Les impatientes, DjaÏli Amadou Amal
"Munyal, patience", ne cessent d'entendre les femmes de ce récit. Alors, pour les trois mois entre le titre et le contenu de cet article, je préviens tout de suite, c'est pas la peine de se plaindre.
Je vous en déconseille la lecture si vous avez l'impression d'avoir usé votre quota de patience derrière deux caddies à la caisse au Leclerc, ou en attendant la sortie du prochain épisode de votre série préférée. Il n'y a pas de concurrence possible car il est question au travers des récits de trois femmes peules de tout ce qui peut écraser une femme pour la soumettre, que ce soit l'éclat brutal de la violence physique ou le poids écrasant et continu de la tradition, celle des mariages polygames, des femmes dont le destin tout tracé depuis l'enfance est d'honorer leur mari et d'oublier toute volonté propre.
La patience qu'on leur demande est de subir sans un cri. C'est déshonorant, de se plaindre. Subir les coups, l'adultère. Subir un mariage forcé à un vieillard, quand on aimait un autre homme et qu'on avait presque la chance de poursuivre des études. Subir aussi de n'avoir jamais la certitude de conserver la seule chose qui reste aux femmes dans cette organisation sociale, un statut, quand le mari lassé peut à tout moment prendre une autre femme, plus jeune et désirable. Répudier. Humilier.
J'ai très peu souvent l'occasion d'une plongée réaliste dans une autre culture alors j'ai énormément apprécié cette lecture, presque la seule de cette année terrible. Au delà de l'émotion et de la compassion, je crois que mon récit préféré est celui de la première femme, qui voit arriver une rivale et n'a de cesse de la détruire pour reconquérir son mari pour elle seule. C'est comme cela que l'édifice tient, quand les victimes sont convaincues, quand le poison de la résignation passe pour une vertu.
à M..., qui n'a pas vu sa fille depuis bientôt deux ans
et vient d'obtenir sa prochaine date d'audience :
janvier 2025.