Le livre de Joe, Jonathan Tropper
Joe n'est pas heureux, mais il est célèbre. Auteur d'un roman à succès, il vit à Manhattan avec tout ce qui va bien, le grand appart, la voiture de sport, les nanas et assez de billets dans son portefeuille pour en faire un oreiller de secours.
Et qu'advient-il, dans les romans, aux personnages pas trop heureux?
Ils trouvent le bonheur.
Et comment ?
En trouvant/retrouvant la femme de leur vie.
Mais avant, ils en bavent un peu, histoire de la mériter. Même dans les contes de fée on en passe par là : forêt, dragon, belle-mère...
Heureusement le destin est là pour aider Joe en lui fournissant les emmerdes nécessaires, sous la forme d'un retour aux sources. LE célèbre retour aux origines (=la forêt), avec la famille qu'on n'a fait que fuir depuis des années, les ex qu'on a jamais pu oublier, les potes d'enfance, la nouvelle génération qui évoque l'ancienne. Bref, le bon gros gâteau de culpabilité et son glaçage de secrets dans le placard.
Les ingrédients sont bien connus, le reste n'est qu'agencement. La patte du chef. Ce fameux truc qui m'échappe toujours aux fourneaux et qui fait qu'en suivant scrupuleusement la recette j'arrive... ailleurs. Demain je dois faire un far aux pruneaux.
Pour Joe, c'est le père mourant qui est le déclencheur. C'est souvent comme ça d'ailleurs, souvent la mort (des autres, c'est plus pratique) qui ouvre la voie au renouveau personnel. Lâcheté normale de l'humain pour qui le coup de pied au cul salutaire doit avoir la force d'un bâton de dynamite.
Alors bien sûr, Joe ne s'entendait pas avec son père. Bien sûr il retrouve son frère qui, lui, est resté dans le trou perdu de Bush Falls, il retrouve son ex, ses potes d'enfance et l'inévitable Ennemi, le grand méchant des histoires pour les grands. Souvent un pauvre type qui tyrannise les gamins au collège et qu'on retrouve 20/30 ans plus tard pilier de bar , encore plus aigri et violent (=le dragon).
Et je vous livre l'ingrédient secret du chef : le livre de Joe !
Il se trouve que si Joe est devenu célèbre, c'est grâce à un roman incisif, qui ridiculise les moeurs provinciales de... bah de tous les gens qui justement étaient, et sont encore, dans le bled de son enfance. Et il n'y est pas allé de main morte, le bougre... Et il y a eu une adaptation en film, qui a encore décuplé l'audience. Du coup, les gens ne sont pas très gentils avec lui, quand il revient. Sa belle soeur (=la belle-mère), par exemple, qui aurait préféré passer à la postérité dans une autre scène que celle d'une fellation...
Schéma prévisible, donc, mais lecture tout à fait agréable, prenante. Je n'ai pas eu beaucoup d'affection pour le petit Joe, ni le grand, mais de souvenirs en souvenirs, d'échos entre passé et présent, je me suis prise à chercher le secret le plus noir de son passé, celui qu'il allait devoir affronter et surmonter. Et à attendre qu'il l'embrasse, sa gonzesse.
C'est très américain. Sport et sexe. A mi chemin entre le roman qui se lit bien et la littérature. La complaisance pour l'auto-apitoiement et le manque de maturité du héros sont compensées par les deux personnages des amis d'enfance et par les souvenirs de cette époque.