Paris-Brest, Tanguy Viel
Avis chrono'
Une syntaxe singulière, une famille atypique et un roman euh ... snob réservé à un public aguerri?
" Ce qu'il y avait dans ma valise [...] c'était seulement cent soixante-quinze pages écrites pr moi, cent soixante-quinze pages que je venais de passer deux ans à écrire et qui racontaient l'histoire de ma famille. "
Petit roman mais long séjour dans ma liste à lire! Emprunté à la bibliothèque à l'occasion de mon retour semestriel en Bretagne.
Immédiatement, je fus happée par la familiarité des lieux. J'ai tout retrouvé de cette ville que je ne reverrai peut-être jamais, parce que c'est si loin, à présent... L'arsenal, la vue sur la rade, le Cercle Marin, le vent et l'air. Je l'ai ressenti comme une grande trahison - impossible de m'évader - et à la page 20, je me sentais déjà irrémédiablement fachée avec ce livre.
Je cherchais un pont, et tombais sur l'un de ces romans qui égratignent une frange de la société, à savoir la "bourgeoisie" si tant est que ce terme colle encore à une réalité, mais dans un style qui ne semble destiné qu'à un lectorat choisi. Un livre vitrine, qui me permet de voir, mais jamais de sentir, faute d'avoir les clés de ce monde-là.
Je vois bien que ça gratouille aux entournures, cette mère sèche et glacée, toute en méfiance, en aigreur et en paroles sifflantes. Son mari, ex-dirigeant du Stade Brestois accusé d'avoir pioché dans la caisse et exilé. Cette grand-mère, son argent, cette fortune colossale arrivée trop tard. Et le narrateur, qui croit mordre héroïquement dans la sacro-sainte famille, auteur d'un roman dans le roman, qui fait le trajet de Paris à Brest dans sa valise. Vers le fils Kermeur, donc... le fils Kermeur, celui de la concierge, la mauvaise fréquentation, dirait la mère.
"Il avait bien fallu que je rende certains évènements plus attrayants, disons, plus dramatiques qu'en réalité, et c'est pour ça que dans mon roman familial [...] il avait d'abord fallu que ma grand-mère soit morte."
Je perçois bien une sorte - sinon de dénonciation - au moins de mise en lumière de certains travers, mais à mon sens, plutôt comme on aime à baver parfois sur nos semblables pour nous donner l'illusion d'un instant de rébellion, alors que nous sommes tellement encroûtés dans le milieu social qui est le nôtre qu'au fond, on ne se hasardera jamais trop loin...
Qu'aimerait dans ce livre celui qui pourrait s'y retrouver? L'amertume de l'hypocrisie?
Quatre-vingt pages d'ennui, donc. Avant un petit quelque chose. Une étincelle. J'ai fini par tolérer ce style... original... vais-je dire, pour ne pas être méchante puisque je m'apprête enfin à en dire du bien. J'ai donc fait comme si la syntaxe reprenait sagement le chemin de l'école et j'ai snobé, à mon tour ces phrases bancales qui cherchaient à se faire remarquer, en les ignorant superbement.
Je ne peux pas dire que j'ai adoré, faut pas pousser, mais enfin, je l'ai refermé réconciliée et satisfaite. Peut-être parce que j'ai ressenti de la compassion pour un gars affublé d'une pareille famille et qui, à mes yeux, n'est pas non plus sorti de l'auberge, à se mentir comme ça toujours à lui-même.
Écrire pour se venger, alors? Soit. J'ai faim aussi de vengeance parfois. Ai-je lu un livre sur les bas instincts et la lachêté? Je ne sais pas trop... Peut-être juste un livre. Avec l'air de Brest. Mais à qui diable pourrais-je conseiller un livre comme celui-ci? A personne autour de moi, c'est certain.
Sound est irrésolue et embarrassée. Groumpf.