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C'est bien plus beau lorsque c'est inutile

cyrano, pièce, couvertureCyrano de Bergerac, Edmond Rostand

Vous n'en trouverez pas beaucoup, sur ces quinze ans, de critiques d'une relecture. Tout simplement parce que je ne relis presque jamais rien. Sauf avec une compagne, pour partager. Ou avec la petite. Mais j'ai relu les Faux monnayeurs, au printemps, pour un cadeau. N'ai rien écrit car il n'y a pas matière : ça marche toujours, l'écriture est magnifique, c'est un grand livre, voilà tout.

C'est étonnant... Je passe mon temps à tisser des liens entre mon passé et mon présent - qui ne m'évitent pas de refaire les plus lourdes erreurs - mais je ne relis presque jamais les livres qui sont mes piliers. Même Le Bruit et la Fureur... Depuis combien d'années? Il faudra le mettre au programme de mon été.

Il y a quelques mois j'ai eu envie de revoir le film Cyrano, celui de Rappeneau. J'en ai parlé plusieurs fois, mais ma version à la maison était trop vieille, le film n'a jamais voulu démarrer.  J'ai regardé s'il n'était pas sur Netflix... Et hier, je l'ai trouvé, tout simplement à la médiathèque. Le timing...

J'ai tellement vu et revu ce film, quand j'étais jeune... Plusieurs dizaines de fois. J'en connaissais au moins la moitié par cœur. Mon père avait fini par m'offrir le texte en poche. J'ai alors découvert le concept d'adaptation. Que le réalisateur avait fait des coupes, J'ai tout annoté. J'ai ressorti mon exemplaire hier, il y a tout, les vers supprimés, les modifications... J'ai revu le film et relu des passages entiers, cette nuit. Ma mémoire s'est un peu effacée, je peux poursuivre souvent sur quelques vers les tirades, mais les morceaux entiers se sont perdus et j'aimerais qu'ils reviennent. J'ai encore l'âge de ré-apprendre.

A la fac, un de mes profs a démoli cette pièce. Une merde d'une grande mièvrerie, disait-il en substance. J'avais eu un peu honte et pendant des années, je m'en suis tenue à l'écart.

Alors j'ai essayé hier de le regarder avec ces yeux-là et ma connaissance un peu plus large de la littérature. Je me suis demandée si ça en était d'ailleurs, de la littérature. Parce que c'est vrai que c'est d'un romantisme un peu benêt. Que le gars fait son malheur tout seul, comme un grand. Qu'il aurait pu l'avoir, la fille. Qu'il a laissé filer l'occasion. Mais il a été là, à côté, en ami. Je lui tire mon chapeau d'avoir tenu sa langue tout en l'ayant si éloquente et bien pendue !

Je trouve personnellement qu'il y a du mérite à un texte comme celui-ci, pas virtuose, un peu grotesque, populaire, à la fin du XIXe siècle, dans une période qui s'est éloignée du romantisme et dans un contexte politique sombre et chargé. 

Je pleure encore à la fin, comme quand j'étais ado, parce que j'y crois, à cette histoire de panache. Et je me demande si j'ai trop vu ce film ou si au contraire, j'étais contente de le trouver car j'étais déjà comme ça. Quoi qu'il en soit, cette scène finale en fait un peu trop, je ne peux que le concéder.

Côté style, elle est pénible cette pièce, à lire - c'est pas fait pour, me direz-vous, va au théâtre . C'est prévu. Retourner au théâtre, pour le répertoire classique, ça me manque. - les vers sont hachés, éparpillés sur trois lignes, partagés entre trois locuteurs différents. Le tout coupé encore par les didascalies...

La tirade des nez est d'une grande virtuosité, c'est un exemple de ce qu'est l'esprit, j'admire. Mais ça n'est pas mon passage préféré. Je souris toujours quand je lis "Je me suis donc battu, madame, et c'est tant mieux/ Non pour mon vilain nez mais bien pour vos beaux yeux". Galanterie surannée. La première confrontation avec Christian, c'est drôle. "Paf ! Et je riposte... Pif!" Et le duel, au début ! "A la fin de l'envoi, je touche". Que de savoureux morceaux...

Mais le passage que j'aime par dessus tout ( d'après mon gribouillage dans la marge : 47e minute) est sa longue tirade sur son refus de la compromission, de se mettre à l'abri d'un puissant, d'abdiquer sa liberté et de se renier soi-même, qui se termine ainsi :

"Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même que l'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut peut-être, mais tout seul ! "

Mauvaise pièce, bon coeur.

Lien permanent Catégories : Urgences 0 commentaire

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