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Stabat Mater

pourquoi-heureux-normal-winterson.jpgPourquoi être heureux quand on peut être normal? Jeanette Winterson

Avis chrono'

Un livre à placer parmi les grands crus de l'année 2013. Arf!! Je ne sais pas quoi dire pour ne pas faire fuir ceux qui (comme moi en fait) partent en courant lorsqu'ils entendent "autobiographie". C'en est une, mais plus encore que l'extraordinaire portrait de la mère odieuse, ce qui retient l'attention - et l'émotion - du lecteur, c'est l'humour et l'intelligence éblouissante de Jeanette Winterson. A lire de toute urgence.


"Au début, j'aimais Dieu, bien sûr, et Dieu m'aimait. Ce qui n'était pas rien. J'aimais aussi les animaux et la nature.
Et la poésie. Le problème, c'était les gens. Comment aimer une autre personne? Comment s'assurer qu'une autre personne vous aime?
Je n'en avais aucune idée. J'ai pensé que l'amour était la perte. Pourquoi l'amour se mesure-t-il à l'étendue de la perte?"

Après J.K. Rowling dont j'admirais tout récemment la capacité à transmettre une opinion et à nous donner l'envie d'agir, ce qui fait d'elle une femme avec laquelle j'aimerais ardemment débattre - français only, sorry - me voici à nouveau en train de fondre d'admiration pour une femme anglo-saxonne après la lecture de son livre. Il m'est arrivé de lire sur certains blogs que quelques-uns s'autorisent parfois à rêver une rencontre avec leurs personnages favoris. On dirait bien que je préfère les auteur/e/s! J'aime à croire que c'est l'effet de mon esprit rationnel, mais à bien y réfléchir, mes chances de prendre le thé dans mon jardin avec Jeanette Winterson ou avec le Choixpeau magique de Poudlard sont identiques - et nulles.

Jeanette Winterson est une figure relativement célèbre de la littérature anglaise. Elle est l'auteure d'un roman, Les oranges ne sont pas les seuls fruits, qui a donné lieu à une adaptation par la BBC. Je n'ai ni lu l'un, ni vu l'autre, mais le roman est dans ma bibliothèque depuis des mois sinon des années. En effet, J. Winterson est un nom qui circule à la fois dans les milieux lesbiens et féministes et ma best friend anglophile m'a offert son livre en français quand elle se l'est procuré en anglais.

J'allais dire "bref", parce que j'aime bien "bref", mais en fait non, j'ai tout mon temps, il n'est même pas 2h du mat'. Cette même amie m'envoie début août le lien d'une vidéo dans laquelle Jeanette Winterson parle de son livre, puis lit des extraits. C'est tout en anglais, of course, et sans sous-titres. ça dure 1h. J'écoute tout, je ne comprends presque rien, mais je suis subjuguée par cette petite femme, son charisme, son charme, son humour que je perçois laborieusement par bribes. J'aime sa voix, son sourire, sa façon d'accélérer un peu le débit quand elle plaisante. Et j'aime ce qu'elle dit du lien entre la littérature et la vie.

Suivez mes traces, disciples, et commencez par écouter au moins quelques minutes de cette performance. Même si vous ne comprenez pas tout, tout est dans le regard, le sourire et surtout, la voix. Impossible de résister à cette espièglerie!

...

jeanette-winterson.jpgJ'espère que vous avez fait la pause règlementaire Winterson!! Bon, je continue. Je discute de la vidéo avec ma copine, qui me parle longuement du livre. Et puis c'est tout, jusqu'en septembre, où elle me l'offre pour mon anniversaire. En français, ouf! Lu en octobre, ce qui est un odieux passe-droit vis à vis des autres romans de ma P.A.L. ça rouspète encore dans les étagères.

J'en viens quand même au récit. Ce n'est pas pour votre confort, c'est pour le mien, on m'intime fermement de venir me coucher il est tard.

Il s'agit donc d'une autobiographie. L'enfance occupe une large part et la figure dominante est celle de la mère. Milieu ouvrier, nord de l'Angleterre, je vais y revenir. Jeanette est une enfant adoptée. Très tôt, elle nous explique que chaque fois qu'elle décevait sa mère, qu'elle faisait une petite bêtise d'enfant, celle-ci lui disait âprement qu'ils s'étaient trompés de berceau, qu'ils auraient dû prendre Paul, le garçon à côté. Cette anecdote n'est que la première d'une longue suite de maltraitances psychologiques, bien plus féroces que la violence physique, que l'enfermement dans la cave, que les nuits passées sur le pas de la porte de la maison.

Je commence l'énumération de ce qui m'a plu dans ce récit: son enfance, ce portrait de sa mère. Fabuleux. Horrible mais raconté avec talent et beaucoup beaucoup de dérision.

J'ai encore plus aimé le regard qu'elle porte sur les évènements, très pointu. Sa façon de chercher à comprendre ce qui a influencé, et en quoi, sa vie d'adulte, son caractère.

Au passage, elle décrit avec finesse le milieu social dont elle est issue. J'ai été particulièrement frappée de certaines remarques concernant la fréquentation orale des textes religieux comme porte d'entrée dans la littérature. Ses parents sont des évangélistes, des fanatiques. Je ne vous raconte pas comment réagit une mère qui n'est déjà pas aimante quand sa fille déclare qu'elle est lesbienne. Cette mère est un monstre, mais il y a indubitablement une forme d'amour dans la manière qu'a Jeanette de nous la décrire. A tout le moins, une grande compréhension de cette malheureuse femme.

J'ai adoré ensuite la façon dont elle a grandi à travers toutes ces épreuves, l'évolution de ses sentiments vis-à-vis de l'adoption. C'est un texte très riche, parfois limite bordélique. Elle aime ces formes littéraires qui sortent de l'ordinaire, elle le dit. Je suis amoureuse de cette écriture. J'ai de la chance en ce moment, dans ma boulimie de lectures, je tombe sur de nombreuses pépites.

Il est très difficile à décrire, en fait, ce livre. Je le trouve passionnant, mais bien sûr, c'est normal car il touche à beaucoup de sujets qui m'interpellent.

Pourquoi être heureux quand on peut être normal? C'est la mère, qui pose la question en ces termes. Elle fait un titre parfait, vous ne trouvez-pas? A-t-elle vraiment prononcé ces mots, du fond de sa colère et de son incompréhension? Une femme qui s'est refusé une vie et qui est terrifiée qu'une autre, sa fille, ose préférer le bonheur.

"Les mots sont la part du silence qui peut être exprimée."

Lien permanent Catégories : Urgences 3 commentaires

Commentaires

  • 2 très bonnes questions : celle du titre et celle de la citation. J'aimerais bien avoir les réponses. Et peut-être que ce livre en apporte quelques-unes. Celles en tout cas qui ont dû convenir à l'auteure.
    J'ai très très très envie de le lire celui-ci pour diverses raisons :
    - la manière dont tu en parles : exaltée? ^^
    - cette relation mère/enfant
    - la question
    - parce que c'est autobiographique (?)
    - pour la découverte de cette auteure
    - parce que l'écouter parler la rend intéressante et sympathique (d'ailleurs je vais profiter de mon retour at home, au calme, pour réécouter en entier et tout à fait concentrée Mme Winterson).

    (bon on en est à 2 auteures, 1 chanteuse qui t'ont fait craquée dernièrement. Je tiens les comptes de tes coups de coeur tu vois :p)

  • Exaltée... oui, oui, il y a de ça. Je n'ai pas l'impression de me laisser facilement embarquer, pas plus que d'habitude. Simplement j'ai eu la chance de tomber dans un court laps de temps sur 3 oeuvres qui me font craquer, toutes étroitement liées à la personnalité de leur auteure.
    C'est trop bon, d'avoir des coups de coeur. Je ne vais pas me priver.

    Je te prêterai ce livre, très bientôt. Je suis sûre en effet qu'il va te plaîre, rien que pour la mère et la fille, et le côté autobiographique. Mais tu aimeras l'écriture. On ne peut qu'aimer.

  • C'est un livre qui m'a beaucoup touché. Merci pour tout ce travail, c'est excellent !

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