La Thébaïde, Jean Racine
Avis chrono'
Ma préférée des trois pièces de Racine lues cette année! Histoire des célèbres descendants d'Oedipe, Antigone en tête, famille poursuivie par des dieux taquins qui tuent un peu tout le monde. L'intrigue amoureuse est réduite au minimum, mais les morts sanglantes se multiplient! Vous voyez que je sais apprécier une tragédie!
Je viens de re-découvrir qu'à une époque je structurais mes avis. On se tente ça?
Contexte de lecture
Je n'ai plus l'oeuvre sous les yeux (j'avais plus de deux semaines de retard à la bibliothèque et je tremblais que la police vienne frapper à ma porte), je serais bien en peine de retrouver la date, les sources de la pièce mais je crois pouvoir avancer sans trop de risque que c'est une tragédie en cinq actes du XVIIe siècle.
Encore une!? Me direz-vous. Oui, quand j'aime, je ne m'arrête pas à "1", je pousse jusqu'à "2" et même, les soirs de folie, jusqu'à "3".
J'ai voulu tricher et me garder celle-ci pour la fin, parler d'abord de Britannicus. Mais mes notes ne sont pas encore au propre.
L'histoire
Le titre fait référence à Thèbes, ça a l'air évident comme ça mais je n'y ai fait attention qu'en découvrant Antigone dans la liste des personnages. J'ai respiré, d'un coup, parce que pour une fois, je connais un peu l'histoire. J'ai dû lire deux ou trois fois la pièce d'Anouilh et j'ai assisté à la performance d'une comédienne fascinante l'année dernière, qui a gravé le mythe dans ma mémoire. Je la bénis.
Thèbes, c'est la ville dont Oedipe a été roi après avoir tué son père et épousé sa mère. Il finit par se crever les yeux avant d'aller mourir quelque part en exil. Thèbes est promise à ses deux fils, Etéocle et Polynice, lesquels doivent régner en alternance, un an chacun.
Quand la pièce débute, le conflit est déjà bien avancé: Etéocle est vissé à son trône, son frère a décidé de lever une armée pour attaquer la ville et prendre son tour de règne. La mère est désespérée, la soeur aussi... Il n'y a qu'oncle Créon qui se frotte les mains...
Vue d'ensemble
L'ensemble m'a plu, peut-être en partie parce que j'étais déjà familière de l'histoire, dans une version différente, mais pas seulement. J'ai trouvé ça un peu gros, un peu exagéré, ces morts qui s'accumulent sur la fin, cette persécution familiale. L'extrême de la situation lui donne un petit air de... Dérision? Je ne sais pas... Pas de tendresse pour les personnages... Pas de rire non plus... J'ai senti une distance vis-à-vis de l'aspect "tragique". Je sens que je m'embrouille là... Désolée.
Le pouvoir est le thème central (l'amourette entre Antigone et le fils de Créon, Hémon, est très secondaire), j'ai trouvé le thème plein d'echos modernes. Partager un règne "en alternance", l'idée semble déjà si sotte à la base, qu'on n'arrive pas à s'étonner qu'ils en viennent à s'entre-tuer. Tout le monde sait que l'ambition rend fou et qu'un gars accroché à son royaume ne risque pas de s'offrir une année sabbatique.
De plus, c'est présenté comme un devoir, comme un acte de bravoure (il y en a même un qui se sacrifie) comme s'il fallait absolument contrebalancer une situation absurde par une surenchère de sang et de belles paroles:
« Et du sang de ses rois il est beau d'être issu
Dut-on rendre ce sang sitôt qu'on l'a reçu »
(Cette fois j'ai pensé à relever mes vers préférés!)
Plus sérieusement, j'ai trouvé ça fascinant et complexe, dérangeant, même. Chacun campe sur des positions différentes, l'un est le maître et compte le rester. L'autre brigue la place et avoue froidement que s'il faut pour cela tuer son peuple avant de le gouverner, il va le faire.
La mère ne veut pas prendre position un coup elle est naïve et pense qu'ils vont se faire des câlins, trois secondes plus tard on lui annonce la paix et là, elle est méfiante. Quant à la soeur... Je n'ai pas vraiment fait attention.
Un personnage saisissant
J'ai gardé mon chouchou pour la fin. Créon est d'un cynisme qui ne peut que me plaire. Par devant, il fait semblant de chercher la paix, par derrière, il reconnaît verser de l'huile sur le feu entre les deux frères, dans l'espoir de finir par obtenir la place.
Il reste sourd aux avertissements:
« Vous n'avez plus, Seigneur, à craindre que vous même;
On porte ses remords avec le diadème »
Il ne connaît pas le remord parce qu'il pense que seul le premier crime coûte, alors, bon, c'est trop tard quoi, c'est déjà fait.
Il perd un fils, puis deux... Bon... On vient à peine d'annoncer à Antigone la mort de je ne sais combien de ses proches, il la demande en mariage.
C'est... glaçant et fascinant.
Mais là encore, le personnage de la pièce d'Anouilh est peut-être encore présent dans ma mémoire.
Je me demande quand même pourquoi cette pièce de Racine n'est pas plus connue... (elle l'est?)
Je vous laisse sur ces vers qui posent une question d'actualité, sur la légitimité de la tyrannie, vous avez deux jours pour répondre en argumentant:
« Est-ce au peuple, Madame, à se choisir un maître?
Sitôt qu'il hait un roi doit-on cesser de l'être? »
Ce livre pour...?
Ce livre pour les frileux qui n'aiment pas le théâtre classique et veulent tout de même lire une tragédie. Je ne sais pas si elle respecte bien les règles du genre, mais je l'ai trouvée simple à lire, limpide et pleine d'intérêt.