Le chardonneret, Donna Tartt
Les histoires de drogue m'angoissent. Sans doute qu'à certains moments j'ai renâclé à ouvrir le roman à cause de ça, opté pour une autre de mes lectures parallèles. Sans en être le thème, c'est un axe central de ce récit initiatique. Ce n'est pas la première fois que je remarque que quand ça tourne mal pour un personnage auquel je me suis attachée, soit il me faut dévorer les pages à toute vitesse, presque sans toucher les lignes, pour qu'il se sorte rapidement du pétrin - et gare à qui vient me déranger à ce moment-là, ou me poser une question que je n'aurai pas entendue, ma réponse ne vaudra pas tripette - soit j'esquive, je pose le livre, je reviens plus tard. Comme si une part de moi espérait que pendant ce temps quelqu'un serait venu faire le ménage, arranger les choses, que la tempête serait passée sans que j'aie à me taper les catastrophes.
A treize ans Théo perd sa mère dans un attentat au musée. Il en sort traumatisé, accablé par la culpabilité et les inévitables "et si..." qui voudraient réécrire le passé. Il se trouve qu'il en réchappe aussi avec deux secrets : une rencontre dans les décombres et un tableau emporté sans conscience véritable de son acte.
C'était un roman corne d'abondance, qui a tout de la soirée roborative entre amis - si vous vous souvenez encore de ce que c'est - il y a d'abord eu l'agitation bavarde, le repas joyeux avec de quoi piocher pour tous les goûts : une très belle histoire d'amour, un peu triste. Le personnage de la fille, superbe, pas besoin d'être souvent présente dans l'histoire pour prendre énormément de place. Une amitié poivre et sel avec un autre garçon paumé. Une rencontre décisive avec un restaurateur de meubles. L'art, sous plusieurs formes. L'amour fou pour ce petit tableau, cet oiseau enchaîné. Le deuil. Tout ce qui marque sa jeune vie, le pire et le meilleur, mêlé. L'atmosphère se relâche. La torpeur repue de fin de soirée l'emporte. Il y a de longues pauses digestives, je suis certaine d'avoir parfois décroché rêveusement. Théo est dans le bus, le trajet est long. Je m'assoupis un peu. Je suis bien.
Quand on dit d'un roman qu'il est beau, en général, c'est que c'est un peu chiant lent par endroits. Dnas un beau roman, on ne s'attend pas à des flingues, des dealers, une profusion de lieux - New-York, Las Vegas, Amsterdam. J'ai eu ça ET une mélancolie anxieuse, métaphysique. C'est tout ce mélange qui m'a bien plu.