Viol, Botho Strauss (d'après Titus Andronicus de Shakespeare)
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Avis chrono'
Le cran au dessus, cette fois, avec cette pièce dense qui réécrit Shakespeare à un niveau "Question pour un champion". Si vous vous sentez l'âme d'un penseur, lancez-vous, réfléchissez, analysez, psychanalysez... Et passez me voir, après, hein? Je vous paierai un coup à boire en échange.
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Si vous voulez comprendre quelque chose, je vous recommande la lecture de l'article précédent!
C'est bon? Vous êtes au point? Attention, j'interroge, prenez feuille et crayon!
1°) Où la scène se passe-t-elle?
2° ) De qui Lavinia est-elle amoureuse?
3°) A qui et comment raconte-t-elle son agression?
4° ) Combien de prénoms en -us super tendance pouvez-vous citer en 30 secondes?
Correction:
1°) A Rome? N'importe quoi!
Les scènes se passent... sur des scènes. Dans des théâtres. Je suppose qu'il est théoriquement possible de faire jouer les acteurs dans votre jardin mais... ce serait de la triche. Vous avez donc chez Botho Strauss une scène, avec un podium. Et des acteurs qui jouent des acteurs qui commentent leur performance dans Titus:
"Lavinia: Il n'y a pas longtemps je suis tombée sur une vieille copine de classe, dans un centre commercial. Elle a dit: je t'ai vue l'autre jour dans ce Shakespeare dingue. A la télévision. Je parle de cette production démente dans laquelle tu joues la fille qui est violée. Et à qui on coupe la langue, mon Dieu. [...] Mes enfants n'étaient même pas couchés."
"Tamora: Je joue Tamora [...] le plus important, c'est qu'elle, qui est au fond la barbare, rencontre un tas de Romains qui en réalité sont beaucoup plus barbares qu'elle."
2°) De son mari? Que vous êtes naïfs...
De son violeur bien sûr (un seul des deux, quand même). Enfin, je dis "amoureuse" mais ce n'est pas bien clair peut-être veut-elle seulement coucher avec lui dans des conditions plus sympas que la première fois.
" Ton coeur, je n'en ai rien à foutre, sale roquet. Seules des nuits d'amour accordent le pardon. Seule la jouissance efface la peine. Tu ne m'aimes pas. Mais je t'attends."
Mais dans cette nouvelle version de la pièce de Shakespeare, son père ne l'entend pas de cette oreille et refuse de lui laisser tourner la page dans les bras du bel italien. Je ne vous ai pas déjà dit qu'il la préfèrerait morte plutôt que deshonorée?
Suivez, un peu, bon sang!
3°) Langue et mains coupées, ça reste valable dans Viol, mais cette fois Lavinia profite de la modernité en la personne de sa traductrice Monica qui interprète ses grognements.
"Monica / Lavinia: L'art me comprends mieux que mon père. Il me donne la force et me console. Toi, vieux soudard, tu ne fais que gronder sombrement dans ta barbe.
Titus, à Monica: Dis-tu vraiment ce que ma fille dit? "
4°) C'était une question piège!
Aucun de ces prénoms n'est tendance! Vous appelleriez votre fils Mucius? Ou Démétrius?
Comptez vos bonnes réponses. A quatre vous gagnez mon respect éternel.
A zéro je ne sais pas si je vous accepte encore sur ces pages...
Une pièce qui n'a d'intérêt que si l'on connaît déjà bien le texte de Shakespeare et qui introduit une réflexion très pertinente sur nos rapports actuels aux traumatismes, (ou à la violence). Dans la nouvelle version de la tirade d'Aaron consacré à son goût pour la cruauté (voir article sur Titus) il y a cet ajout que je trouve très significatif:
" Mon ambition était de surpasser en cruauté la cruauté de cette époque. Sauf que voilà! elle n'est plus ce qu'elle était.
La malfaisance a perdu, à la lumière d'une compréhension nouvelle, son pouvoir d'épouvante.
L'analyse et la compréhension éclairent à présent le crime le plus sombre.
L'analyse et la compréhension émoussent même les cornes du diable. "
Je vous laisse y réfléchir.
Ce livre pour...?
Ce livre pour les esprits logiques qui aiment analyser, comparer, décortiquer, examiner en détail les textes qui se nourrissent l'un de l'autre. Pour une fois, peut-être, une pièce pour spécialistes, si vous avez ça dans votre entourage.