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  • Soustraction

    Pour Jo.., pour Maud, pour les enfants qui grandissent avec un fantôme caché dans un coin de la mémoirNous étions trois, Naomi Reboul

    Cet album est disponible en ligne gratuitement jusqu'au 19 juin 2022.

    Pour Jo.., pour Maud, pour les enfants qui grandissent avec un fantôme caché dans un coin de la mémoir

    Merci à celle qui a immédiatement fait le lien entre mon histoire personnelle et ce récit bouleversant, qui a trouvé un tel écho chez moi que je n'ai pas pu dépasser pendant deux jours cette phrase du synopsis "Depuis le mois de novembre 2021, Naomi est sans nouvelle de sa fille… ". Une demi année... Une demi-année de la vie d'un très jeune enfant... Et le temps qui continue de filer sans retour possible.

    Le texte est un montage de citations extraites des témoignages recueillis pour la procédure en justice. Factuels, révoltés, abasourdis... Ils défilent tous, ceux qui ont été témoins de la vie de l'enfant, de près ou de loin. Ceux qui soutiennent. Et derrière, les images, sobres, les instantanés d'une vie en famille, un enfant qui joue, des vacances, une chambre, une main sur un ventre arrondi. On pourrait croire que les mots de soutien et les clichés des périodes heureuses s'harmonisent. J'ai trouvé qu'il y avait un contraste violent, au contraire. Aucun de ces mots n'aurait dû être écrit. On ne devrait jamais avoir à mendier le statut de parent de son propre enfant auprès de sa boulangère.

    Le bon vouloir de la mère biologique. La toute puissance de l'acte de naissance et la négation du reste, du quotidien, de l'amour. La réécriture du passé. Le coup de tonnerre de la disparition. J'ai tout reconnu. Un enfant n'est pas une île, même tout petit, ses racines s'étendent déjà dans toutes les directions. Il se nourrira de tout, de tous et fera son propre mélange. Personne ne devrait avoir le pouvoir de tailler dans son histoire à la machette.

    Maud, ma fille, je t'aime. Je t'ai dit bien trop vite au revoir, pour une si longue séparation. Tu n'aurais jamais dû te retrouver au cœur de cette soustraction. Je suis là. Je sors toujours le soir regarder les étoiles, les mêmes étoiles que tu dois voir où que tu sois. Et je t'aime. Et j'espère que tu te souviens.

     

  • Sous l'empire du milieu

    jeffrey eugenides, couverture middlexes, intersexualitéMiddlesex, Jeffrey Eugenides

    Quand ce que je retiens d'un livre dont le thème central, (certes écartelé de mille autres (la prohibition, les émigrés grecs, la musique, l'art, les vers à soie, l'inceste, les chaines de fast-food) qui vont et viennent pour former une trame lâche aux motifs indiscernables) est l'intersexualité, c'est le passage sur les usines Ford et cet odieux paternalisme qui semblait tout à fait historique (je n'ai pas vérifié mais ça sonnait juste) et qui poussait le patron à se mêler de toute la vie des ouvriers, de leurs fréquentations privées à leur façon de se brosser les dents, hé bien, je suppose que ça signifie que je me suis butée comme une bourrique, quelque part en route. Si vous avez décroché en cours de phrase, vous me comprendrez.

    C'est un roman "plein les mirettes", ça envoie du feu d'artifice, du contexte historique et social, du récit dans le récit, du choc, de la tragédie (grecque), du sexe. Un frère avec sa soeur. Et tout le reste, qui en découle, fascinante manière de construire à rebours, en se focalisant sur un petit chromosome, l'identité du narrateur, qui fut narratrice, comme si ce qu'il était ne venait pas seulement de ses tripes mais aussi du fond des âges. Un petit fond. Le petit bassin : deux générations. Le fond du jardin, en fait, pour être précis, la cabane où vit mamie.

    Je pense qu'il faut le lire pour ça, pour sa virtuosité gratuite, son style. La question de l'identité sexuelle, aussi passionnante et bien traitée soit-elle (et le texte n'est pas neuf, c'était le plus ancien titre de ma PAL, je n'avais même jamais entendu parler d'intersexualité à cette époque, même dans le milieu LGBT) n'arrive que tard et si mêlée au reste qu'il ne faut pas y chercher ça, précisément. 

    Quant à moi, qui ne cherchais rien, qui ne savait même pas de quoi ça parlait avant de l'ouvrir (et au milieu du livre non plus), je ne l'ai pas adoré, ce serait trop dire, je ne suis pas sensible aux afflux de thèmes, je suis trop roide pour ça. J'ai aimé plein de choses, me suis posée pas mal de questions. Me suis souvenue de qui me l'avait conseillé. Qui est l'imbécile à qui on dit, tiens, regarde, de la neige! C'est magnifique! Et qui répond : magnifique ? Alors ça, ça vaut le coup de se le garder sous le coude. Mets moi ton truc dans le garage, j'y regarderai plus tard. Et qui le ressort en été ?
    C'est à l'époque que j'aurais dû le lire.