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Urgences - Page 2

  • L'histoire sans flingue

    alice zeniter,je suis une fille sans histoire,essai,aux frontières du réelJe suis une fille sans histoire, Alice Zeniter

    Un vrai plaisir que ce petit essai qui s'est glissé pile dans ma pause déjeuner, avec tout ce qu'il faut d'intelligence, de pédagogie, de convictions féministes et d'humour pour éclairer le reste de ma journée!
    Sur la piste principale on est en quête de ce qui fait un bon récit, en s'appuyant sur Aristote, le schéma narratif ou la sémiologie(tout en douceur, vous inquiétez pas) et sur les chemins de traverse on en profite pour s'interroger sur l'éviction des femmes de ces récits, l'importance du discours politique ou le lien qu'entretiennent le réel et la fiction.

    Je résiste (difficilement, vraiment, j'en bave. Vous ne voyez jamais comme j'en bave, quand j'écris et que j'efface sans cesse.) à l'envie de tout paraphraser et de tout ponctuer avec des "mais oui", "bien sûr", "je suis d'accord!".

    C'était juste trop court.

    Je prolonge en discutant mes passages préférés (c'est facile de trouver dans n'importe quel livre mes passages préférés : Les trucs qui me laissent sur ma faim. Les trucs qui me perturbent. Les histoires d'amour avec rien que des filles.)

    "Un homme / qui fait des trucs / de préférences violents."

    Un homme. Comment s'est faite cette bascule ?  Parce que le chasseur barbu et poilu qui brandit sa lance devant le mammouth, ça n'a même pas 200 ans d'âge. C'est parce que le patriarcat était solidement installé quand on a commencé à étudier la préhistoire qu'on a longtemps mégenré de nombreux squelettes (des bijoux ou de la vaisselle, c'est une femme, des armes ou des tas d'offrandes qui montrent l'importance de la personne, c'est un homme. CQFD)  et il semble aujourd'hui établi que le dimorphisme femme petite / homme grand n'est pas attesté à la préhistoire, les femmes chassaient probablement à l'égal des hommes, c'est plus tard que le fossé s'est creusé, quelque part avant Aristote. J'ajoute qu'il a été montré que les peintures rupestres étaient autant l'œuvre des femmes que des hommes. On avait le premier rôle dans l'action, on avait le média pour le récit... Bordel mais où ça a merdé, ensuite??

    Ce syndrome de la Schtroumpfette m'interpelle, une nana pour un tas de mecs, dans les livres, dans les films, c'est vrai que c'est souvent comme ça. Et d'un strict point de vue évolutionniste...

    Mettons qu'un spécimen mâle est particulièrement réussi. C'est avec lui que toutes les femelles veulent se reproduire. Il est occupé avec une autre. Zut. Bon. J'attends 10mn (20mn? Une heure ? Excusez mon peu d'expérience) et mon vœu est exaucé.

    Inversement, avec la femelle très convoitée, qui est occupée avec un collègue. Zut. Bon. J'attends 5mn (là je suis sûre de mon coup) et hop mon vœu est exaucé ? Que nenni, produits de l'ère contraceptive que vous êtes ! Je ne parle pas de câlins sous la couette, mais de transmission de patrimoine génétique. C'est un ou deux ans, qu'il faut attendre : la mise bas + l'allaitement, quand on a raté le coche.

    Alors je pense qu'assez primitivement, les hommes se sentent tout à fait comme des Schtroumpfs, en compétition pour les femmes, qui ne sont pas rares en nombre, mais en disponibilité. Mais ce n'est pas une excuse, on aurait dû faire des albums de Schtroumpfs qui font des trucs, des albums de Schtroumpfettes qui font des trucs et un seul album où ils se mélangent. Et ne leur demandez pas de s'occuper de Gargamel ce jour-là.

    Revenons à nos mammouths. Les femmes avaient l'embarras du choix. Donc elles choisissaient le plus costaud. Donc évolution en taille des hommes au fil des générations, jusqu'à ce qu'ils s'imposent par la force...

    ... Si c'est par la force qu'on s'impose. Je renvoie à Sapiens, lecture intéressante. Et à Ulysse. Et au combo "le cerveau de l'équipe/les gorilles débiles" , qui est lui aussi un topos, non ? Je ne suis pas convaincue que l'appétence soit vraiment pour la violence.

    Moi aussi je veux jouer avec les récits de chasseurs/cueilleurs!

    Je suis une chasseuse. Je vois un lapin, je lance ma lance, je mets le lapin mort dans ma brouette. J'avance, je vois un lapin, je lance, brouette ainsi de suite et adieu le prix Goncourt.

    Je suis un cueilleur. Une airelle. Des animaux traversent au pas de course la clairière. Une autre airelle. Le sol gronde (et le ciel aussi, allez). Et paf un éclair qui manque de me tomber sur le coin de la tronche (vla pour la crainte). Et pouf la terre s'ouvre et ma voisine tombe dans la faille (vla pour la pitié).

    C'est la violence qui fonctionne comme récit, au sens du sang, de la guerre? Ou le danger, la peur pour la vie?

    Il y avait peut-être juste plus de mammouths que de tremblements de terre ?
    David et Goliath c'est vieux aussi. Force et ruse se partagent assez bien la littérature. Vaut mieux être le type qui a la mallette de billets, plutôt que celui qui a mis la baffe pour la récupérer avant de vous la filer. 
    Je suis perturbée par la place du culte de la violence et de la domination par la force. Je botte en touche. Je n'ai jamais lu Ursula Le Guin et plus on me la cite, plus je la devine au-delà de moi, le genre de texte pour lequel il me faudra un marchepied. 

    J'ai gardé pour la fin la principale qualité de l'essai, son engagement, son ton positif, tourné vers l'action et le futur. Je pense aussi que les récits sont des armes. J'ai toujours rêvé d'écrire des discours politiques.

    La fiction précède le réel, non ? Ce qui est dit précède l'action. La théorie, la pratique. La sérénade, le balcon.*4 

    Je définirais bien le réel comme le film qu'on tourne à partir du scénario dominant. 

     

    *1 - Avoir un signifiant qui contient "Zenit"(h) et vouer un culte aux notes de bas de page, je trouve que ça pose l'ambiance.

    *2 - "Notes de bad pages", c'était ma seconde option pour le titre de l'article. C'est tellement rare quand j'en ai deux que ça vaut la peine d'être souligné.

    *3 - Une pensée émue pour Hollande, qui s'est vendu comme un Gouda, alors qu'il aurait dû se présenter Camembert ou Maroilles, je suis d'accord, Mme Zeniter, je suis d'accord! L'emballage fait tout. Le récit fait tout. 

    *4 - (C'est ma dernière, promis). Souvenir d'une conversation de machine à café, que T., qui a raison sur tout en terme d'écologie, conclut en disant qu'il ne peut pas faire d'enfant, même s'il aimerait bien, peut-être, mais ce ne serait pas raisonnable. Je lui ai répondu qu'après avoir entendu ça, je préfèrerais que la terre soit peuplée de ses descendants à lui, je me sentirais moins mal barrée. Les décroissants doivent penser à ne pas décroitre trop vite, sinon ils vont juste disparaître et laisser la place aux autres.

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  • Fait d'hiver

    faille-temps, winterson, shakespeare, hogarth , reecritureLa faille du temps, Jeannette Winterson

    Quand en 2016, à l'occasion du 400e anniversaire de la mort de Shakespeare, la maison d'édition Hogarth frappe aux portes de grand·es auteur·es contemporain·es comme Jo Nesbo, Margaret Atwood, Gillian Flynn ou Tracy Chevalier, pour leur demander une réécriture des plus célèbres pièces du dramaturge, comme je suis heureuse que Winterson ait été sollicitée !

    Elle s'attaque ici au Conte d'hiver, que je n'ai jamais lu (ce sera bientôt réparé) mais c'est sans importance, le roman s'ouvre sur un récap' de l'histoire originale : un roi, sa femme, son meilleur ami, une poussée de jalousie délirante, qui convainc le roi que son bébé n'est pas de lui mais de son meilleur ami, l'exil de l'enfant etc.

    Puis nous voici de nos jours, entre Paris Londres et les Etats-Unis. Le roi est devenu un riche type mégalo, dévoré de jalousie, une jalousie un poil plus alambiquée que dans la version originale puisqu'il a eu, plus jeune, lui-même une liaison non assumée avec son meilleur ami. Une liaison qui empoisonne sans bruit le récit, à petites touches. Il cherche à se débarrasser du bébé, qui disparaîtra de la scène, pour réapparaître plus tard, élevée par un père américain. Le temps a à faire dans ce récit, tantôt en course, tantôt suspendu. Ce personnage était taillé pour Winterson, elle-même enfant abandonnée, avant d'être adoptée.

    Ce roman est bien moins LGBT que les autres de Winterson et ça ne m'a pas manqué, d'ailleurs, car c'est un vrai petit bijou, ce mélange de poésie qui m'a parfois perdue, de réalisme, de conte, de rire, de satire de la société, de péripéties rocambolesques, de personnages burlesques et de mise à nu des coeurs. Belle écriture, comme toujours. J'adore cette autrice.

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  • Le feu aux lacs*

    part-flammes-nohant-couverture.jpgLa part des flammes, Gaëlle Nohant

    Mon unique lecture des vacances et un excellent choix ! Sans rapport avec la série Le bazar de la charité, vue (et appréciée) l'année dernière. Sans autre rapport, je veux dire, que d'être construit autour d'un fait divers historique, l'incendie survenu pendant une vente de charité et la mort de dizaines d'aristocrates. ( Et d'autres petites gens négligeables.)

    Toutes ces vies bouleversées, ça en fait de la matière pour du romanesque ! Des demoiselles en détresse, des actes héroïques, de l'égoïsme, des bondieuseries, des duels d'honneur... C'était parfait.

     

    * Pas ceux avec de l'eau, soyez logiques !

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  • Promenons-nous dans les bois

    dites aux loups que je suis chez moi, rifka, bruntDites aux loups que je suis chez moi, Carol Rifka Brunt

    Quoi de mieux qu'un bon livre sur le sida pour me rappeler ma jeunesse ? C'était le grand truc de ma mère, ça, les questions de société, les grandes discussions - un peu flippantes, c'est flippant de parler de choses sérieuses avec les parents - les talk-show type "ça se discute" et les téléfilms partagés. Je me souviens particulièrement d'un, sur le cancer, avec la scène des cheveux qui partent en touffe avec la brosse...

    Donc, oui, les explications sur le sida (comme celles sur la transidentité, la pédophilie, le harcèlement scolaire, l'anorexie, le fait de ne pas coucher avant 16 ans et l'hygiène dentaire), j'y ai eu droit.  A l'époque il en passait un par semaine, au moins, un téléfilm avec des collègues dégoûtés qui refusent de partager les mêmes chiottes qu'un sidéen.

    Ce roman m'a replongé en plein dans la façon dont en parlait, dans les années 90, ce mélange de gêne et de secret. La narratrice, June, est une jeune adolescente aux parents parfois très occupés, qui ne comprend pas comment sa grande sœur a pu se transformer en cette insupportable peste. Une ado tout à fait banale, si ce n'est sa propension à se promener seule dans les bois en s'imaginant au Moyen-Age et cette relation unique qui la lie à son oncle Finn, un artiste New-Yorkais qu'elle adule et dont elle s'avoue être secrètement amoureuse. Finn, gay, meurt du sida. Reste de lui, en héritage, ce portrait de June et de sa sœur, sa dernière toile. Et cet homme étrange, Toby, que June ne connait pas.

    C'était une belle lecture, émouvante, sur la famille, le deuil, la façon dont chacun projette sur l'autre ses émotions. Sur la maturité, l'art, l'amitié et l'amour.  Des sujets sérieux et tristes, traités avec justesse, pour donner un texte plutôt lumineux. Pas facile, pas joyeux, mais éclairé de l'intérieur.

     

     

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  • Craques-craques

    mensonges-autobio-besson"Arrête avec tes mensonges", Philippe Besson

    Reconnaître, de dos, la silhouette d'un grand amour de jeunesse, s'apercevoir qu'il s'agit en fait de son fils puis replonger en pensée dans une époque révolue, voici le point de départ de ce récit autobiographique. Deux jeunes garçons qui s'aiment, dans une petite ville de province, l'un que l'on sent sur le point de s'envoler, l'autre, trop clairvoyant ou déjà résigné qui se dit englué sur ce territoire.

    J'ai beaucoup aimé ce récit, c'est difficile pour moi de résister à une telle mise à nu et à une pareille vague de tendresse nostalgique. La description faite des difficultés que peuvent rencontrer de jeunes homos pour se projeter au-delà de la clandestinité me semble toujours d'actualité. D'ailleurs ce n'est pas tant une histoire d'amour entre ados qu'une histoire de rupture et de murs invisibles, qu'on dresse soi-même ou qu'on pense exister.

     

     

     

     

     

     

     

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