Effacement, Percival Everett
Entre mes monologues ici et la température au boulot qui est à vous faire fondre sous vos deux ou trois couches protectrices, c'est à ne plus avoir pour écrire qu'une bouillie de cervelle liquéfiée et démotivée!
Ajoutez que le chien, qui a très peur de l'orage, ne cesse de haleter, tourner et virer la nuit au point de m'empêcher de dormir. Et dire que j'arrive encore à lire assez pour avoir... Allez, jouons! Combien dois-je écrire d'articles pour être à jour ? Quelle température fait-il dehors à 6h du matin ? Combien d'heures ai-je dormi la nuit dernière?
Les réponses (en désordre) : 7, 5, 23. Je ne donne pas la solution, avec un peu de logique et sachant que je ne vis pas en Alaska ...
Pour les plus anciens fidèles, question bonus : quel livre de Percival Everett avais-je apprécié un été lointain, au point de me souvenir encore d'une citation, ce qui est rare?
---
Bien, reprenons. J'ai dormi 13mn providentielles pendant la pause déjeuner, on peut dire que je suis dans un état potable.
Il s'agissait donc de Blessés, l'histoire d'un meurtre raciste dans l'ouest américain, roman étrangement doux et paisible, pourtant. Lecture qui me fait souvenir de son contexte: vacances, soleil et transat.
Que dire d'Effacement?
Que je l'ai aimé - après un début très difficile - sans pour autant en saisir vraiment le propos principal. Le héros est un professeur et écrivain. Ce qu'il écrit est difficile d'accès, c'est le moins qu'on puisse dire... D'où l'aridité du début. Il est issu d'une bonne famille, mais pas très fort en relations familiales, il vient de perdre son père, et sa mère, de perdre la tête. Et puis il est noir, ce qui n'est pas sans lui créer des problèmes originaux: son agent littéraire trouve qu'il n'écrit pas assez noir. Que ça manque un peu de problématiques raciales, de ghettos et de cette "communauté" à laquelle ce brave gars, fils de médecin, perplexe, ne se sent pas spécialement appartenir.
Or, tandis qu'il vend péniblement trois exemplaires de ses bouquins de qualité, quelqu'un d'autre s'est engouffré dans la brèche des gamins des rues, de la drogue, du langage vulgaire, de la misère etc. et a pondu l'inévitable best-seller porté aux nues parce que "tellement vrai".
Dépité, il se lance et crache en quelques heures une parodie qui surjoue encore davantage le côté glauque, avec le gamin noir paumé voyou, voleur, violeur et qui ne peut s'empêcher de mettre enceinte toutes les 3 secondes et sans délicatesse une femelle, mais touchant quand même parce que représentatif de sa "communauté". Et grâce à son agent qui jubile, l'impensable arrive. Son livre publié sous pseudonyme rencontre un énorme succès, sans que personne n'en perçoive l'ironie.
L'ensemble de ce roman est enchâssé dans Effacement. Et oui, ce qui fonctionne, c'est qu'il est beaucoup plus facile de lire l'histoire d'un môme qui rumine sa pauvreté que de lire ce qu'écrit le professeur en son nom propre.
Mais le roman va au delà, avec ce père mort dont on découvre les secrets, la mère gâteuse dont il faut s'occuper, le reste de la fratrie. Les femmes. Toute la vie, complexe, d'un homme. J'ai cherché des liens à tisser entre ces deux cordes qui se déroulent côte à côte, celle de l'écriture et celle de l'existence. Rien de concluant, je passe sans doute à côté de quelque chose.
Dans l'ensemble, bon. Un TB pour l'écriture, un B pour l'intrigue, un B aussi pour la réflexion sur l'écriture et sa réception.
Commentaires
C'était pas un truc sur un indien? Un enfant maltraité à'la tête écrasée? ? J'avais bcp aimé aussi. Incapable de me souvenir du titre, et pas sûre que ce soit ça non plus! Ça pourrait me revenir en mettant la main sur le livre quelque part dans ma bibli, mais ce serait de la triche! C'est même sans doute toi qui me l'avais offert, non?
Bises
Alors là, bravo ! Je ne m'en souvenais pas. C'était presque ça.
J'ai consulté mes archives, on trouve bien un titre de P. Everett, que je possède mais que je n'ai pas encore lu: Désert américain (Millésime 2011). D'après le résumé il y a bien une histoire de personne écrasée. Et de tête abîmée!
Mais pas celle d'un enfant.
L'enfant à la tête écrasée, ce serait pas Edgar Mint? De Brady Udall? (Millésime 2010) Celui qui passe sous les roues du facteur, mais ne s'en tire pas si mal?
Confusion légitime.
Oui, j'ai bien dû confondre! Suis nulle! Bien sûr, ça devait plutôt être Brady Udall. Et pourtant le nom de P. Everett ne m'est vraiment pas étranger, faudra que je cherche. Désert américain, oui, peut-être, je te tiens au courant quand j'ai le temps de regarder dans le capharnaüm de la bibli. Bises!
Je n'ai que Désert Américain de l'auteur chez moi et je vais commencer par celui-là pour le découvrir. Toutefois, c'est Blessés que tu me convaincs de lire.
Nous voilà donc trois à posséder ce fameux Désert Américain, dont deux capables de remettre la main dessus!
Voilà qui fera une agréable lecture d'été. Les personnes écrasées sont mon lot commun estival.
merci de ton passage Karine:) !
J'ai adoré Blessés, je devrais me laisser convaincre par ton avis de lire celui-ci aussi.
(le Brady Udall était super aussi! De bonnes découvertes et de qualité grâce à toi)
et si vous voulez rire, beaucoup rire - ce qui est rare en littérature - lisez Pas Sidney Poitier.
Puis-je avouer ne pas connaître Sidney Poitier?
Du coup il m'a fallu du temps pour décoder le message - la faute à l'impossibilité d'utiliser les italiques - et comprendre que "Pas Sidney Poitier" est le titre d'un autre roman d'Everett.
Drôle de titre, en effet ! Que j'ai d'abord cru qu'il ne fallait pas lire. Mais maintenant que j'ai compris, je n'y manquerai pas. Les suggestions sont une denrée rare et précieuse !
merci Tao