signer un contrat pour son petit coin de paradis et s'empressent d'y construire des hôtels... navrant.

"Je signai, hébété, tous les contrats concernant les débits de boissons et de poulet rôti, les stations-service,  les motels, les pizzerias, les marchands de glaces, de journaux, de tabac, de pneus, d'appareils photo, les supermarchés, les automobiles, les yachts, les instruments de musique et plus d'et cetera que tous les titres des rois d'Espagne pour lesquels j'étais parti à la découverte de nouveaux mondes. "

Lien permanent Catégories : Pharmacie 4 commentaires

Commentaires

  • J'aime bien le titre de ton billet, on y sent le dépaysement.

  • J'aime ta façon de livrer ton ressenti de lecture entre humour (oui encore une fois j'ai ri!) et sérieux. Tu donnes effectivement envie de lire ces 3 premières nouvelles, je regarderai si ma bibliothèque l'a (sans passer par la case question guatémaltèque, à moins que je ne fasse un test voir si "l'outil humain" est efficace par chez moi ^^).
    En attendant, quel rapport à l'Oranger, tu as trouvé dans chaque nouvelle?

  • mmh je ne me suis pas plus interrogée que ça sur la question. J'ai remarqué qu'il était chaque fois question de graines d'oranger, transportées par les uns ou les autres, parfois d'un oranger qui avait poussé ici ou là, mais je n'ai pas été assez attentive pour dire si c'est le même arbre dans les différentes nouvelles, si les graines se transmettent d'une histoire à l'autre. Je suppose que cet arbre est symbolique.
    Pour ma part, je l'ai trouvé anecdotique.

  • Simplement un terme comme fil conducteur entre les différentes nouvelles alors? L'oranger est peut être un arbre symbolique pour le Mexique?

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