Nouvelle sparte, Erik L'Homme
Si vous avez une étagère dans votre bibliothèque au carrefour entre l'antiquité et le futur, c'est là qu'il faut poser ce roman, qui m'a secouée un peu de ma torpeur et marque peut-être la fin de mon hibernation estivale. J'attends juste la confirmation que le thermomètre de la chambre ne repassera plus la barre des trente degrés la nuit...
Valère et Alexia, seize ans, vivent dans une société légèrement postérieure à la nôtre, dans une cité-état au bord du lac Baïkal, dotée d'une technologie avancée mais dont la principale particularité est d'être un curieux mélange d'inspiration antique avec culte de l'exercice physique, temples dédiés aux dieux grecs (et la référence à Sparte bien entendu) et de valeurs communistes ( mise en commun des ressources, travail au profit de la communauté).
Tandis que le reste du monde a sombré dans la consommation à outrance, que les inégalités entre les classes sociales se sont creusées, que la pollution est devenue la norme, Nouvelle Sparte est un écrin de nature, de sagesse, de vie saine, d'équilibre entre développement personnel et collectif. Même la religion me convient :
"Il sait aussi que les dieux ne font pas de miracles mais donnent aux âmes la force de les accomplir"
Un paradis sur terre, pour lequel je suis prête à signer de suite !
Nos deux jeunes héros, amoureux, viennent juste de terminer leur kryptie, ce rite de passage qui les fait entrer dans l'âge adulte, quand des attentats viennent briser la tranquillité de la cité. Pour découvrir les instigateurs de ces crimes, Valère va devoir quitter le seul monde qu'il connaît, pour s'infiltrer dans une version sombre du nôtre.
Ce roman jeunesse, dont la seule faiblesse est une intrigue un poil trop linéaire et prévisible, est à la fois un récit initiatique, un roman d'espionnage, le support à une réflexion sur la xénophobie et un morceau délicieux de poésie. Car l'écriture est à l'image du récit - difficile à décrire, déjà - à la fois ampoulée, d'un lyrisme exagéré, surannée mais bourrée de néologismes ou de combinaisons inédites de termes qui ralentissent la lecture et nous obligent à examiner les formules choisies, ce qui n'est pas plus mal. Avec l'habitude et la crainte de ne jamais réussir à lire tout ce que je voudrais lire, j'ai parfois l'impression que mes yeux traversent les romans à bord d'un 4x4 du Dakar.
Comble de l'ironie, je n'ai été gênée que par l'usage olé-olé des temps et des concordances. L'hôpital qui se fout de la charité, je sais...
"Elle lui sourit - chaleur-dans-son-coeur. "J'y serai." Il sort de la taverne alors que le soir se muait en nuitée."
C'est aussi une histoire d'amour, traitée à travers le thème de la séparation. D'amour et de désir, le corps n'est pas oublié. Je souscris à cette vision de la sexualité naissante, c'est joyeux, sans pudeur excessive, cash et très doux, comme j'aime. A cause de ces quelques propos sur le sexe, de l'âge des protagonistes, de mon petit côté vierge effarouchée, de ma tendance à croire à l'innocence des enfants jusqu'au baccalauréat, mais aussi de l'impression globale de maturité, le roman me semblait plutôt destiné à des ados, toutefois le débat est toujours ouvert. Solessor confirmera : à partir de 10 ans, elle conseille.