Carbone & Silicium, Mathieu Bablet
Hé bien voilà, ouf, je suis encore capable de finir un livre, pour peu qu'il y ait des images ! Une météo clémente. Une couette. De la musique. Et puis les livres qu'on me conseille ou qu'on me prête sont spéciaux.
Il faut s'accrocher pour celui-ci. Le dessin est particulier, surtout les personnages, qui ont de drôles de visages... Dans des tonalités assez sombres, qui collent parfaitement à l'ambiance d'apocalypse. Dans une société qui est à peu près la nôtre, deux intelligences artificielles sont créées, Carbone et Silicium. L'entreprise qui en est propriétaire leur donne deux corps, un masculin et un féminin et pour des raisons éthiques, limite leur existence à quinze ans. Mais le lien développé avec la scientifique qui finit par se considérer comme leur mère leur permettra de s'affranchir de cette limite.
Tandis que sur trois siècles, en toile de fond, l'humanité court à sa perte, de crise économique en crise migratoire, avec la pollution, l'épuisement des ressources, les guerres civiles, la montée des eaux et autres réjouissances qu'on espère vaguement cantonner à la S.F., nous suivons ce couple de machines qui s'interroge sur le monde, la conscience, l'utilité des corps, la condition humaine.
Je pense qu'il y a largement de quoi faire pour les amateurs dans tous ces thèmes sérieux ... Ce n'est pas ce qui a retenu le plus mon attention mais ça ne m'empêche pas d'en dire un mot. Vers le milieu du récit, j'ai été cherché sa date de parution. C'était très récent, 2020 je crois. Et pour le coup, l'intelligence artificielle a fait une si fracassante entrée dans le monde réel que j'ai du mal à me dire qu'on a étalé sur 300 ans ce qui me semble devoir tenir en 50. Il faut un temps humain fou dans le récit pour que germent les questions d'identité, de droit des humanoïdes, d'indépendance...
Passons à ce que j'ai eu vraiment envie de lire, l'histoire d'amour entre les deux machines. Un amour haché et chaotique, puisque leur relation n'est faite que de longues séparations... Ils sont si différent l'un de l'autre. Silicium s'attache à son corps d'un bout à l'autre. Il est l'incarnation d'une certaine forme de permanence, dans l'intention, tout en étant un insatiable nomade, toujours en quête de nouveaux espaces à découvrir. Il parle peu, s'inquiète peu du monde. Carbone au contraire est en perpétuel changement, de corps, de philosophie. C'est un esprit inquiet, parfois révolté, toujours à vouloir agir. Très beau couple, dont je guettais sans cesse les moments de retrouvailles et dont je partageais l'attente...