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Séquelles 14 + 100

combien une 3e guerre mondiale obtiendrait-elle de like sur facebook, Après, Erich Maria Remarque

Avis chrono'

Magistral, mais je le savais déjà, rien qu'au nom sur la couverture. Un grand auteur pour ce roman qui a l'intelligence de retourner la guerre comme un gant. Des gamins avec la tête pleine de mort, qu'on tente maladroitement de recaser dans la vie normale.


Après Comme une bête, lecture nourissante du mois de janvier, Folio et Tale Me More reconduisent en février leur partenariat.  Vous avez sans doute noté que nous commémorons cette année le centenaire de la première guerre mondiale. C'est pourquoi j'ai choisi  Après, roman d'Erich Maria Remarque, auteur dont j'ai autrefois beaucoup apprécié "A l'ouest rien de nouveau".

Pour être honnête, le roman n'a pas bénéficié de conditions favorables de lecture. Une page par-ci, par-là pendant deux bonnes semaines. Hier soir, quand même, je me suis décidée à lui faire un sort. 300 pages d'un coup. Ce n'est pas évident de s'endormir, ensuite, ça fait tourner pas mal de choses...

J'essayais de me figurer ce que ça pourrait faire d'être en guerre, aujourd'hui. Avec des combats devant nos portes. C'est quasi impossible de se projeter. Il me reste quoi, 40 ans à vivre dans le meilleur des cas ? 50 ans ? Je me dis que ça ne m'arrivera pas. Mais est-ce que j'en suis certaine? Que pensait un gamin né juste après guerre, allongé dans son lit le soir en 1930 ? "La Der des Ders", hein ?

Combien de temps s'écoule entre le moment où on se dit "oh, les choses se gâtent" et le moment où on se retrouve une arme à la main à ramper dans un champ ?

Après est un très beau livre. Comme la paix est fragile! E.M. Remarque écrit ça en 1931. Il est allemand. Un récit comme celui-ci devrait être un andidote à toutes nos pensées bellicistes. Alors, est-ce que nous n'en lisons pas assez ? C'est ça la solution ? Nourrir chaque génération de ces livres-là? Si seulement ça sufffisait ...

Comme son titre l'indique, le récit commence à l'armistice.
Mais on ne s'arrête pas de mourir de la guerre à la minute de l'armistice, oh non.

Ce sont des gosses, qui rentrent chez eux. Des gosses passés directement des bancs du lycée aux tranchées. Des gosses restés ensevelis des heures la bouche plaquée contre les intestins éventrés d'un camarade encore en vie et qui hurle, tâchant de les repousser de la main pour respirer.

Des gosses qui ont tué. Ils rentrent avec la syphilis et c'est le moindre de leurs maux. Ils ont fantasmé la maison, le foyer, la famille, la femme laissée au pays. C'était leur bouée. Et quand ils rentrent, une mère émue ouvre la porte de leur chambre en disant "tu vois, on a rien touché, tout est comme avant".
Oh, ce n'est pas la chambre qui a changé, c'est l'enfant. C'est l'homme. Et le contraste est terrible.

Le roman d'Erich Maria Remarque, qui met en scène ces rescapés déboussolés, est un chef d'oeuvre de simplicité. Il ne moralise pas, il dit "voilà, voilà le retour du héros". Le narrateur erre dans la ville. Plus rien n'est pareil.

Comment retourner à l'école ? Le passage est savoureux. Le grand discours du directeur... qui n'a plus d'autorité. Ils sont tous là, stupéfaits, lorsqu'ils s'en aperçoivent. Ils ricanent devant le règlement intérieur.  On leur rend leurs cahiers de composition, leurs copies d'avant... Mais ils ont tué. ça n'a plus de sens. Que faire de cette génération sacrifiée? On bâcle des diplômes bidons. La pays entier est embarrassé de sa jeunesse. Une jeunesse trop âgée, qui en a trop vu.

"J'examine le groupe des professeurs. Les professeurs... Ils signifiaient autrefois, pour nous, plus que les autres hommes [...] Aujourd'hui ils ne représentent plus pour nous qu'une poignée d'hommes plus âgés, que nous considérons avec une cordialité condescendante.

Les voilà donc. Et ils veulent recommencer à nous instruire. On se rend compte à leur mine qu'ils sont prêts à sacrifier quelque chose de leur importance. Mais que pourraient-ils bien nous apprendre? Nous connaissons maintenant la vie mieux qu'eux."

Les passages marquants sont nombreux, je ne peux pas tous les passer en revue, même si j'aimerais, vraiment.

"chez nous, l'homme seul comptait, pas la profession".

Ce que je trouve le plus fort, émotionnellement, c'est la réflexion autour de la position sociale. Dans la boue et la vermine, il n'y a que le camarade et la bravoure, qui place chacun au rang qu'il mérite. Après guerre avec l'argent, le marché noir, la politique et la naissance, la position sociale se redéfinit. On brasse à nouveau les cartes. Tel qui n'aurait pas pu mener un assaut, qui doit sa vie au courage des autres, fait fortune. Tel autre, qui a sauvé de nombreuses vies est à présent snobé par le premier. Tout est bouleversé.

C'est pire que le vide des existences et le vide des estomacs que l'on rationne. Ces pauvres gamins n'ont plus aucune place dans la société d'après guerre. Ils sont les déchets honteux d'une défaite. Impropres à retourner sagement à une vie... d'ailleurs quelle vie ? Ils cherchent à se rassembler, à se retrouver. Le roman est un mouvement permanent de troupeau qui se forme, qui cherche la chaleur du groupe.

"Sommes nous d'ailleurs encore capable d'être autre chose que soldats?"

 

 Et voilà ... Un article entier fait de paraphrase ^^

C'est un signe, ça, le signe que j'ai bien envie de vous faire partager ce texte, rien que le texte et pas mon baratin de piètre analyse! Voilà un livre que je serai heureuse un jour de sortir de ma bibli. Un texte à partager.

Je n'en lirai sans doute pas d'autre cette année, mais si vous souhaitez pour une raison ou une autre, particulièrement dans un cadre scolaire, commémorer le centenaire de la grande guerre, je trouve que c'est une porte dérobée intelligente. Les coulisses de l'héroïsme. Un habile mélange entre ce que pensent ces soldats et ce qu'ils vivent, très concrètement. Le chômage et les cauchemars. Les camarades qui se suicident et ceux qui meurent après un an de paix d'un vieil éclat d'obus dans le cerveau qui décide de se dégourdir un peu les jambes. Le roman n'aurait été que l'errance psychologique d'un soldat démobilisé, il aurait été moins bon.

Et après, on fait quoi après ? Après toute ces choses dont on parle souvent en donnant l'impression qu'elles sont une fin. Après le "happy end" des films. Après avoir obtenu son bac. Après le mariage. Après la naissance de l'enfant. Après la manif. Après la révolution. Après la guerre.

Grand auteur. Grande pensée.

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