La fille automate, Paolo Bacigalupi
Dommage que la déception l'emporte car j'ai apprécié la qualité de l'écriture et du récit. Toute la première moitié est très bien faite, exigeant un effort des lecteurs et lectrices pour se situer dans le temps et dans l'espace et s'accoutumer à l'univers et à quelques termes étrangers, jamais traduits mais compréhensibles en contexte. J'ai davantage eu l'impression de dépaysement parce que l'intrigue se déroule à Bangkok que parce qu'elle se situe dans l'avenir.
La raison en est simple : ce futur là ne demande pas une grande capacité d'imagination. Il nous pend méchamment au nez. La main mise de grandes firmes occidentales sur le génome des semences, la pollution, les bricolages génétiques dont l'humain a perdu le contrôle, la montée des eaux qui a redessiné les paysages ainsi que les mortelles épidémies qui accompagnent souvent ces catastrophes ne sont qu'à peine de la science-fiction.
Voici donc le décor, une ville qui a survécu grâce à la prévoyance de son gouvernement, grâce aux pompes qui protègent la ville de la submersion, grâce à sa banque de semence qui permet encore de nourrir la population. J'ai aimé qu'on ne m'explique pas grand chose, que je doive extraire moi-même une certaine compréhension - encore à présent imparfaite - de la situation à partir de détails. L'énergie est une denrée rare, bien sûr, plus d'électricité. Les immeubles sont encore là. L'ascenseur aussi, mais pour le faire monter, de la main d'oeuvre bon marché doit grimper à pied les étages et monter dans une cage qui fait contrepoids.
Les personnages que l'on suit ne sont ni bons, ni méchants. Ils sont là, chacun avance dans cette vie difficile, porté par tantôt par ses idéaux, tantôt par ses intérêts. Le récit est assez politique. Le plus étonnant, c'est ce personnage de femme artificielle, prisonnière d'un bordel, objet technologique complètement décalé, inadaptée à cette période de disette énergétique. Le futur déjà obsolète. Personnage qui donne son nom au roman, qui est presque seule citée dans le résumé et n'est pourtant qu'une étincelle. Ni celle à laquelle on s'attache le plus, ni celle qu'on suivra le plus. Comme une touche de romanesque apporté à un documentaire géo-politique pour en diluer le sérieux.
Tout est étrange, dans ce livre, y compris mon sentiment final, de mélancolie qui ne trouve ni assez pour se nourrir de pessimisme, ni assez pour secouer les esprits et donner de l'espoir. Ai-je trouvé cela trop triste ? Trop indécis ? En tout cas, j'en sors déçue (ou frustrée? C'est la même chose?). Quelque chose ne s'est pas passé, dans la seconde moitié, je ne saurai pas dire quoi. Pourtant, c'était un beau roman.
Un roman pour penser notre monde.